Le samedi 30 janvier 2021 fut riche en évènements au sein de l’UFR/SJP de l’Université Thomas Sankara. C’est en effet ce jour qu’enseignants et étudiants se sont donnés rendez-vous pour magnifier aussi bien le droit constitutionnel que pour donner un nouveau souffle dans la famille des habitués du droit international.
L’organisation jumelée d’une journée scientifique de la SBDC et la tenue d’une Assemblée générale constitutive de la Société Burkinabè pour le Droit International le samedi 30 janvier 2021 annonçait une soirée bien chargée.C’est autour du thème : « Le contentieux électoral devant le juge constitutionnel » que s’est ouvert la journée scientifique de la SBDC. L’exposant, Monsieur Kelguingalé ILLY, faisant le constat de l’importance fondamentale de l’élection dans la construction démocratique, fit savoir que l’effectivité de ce fondement de la démocratie passe par le « droit pour tout citoyen de saisir un juge indépendant » dans le cadre de la tenue des élections. En se fondant sur les articles 152 et 154 de la Constitution et sur le code électoral du Burkina Faso, il a présenté à l’assistance, une vue panoramique puis analytique des « attributions du juge constitutionnel en matière électorale » au Burkina Faso. Au regard de ces attributions et prenant à témoins la pratique jurisprudentielle du conseil constitutionnel burkinabè, il poursuit son analyse autour de la « perfectibilité de l’office du juge constitutionnel burkinabè ». En effet, pour Monsieur ILLY, l’office du juge burkinabè reste à perfectionner pour deux principales raisons :l’application par le juge constitution burkinabè de la « thèse de la virginité constitutionnelle ». C’est dire qu’en cas de modification des conditions de participation aux élections présidentielles, l’application des nouvelles dispositions n’est pas rétroactive de sorte que les compteurs sont ramenés à zéro pour le président en fin de mandat[1]. En outre, la faible protection des droits fondamentaux a pu être constatée très souvent dans la pratique du juge constitutionnel, nous dit Monsieur ILLY[2].Avant de terminer son propos, l’exposant n’a pas manquer de dégager quelques pistes de solutions pour un meilleur office du juge constitutionnel burkinabè dans le contentieux électoral.
A la suite de Monsieur ILLY, c’est le Pr Abdoulaye SOMA, Président de la SBDC qui s’est installé pour exposer sur un thème tout aussi captivant : « Philosophie de la réaction graduelle du droit face au fait ». Le Pr a tenu à faire remarquer qu’un tel sujet tend à établir un « lien dialectique entre le droit et le fait ». C’est ce qui d’ailleurs a orienté le raisonnement juridique vers une problématique fondamentale : « Quels sont les différents types de réactions du droit par rapport au fait ?».La typologie développée par le professeur a démontré une classification graduelle des réactions du droit face au fait. La première réaction est l’indifférence du droit face au fait. A ce niveau, le constat est que par rapport à un fait déterminé, le droit est inexistant ; il n’ya encore aucune production de règles de droit pour répondre au fait. C’est l’exemple des coups d’Etat en Afrique des années 1960-2000 où le droit était resté indifférent. Ainsi, les faits tenant lieu de coup d’Etat à cette période ne donnaient pas lieu à des sanctions.La deuxième réaction, située à un degré supérieur, est la recommandation. Ce deuxième type de réaction tire le droit de son indifférence. Face à une situation de fait déterminée, le droit réagit cette fois en édictant des règles mais non obligatoires. Reprenant l’exemple du coup d’Etat, il est à remarquer qu’à partir de 2000[3], le droit cesse d’être indifférent et commence à édicter des règles non obligatoires. Un sujet de droit qui n’obéit pas à une règle recommandataire ne peut être condamné en droit. Le troisième niveau de réaction, selon le Pr, est l’interdiction qui « est la réaction du droit par la production d’une règle obligatoire ». Ces règles fondent la responsabilité civile -appelant à une réparation- du sujet qui commet le fait interdit[4]. En ce qui concerne les faits de coup d’Etat en Afrique, à partir de 2007, la réaction du droit va connaitre une nouvelle étape. Désormais, la Charte Africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance en 2007 les interdit purement. Enfin, le dernier niveau de réaction du droit face au fait est l’incrimination. Elle serait l’action, par le droit, de la transformation d’un fait en infraction. La commission de ces faits par un sujet de droit engage la responsabilité pénale de celui-ci[5].
A la fin de ces exposés, le public d’étudiants et d’enseignants ont eu le privilège d’échanges interactifs avec les exposants au tour des thématiques développés. Notons que cette journée scientifique de la SBDC a connu la présence du Pr Cheik TOURE, Président de la Société Malienne de Droit Constitutionnel.

La deuxième phase majeure de la journée du 30 janvier à l’UFR/SJP est sans doute la tenue de l’Assemblée constitutive de la SBDI. Tenue à la suite de la journée scientifique de de la SBDC, l’Assemblée constitutive de la SBDI vient raviver la création d’un cadre formel d’expression des praticiens et théoriciens du droit international au Burkina Faso après une première tentative infructueuse en 2014. Ce fut l’occasion de soumettre à l’appréciation des participants à cette assemblée constitutive, les projets de statut et de règlement intérieur de la SBDI. Initialement pressentie pour être appelé Société Burkinabè de Droit International (SBDI), ce cadre prend finalement, après débats, la dénomination« Société Burkinabè pour le Droit International » (SBDI).Les statuts et règlement intérieur furent adoptés par acclamations avant celles du bureau exécutif national de la SBDI. Ce bureau qui a reçu l’onction de l’Assemblée Constitutive pour conduire la direction des premiers programmes de la nouvelle société est présidé par Dr. Valérie Edwige SOMA/KABORE, maitre-assistante en droit à l’Université Thomas Sankara. Elle est secondée par le Dr Emile OUEDRAOGO, maitre-assistant en droit à l’Université Nazi Boni. L’équipe se complète par d’autres enseignants de droit tout aussi dynamiques que les premiers.
C’est sur cette note de renaissance de la SBDI avec beaucoup d’espoirs que se sont achevées les activités jumelées de ce 30 janvier 2021 à l’UFR/SJP.La rédaction de la Revue Juridique du Faso adresse ses vives félicitations aux membres fondateurs de la SBDI et souhaite un excellent mandat au bureau exécutif.
Windpagnadé Gildas Vitalien TARAMA
Revue Juridique du Faso
[1]Voir le rejet par décision N° 2005-007/CC/EPF du 14 octobre 2005 sur les recours introduits par Messieurs Bénéwendé Stanislas SANKARA, Philippe OUEDRAOGO, Ali LANKOANDE, Norbert Michel TIENDREBEOGO et Ram OUEDRAOGO demandant l’annulation de la candidature de Monsieur Blaise COMPAORE).
[2]Comme cela a pu être le cas dans l’Affaire CDP contre Burkina Faso
[3]Déclaration de Lomé à l’occasion de la 36e session ordinaire de la conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement de l’Organisation de l’Unité Africaine réunie du 10 au 12 juillet 2000
[4]Exemple des Affaires Concessions Mavrommatis, CPJI, 30 août 1924 ; Gabcikovo-Nagymaros, CIJ, 25 septembre 1997 ; Activités armées sur le territoire du Congo(RDC), CIJ, 19 décembre 2005
[5]Exemple : les statuts des tribunaux pénaux -CPI, TPIR, TP- reprennent les interdictions d’autres instruments pour les élever à un niveau supérieur, l’incrimination. Cela permet désormais l’engagement de la responsabilité pénale des sujets contrevenant