Quand le professeur Abdoulaye SOMA enseigne sur la qualification de crime international

C’est une salle bondée de monde qui a accueilli le Professeur Abdoulaye SOMA. C’était à l’occasion de la conférence organisée par la cellule CADIPH de l’Université Thomas Sankara le samedi 05 juin au sein de l’UFR/SJP à l’Université Joseph KI Zerbo.Et ils étaient une centaine d’étudiants de divers universités du pays venus écouter le professeur SOMA en plein centre du droit international pénal. A l’occasion, les participants ont eu  le plaisir à écouter celui même qu’il considère comme le maitre du  droit international des droits de l’homme et du droit international pénal. Le Professeur avait à ses côtés le modérateur, le Dr Yann Marius SOMA et le directeur exécutif du CADIPH, le Dr Emile OUEDRAOGO.

Au milieu le Professeur Abdoulaye SOMA,à gauche,le Dr Yan Marius et à droite,le Directeur executif du CADIPH,Dr Emile OUEDRAOGO
Au milieu le Professeur Abdoulaye SOMA,à gauche,le Dr Yan Marius et à droite,le Directeur exécutif du CADIPH,Dr Emile OUEDRAOGO

Pendant près d’une heure, le professeur a réussi comme toujours à retenir l’attention des participants sur le sujet du jour : La qualification de crime international.

« L’incrimination est libre mais la qualification est serve. » Telle est la phrase assertive d’accroche du Professeur sur ledit sujet et constituant eodem tempore l’ossature de sa communication. En effet de l’allocution du chevronné spécialiste du droit international pénal, ressortent deux idées essentielles vacillant entre la liberté de l’incrimination et la servitude de la qualification.

De la liberté de l’incrimination

A ce sujet, le Professeur a enseigné que l’incrimination, c’est-à-dire la transcription d’un fait non infractionnel en crime international, demeure libre. Cette liberté de l’incrimination se démontre à deux égards. L’incrimination peut se faire librement ex nihilo ou par la codification.

La création ex nihilo suppose que l’infraction n’existe pas et qu’il faille la créer. Il s’agit de la création permettant de dire que tel comportement qui n’était criminel continue à partit de maintenant un crime international. Cette création est d’après le paneliste, laissée à la discrétion du législateur. La création des catégories de crimes cristallisés à l’article 6 du statut du Tribunal Militaire International de Nuremberg (TMIN) que sont le crime contre la paix, le crime contre l’humanité et le crime de guerre, constitue selon lui, un cas illustratif de la création ex nihilo de crimes internationaux.

La codification quant à elle consiste ici à formaliser les infractions d’origine coutumière. Il a rappelé que chronologiquement la société internationale est passée de l’interdiction de certains actes à leur incrimination. Le traité de Versailles étant le point de départ de l’érection  des crimes internationaux. Il sera suivi de la convention de 1948 sur la répression des crimes de génocide, les statuts des tribunaux ad hoc, notamment le Tribunal de Tokyo et celui de Nuremberg qui créèrent de nouvelles catégories de crimes internationaux

Mais si l’incrimination est libre, la qualification elle est serve….

La servitude de la qualification

A ce sujet, il résulte de son exposé que le juge est lié par deux types de qualification. Il y a la servitude de qualification dans les catégories infractionnelles existantes et la servitude par rapport aux éléments du crime international.

Concernant la première servitude, le Professeur instruit que les catégories d’infraction déjà établies lient l’auteur de la qualification. En d’autres termes celui qui entend qualifier des faits de crime est obligé de le faire dans le sillage des infractions prévues par le texte de la juridiction chargée de statuer. Le Professeur a notamment pris l’exemple de la qualification des crimes dans le cadre de la Cour Pénale Internationale (CPI). Ainsi l’article 5 du statut de Rome constituant la pierre maîtresse de la compétence matérielle de la CPI prévoit quatre crimes internationaux. Il s’agit du crime de génocide, du crime contre l’humanité, du crime de guerre et du crime d’agression. Par conséquent, le Pr Abdoulaye SOMA renseigne qu’un Procureur de la CPI ne peut valablement qualifier un fait devant ladite cour en dehors de ces quatre catégories de crime.

S’agissant de la servitude par rapport aux éléments constitutifs de l’infraction, le conférencier argue que dès lors qu’on a qualifié un fait, on est lié par les éléments constitutifs de l’infraction retenue. Ces éléments sont de deux ordres, les éléments matériels et l’élément psychologique. Les premiers ont trait aux actes matériels criminels posés par l’auteur et le second réside dans l’intention coupable de ce dernier à les commettre. Le contenu de ces éléments différant selon les infractions, ils doit être appréciés en conformité avec  texte juridique applicable suivant chaque infraction.  Cela implique que le juge ne peut pas inventer de nouvelles infractions n’ayant aucun ressort conventionnel. Prenant l’exemple du crime de génocide, le Professeur enseigne que le juge doit démontrer la matérialité des faits condamnables et l’effectivité du dol spécial c’est-à-dire l’intention génocidaire des auteurs.

Bref, partant de cette double servitude,  »la Procureure Ben Souda reste liée par la qualification de crime contre l’humanité mais Laurent GBAGBO est libre de revenir en Côte d’ivoire le 17 juin prochain. » Telle est la phrase conclusive de la très édifiante communication du Professeur et ouvrant ipso facto la phase des questions de l’auditoire et des réponses de Conférencier.

Durant cette phase de questions réponses, plus de lumière vive a été projetée afin de mieux éclairer la lanterne du grand public sur le sujet du jour si bien que les participants ont tous salué le brillant et méthodique exposé du professeur. Ils ont saisi l’occasion pour poser des questions au professeur.

Répondant à une question sur la répression du terrorisme en tant que crime international, le professeur a indiqué que terrorisme ne peut  en tant que crime autonome faire l’objet d’une répression devant la Cour pénale internationale. Mais que les actes de terrorisme peuvent être rangés comme actes constitutifs des crimes relevant de la compétence de la Cour, notamment le crime contre l’humanité et le crime de guerre.

 Avant de prendre congé des participants, le professeur a félicité la dynamique des jeunes docteurs et enseignants, notamment le Dr Emile OUEDRAOGO à rechercher les « qualités formelles », faisant allusion à l’agrégation dans le cadre du CAMES.

Le président de la cellule organisatrice de la conférence, GILDAS Wendpagnagdé V TARAMA a salué la disponibilité du professeur et cela en dépit de son calendrier très chargé .Il a remercié également les  participants pour leur présence et l’intérêt porté à l’activité.

Par ZOROME Noufou

Revue Juridique du Faso

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