Il n’y a rien de tel que la santé, dit-on! En effet, l’apparition du nouveau coronavirus « COVID 19 » dans la ville de Wuhan(1) en chine a surpris l’humanité toute entière en se propageant à vitesse « grand V » partout dans le monde. Il n’a pas fallu longtemps pour que l’OMS (Organisation mondiale de la santé)alerte à plusieurs reprises les Etats du monde entier sur un « grand bouleversement de l’ordre sanitaire mondial » si des mesures urgentes ne sont pas prises .(2)
C’est ainsi que les Etats ont vite fait de mettre en place des mesures restrictives (fermeture des frontières, confinement(3) , couvre-feu(4) , quarantaine(5) …) de sorte à briser la chaine de transmission de ce virus mortel et fortement contagieux.
Il faut remarquer que ces mesures ont eu clairement pour effet d’entrainer une paralysie des activités économiques partant de l’économie mondiale, obligeant ainsi les Etats à prendre des mesures sociales d’accompagnement pour amortir temporairement le violent choc. Toutefois, pour le moment, aucun remède ni vaccin n’a encore été découvert, malgré les efforts faits partout dans le monde, pour stopper ce virus auparavant inconnu dans le monde scientifique.
Cette situation oblige donc les Etats à procéder à l’adoption de mesures dites « barrières » qui se traduisent notamment par : le lavage des mains, la distanciation sociale, le port des gants, les règles d’hygiène et surtout le port du masque.
Nous nous intéresserons principalement à cette dernière mesure qui semble faire l’objet de polémique dans bon nombre d’Etats .(6)
Après un processus de confinement généralisé, les Etats dans la dynamique d’éviter une asphyxie totale de leur économie vont procéder à des « plans de dé confinement » tout en accentuant le respect sur les mesures barrières. Tel est le cas du port du masque qui est devenu une mesure obligatoire dans bon nombre d’Etats.
Le Burkina Faso est l’un des pays ayant procédé à l’adoption d’une telle mesure au cours de la session du Conseil des Ministres en date du 16 avril 2020. A première vue, cette mesure en elle-même est incontestablement la bienvenue en ce sens qu’elle vise à réduire le risque de contamination du virus dans la mesure où celle-ci vient répondre à un impératif de santé publique.
Toutefois, la question que l’on pourrait se poser c’est celle de savoir si une telle mesure paraît conciliable avec le contexte burkinabè ? En d’autres termes, ne parait-elle pas trop excessive ? Ce caractère excessif n’est-il pas de nature à obstruer son effectivité ?
Depuis le 27 avril 2020, la mesure du port obligatoire du masque est entrée en vigueur mais le constat que l’on fait depuis l’adoption de cette mesure reste sans surprise son ineffectivité. Est-ce parce qu’il n’y a pas encore de sanction applicable ? Des récentes sorties médiatiques du gouvernement, il est ressorti qu’un processus de sensibilisation des citoyens est d’abord en cours avant toute prise de sanction. C’est alors qu’ils en appellent au « bon sens » et à la responsabilisation de tout un chacun pour le respect des mesures barrières.
Mais s’il faut reconnaitre que certains citoyens sont toujours animés par une volonté de défier l’autorité étatique, il convient de souligner que l’ineffectivité de la mesure du port obligatoire du masque trouve ses raisons à bien d’autres niveaux.
Pour qu’une telle mesure soit effective, les autorités burkinabè devraient s’assurer que les masques soient rendus disponibles et accessibles pour tous.
Par disponibilité, les autorités doivent s’assurer que la quantité de masque disponibles est suffisante pour désintéresser la population surtout celles faisant partie des couches les plus défavorisées. Ce qui n’est clairement pas le cas puisque des processus de fabrication des masques sont toujours en cours et rencontre d’ailleurs d’énormes difficultés. Pour preuve, la date de reprise des activités pédagogiques qui était prévue pour le 11 mai a été repoussée jusqu’au 1er Juin pour cause d’indisponibilité de masques alors que la mesure du port obligatoire est entrée en vigueur depuis le 27 avril.
Du point de vue de l’accessibilité, il s’agissait pour le gouvernement de veiller à ce que les masques soient facilement mis à la disposition de la population et cette mise à disposition s’entend également de rendre les masques gratuits pour les couches les plus défavorisées. Mais comme les masques ne sont pas encore disponibles pour tous, il est clair qu’ils ne peuvent être accessibles.
De ce fait, pour que la mesure du port du masque obligatoire soit rendue effective, il appartenait aux autorités de veiller au préalable à la disponibilité et à l’accessibilité des masques pour tous. Cela se justifie d’ailleurs par un souci d’équité et de justice sociale.
Deuxièmement, la mesure du port obligatoire du masque ne peut être rendue effective à l’égard des personnes souffrant de difficultés respiratoires ou assimilées (Asthme, pneumonie, etc…) au risque d’aggraver la situation de ces dernières. Il serait donc nécessaire que l’Etat fasse bénéficier à ces personnes des exemptions au regard de leur situation. Un arrêté pourrait venir déterminer les conditions dans lesquelles ces personnes bénéficieront des exemptions de la mesure (cas par exemple de la présentation du certificat médical en cas de contrôle).
Enfin, la dernière situation qui serait de nature à freiner l’effectivité du port obligatoire du masque serait le dispositif de contrôle. Etant toujours dans une phase de sensibilisation, les forces de l’ordre n’ont pas encore reçu l’ordre d’interpeller et de contraindre les citoyens en cas de violation. Pourtant, il est clair à notre sens que ce dispositif rencontrera d’énormes difficultés dans sa mise en œuvre car l’on s’interroge réellement sur les types de sanction qui seront applicables. Sans doute ce serait des contraventions. Le gouvernement ne pouvant juridiquement établir des mesures privatives de libertés, cette compétence étant dévolue au parlement. Toutefois, pourrait-il le faire sur le fondement de l’habilitation législative voté recensement par le parlement. Le gouvernement ayant invoqué l’article 107 de la Constitution au titre des ordonnances, laquelle disposition lui permet d’intervenir dans une matière réservée normalement au législateur.
De tout ce qui précède, l’on pourrait noter que la mesure du port obligatoire du masque sera difficilement mise en œuvre en ce sens qu’elle n’est pas encore adaptée au contexte actuel du pays du fait de la quasi impossibilité matérielle d’assurer le port des masques par tous et sur toute l’étendue du territoire. Il nous semble judicieux plutôt que de prescrire le port systématique et généralisé des masques de circonscrire la mesure dans les lieux publics ou les rassemblements sont encore plus importants tout en veillant à rendre disponible et accessible les masques pour la population surtout celles faisant partie des couches les plus défavorisées. Aussi, l’on pourrait exiger la mesure du port obligatoire dès lors que les mesures de distanciation physique ne peuvent être garanties.Ce qui participerait ainsi à rendre la mesure beaucoup plus efficace et effective pour le bien-être de la population.
Par SITA Mohamed Abdoul Aziz
La rédaction
Revue Juridique du Faso
Notes de bas de pages
1.Les premiers cas de Covid-19 ont été déclarés en Chine en décembre 2019
2.www.trt.net.fr/français-science-sante/2020/02/29/coronavirus-l-o-m-s-releve-le-niveau-d-alerte-mondial-a-un-niveau-très-eleve-1368974
3.Le confinement est une mesure sanitaire consistant en l’interdiction totale ou partielle des déplacements des personnes physiques dans des limites géographiques bien déterminées
4.Le couvre-feu est une interdiction à la population de circuler dans la rue durant une certaine période de la journée, qui est généralement le soir et tôt le matin. Il est ordonné par le gouvernement ou tout responsable d’un pays, d’une région ou d’une ville
5.La quarantaine consiste à isoler des personnes, des animaux, ou des végétaux durant un certain temps, en cas de suspicion de maladies contagieuses, pour empêcher leur propagation. C’est cette mesure qui a été priorisée par les autorités burkinabè dans le cadre de la riposte sanitaire contrairement à certains pays qui ont mis l’accent sur le confinement total. Cela se justifie clairement au regard du nombre de cas très élevé dans ces pays nécessitant des mesures très strictes
6.C’est le cas en Allemagne, en France, au Burkina Faso.