L’obstacle à toute restitution de l’enfant à sa famille d’origine et à toute reconnaissance de celui-ci par ses parents biologiques à compter de son placement en vue de son adoption est –il contraire à la Constitution ?

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 20 novembre 2019 par la Cour de cassation (première chambre civile) sur le fondement de l’article 61-1 de la Constitution d’une question prioritaire de constitutionnalité. Il était demandé au Conseil si l’article 351 du code civil français, dans sa rédaction résultant de la loi du 5 juillet 1996 et l’article 352 du code civil dans sa rédaction issue de la loi du 11 juillet 1966 sont contraires à la Constitution en ce qu’ils s’opposent à toute reconnaissance d’un enfant à compter de son placement en vue de l’adoption dans l’hypothèse d’un accouchement secret. En effet, l’article 352 indique clairement que «Le placement en vue de l’adoption met obstacle à toute restitution de l’enfant à sa famille d’origine. Il fait échec à toute déclaration de filiation et à toute reconnaissance ».
Il est reproché à ces dispositions la méconnaissance de l’exigence de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant, le droit de mener une vie familiale normale et le principe d’égalité devant la loi. Devant la Cour de cassation, les plaignants ont estimé en effet qu’en s’opposant « à toute reconnaissance d’un enfant à compter de son placement en vue de l’adoption, dans le cas d’un enfant né d’un accouchement secret » l’article 352 et l’article 351 ont méconnu le droit de l’enfant à mener une vie familiale normale.Cela parce qu’il se peut que le père biologique de l’enfant ignore les dates et lieux de naissance de l’enfant, ce qui est de nature à l’empêcher de reconnaitre l’enfant dans le délai des deux mois avant son placement. En outre, ceux-ci ont estimé que lesdites dispositions méconnaissent le principe fondamental selon lequel « la filiation biologique est première et l’adoption seulement subsidiaire » en ce qu’elles privilégient la filiation adoptive au détriment de la filiation biologique. Cela même en méconnaissance de l’intérêt supérieur de l’enfant.
Sur la méconnaissance du principe d’égalité devant la loi, ils ont estimé en effet qu’il en est ainsi dans la mesure où d’une part il est soumis les mêmes délais et procédure aux père et mère de naissance alors que seule cette dernière est mieux informée des conséquences de l’accouchement secret d’où il résulte l’inégalité entre ceux-ci, et d’autre part, qu’ il est institué une « différence de traitement entre le père de naissance et les futurs adoptants en empêchant le premier d’établir sa filiation après le placement en vue de l’adoption quand les seconds bénéficieraient, dès cet instant, de la garantie de l’établissement d’un lien de filiation ».
Statuant sur tous ces moyens, le Conseil constitutionnel est parvenu à la conclusion qu’aucun de ceux-ci n’est opérant d’où il en résulte aucune méconnaissance du principe d’égalité, de l’intérêtsupérieur de l’enfant et du droit à mener une vie familiale normale.
Sur la méconnaissance du droit de l’enfant à mener une vie familiale normale, le Conseil a jugé qu’en disposant que : « lorsque la filiation de l’enfant n’est pas établie, le placement en vue de l’adoption ne peut pas intervenir avant l’expiration du délai de deux mois à compter du recueil de l’enfant », l’article 351 du code n’est en rien contraire aux normes et exigences constitutionnelles. Cela parce que d’une part, « en prévoyant qu’un enfant sans filiation ne peut être placé en vue de son adoption qu’à l’issue d’un délai de deux mois à compter de son recueil » le législateur a entendu « concilier l’intérêt des parents de naissance à disposer d’un délai raisonnable pour reconnaître l’enfant et en obtenir la restitution et celui de l’enfant dépourvu de filiation à ce que son adoption intervienne dans un délai qui ne soit pas de nature à compromettre son développement » et d’autre part parce que « la reconnaissance d’un enfant pourrait faire obstacle à la conduite de sa procédure d’adoption. » Par conséquent « en interdisant qu’une telle reconnaissance intervienne postérieurement à son placement en vue de son adoption, le législateur a entendu garantir à l’enfant, déjà remis aux futurs adoptants, un environnement familial stable ».
Sur la méconnaissance du principe d’égalité devant la loi,le Conseil a d’abord rappelé sa jurisprudence antérieure qui précise que « Le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit. »
Pour le Conseil, si en règle générale le principe d’égalité impose de traiter de la même façon des personnes qui se trouvent dans la même situation, il n’en résulte pas pour autant qu’il oblige à traiter différemment des personnes se trouvant dans des situations différentes.
Cette précision faite, il lui restait de vérifier si le père biologique et les prétendants à l’adoption de l’enfant d’une part et le père et la mère d’autre part étaient dans la même situation, ou au contraire ils étaient dans des situations différentes.
Sur l’inégalité entre le père et la mère biologique dans la reconnaissance de l’enfant né d’un accouchement secret, le conseil a constaté en l’espèce qu’il existe bien une différence de situation entre ceux-ci. Toutefois, il n’a vu aucune différence de traitement qui serait fondée sur cette différence. Il en est de même à l’égard des parents biologiques et les futurs adoptants.
En conséquence, selon le Conseil, les dispositions contestées, « qui ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution ».
ZOROME Noufou
La rédaction

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