L’Islam et les droits de l’homme :Convergence ou divergence ?

La protection des droits de l’homme reste l’une des plus grandes préoccupations de la communauté internationale. En réalité, l’actualité en matière des violations des droits fondamentaux est de plus en plus alarmante surtout dans les régions à forte culture islamique où les actes de violation sont très élevés avec le terrorisme et ses horribles atrocités. A cela s’ajoute de nombreux cas de restrictions des libertés fondamentales. Le seul présumé responsable, une religion, une spiritualité : l’Islam.
Malgré cette réalité vraisemblable, une question mérite d’être soulevée. Est-ce ce qui est prôné par la religion musulmane ? Plusieurs jurisconsultes ont répondu à cette problématique à travers de nombreux ouvrages et écrits dans le souci de mettre un frein à la problématique de l’islamophobie grandissante dans le monde . Le présent article qui se veut un bref aperçu, facile à appréhender s’inscrit dans le même ordre d’idées. Il sera donc question d’analyser d’importantes sources primaires du droit musulman qui traitent de l’essentiel des questions liées à la consécration des droits et des libertés fondamentaux contenus dans la Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 Décembre 1948.
Associer le terme « Islam » et  » les droits de l’homme  » semble éveiller chez un bon nombre de gens un sentiment d’incrédulité, aucun rapport, aucune sympathie ne semblant exister entre eux. Cela s’explique par le fait que dans l’esprit de ces derniers, l’Islam est représenté sous forme d’un gros sabre prêt à frapper quiconque ne professe pas sa foi ou ne veut pas adhérer à ses idéaux. Un tel raisonnement nous semble excusable vu que beaucoup connaisse peu le droit musulman, ce qui ne permet pas d’avoir une approche assez lucide sur ce sujet.
La question de droits de l’homme semble représenter un enjeu politique majeur dont chaque civilisation se croit être la première à en avoir mesuré la portée. Dans le cadre de cet article, il s’agira alors essentiellement de se contenter de l’historique défendu par les jurisconsultes musulmans, sans pour autant occulter l’existence d’autres historiques.
GEORGES JABBOUR cité par HATTAB ZOULIKHA dans sa thèse sur le droit et les libertés fondamentaux en droit musulman, dénonçait lors de la Conférence de Vienne sur les droits de l’homme que l’on ne donnait pas sur le plan international une bonne place au pacte arabe appelé  » HILF AL FUDUL  » signé vers l’an 590. Ce pacte a été conclu entre les différents tribus arabes pour lutter contre les inégalités et redistribuer les richesses à toute la communauté. Aussi, AL-GAHZALI pour affirmer que la civilisation musulmane a été l’une des premières à établir les règles régissant le respect de la dignité humaine disait dans son ouvrage intitulé « Huquq insan » (les droits de l’homme) que : « Les principes que nous avons exportés sans cesse aux hommes, nous sont maintenant réexportés comme s’il s’agissait d’une invention que nous n’avons ni connue ni vécue … ».
Par ailleurs, LAURENT CHABRY notait dans l’introduction de l’ouvrage de l’ancien Président iranien BANI SADR, (Le coran et les droits de l’homme) que : « C’est dans le coran qu’on peut trouver la déclaration des droits de l’homme la plus complète depuis l’apparition de l’humanité, si l’on excepte celle énoncée par la démocratie athènienne … les principes fondamentaux qui existent dans le coran ont été ignorés d’une manière délibérée par tous les gouvernants du monde musulman. … afin de s’emparer du pouvoir et l’utiliser à leurs fins personnelles. Et les droits de l’homme non seulement n’ont pas été respectés au sens propre du terme mais ils ont souvent été bafoués. » Ces quelques propos de ces auteurs démontrent que la conception onusienne et universelle des droits de l’homme n’est pas étrangère à l’approche musulmane des droits humains.
Le terme « droits de l’homme  » revêt plusieurs connotations qui sont souvent sujettes à confusion, accentuées par l’irruption des masses-medias, radio, télévision faisant de la transmission des faits et d’opinions ayant une portée universelle. A ce sujet, on fait la distinction entre « droits de l’homme  »  » liberté publique  » et  » droits publics individuels et sociaux’’. Toutefois, cette distinction n’est pas faite en droit musulman.
Avant d’aborder l’analyse des principaux fondements des droits de l’homme en droit musulman, il est impératif d’énumérer les sources du droit musulman et ce, dans le souci de faciliter la compréhension des principes qui seront analysés. En réalité, la CHARIA est le fil conducteur du droit musulman. Elle tire son fondement et sa base légale des sources que sont le « Coran  » et « Haddith  » considérés comme sources primaires. A ces sources primaires s’ajoutent des sources secondaires que sont :
* IJTIHAD : Qui permet d’interpréter les textes fondateurs de l’islam, afin de situer les textes dans leurs contextes.
* IJMA : Est le consensus général des théologiens.
* FIQH : C’est la jurisprudence islamique qui inclut forcément des divergences comme dans tout droit.
* QYAS : C’est le raisonnement par analogie.
Le droit musulman reste un droit divin  » jus divinum « ,qui crée un véritable ordre moral,avec la prééminence de l’intérêt général sur l’intérêt personnel. Ces différentes sources imposent une certaine attitude à adopter, véhiculant des valeurs de respect des droits et de la dignité humaine, telles que défendues par les instances internationales en matière de droits et de libertés fondamentaux. C’est en substance les normes qui seront ci-dessous explicitées.
La religion musulmane est à la fois religion et Etat ; l’Islam affirme en ses sources primaires l’existence des droits de l’homme. La description du droit coranique à partir de la conception universelle permet de comprendre qu’il existe bon nombre de convergence entre l’esprit de droits de l’homme issu des perceptions de la religion musulmane et celui prôné par la communauté internationale. De ce fait, on se focalisera sur les versets coraniques comme étant les articles d’un code juridique.

* LA CONCEPTION DU DROIT MUSULMAN SUR L’ÉGALITÉ

Le coran prône l’approche d’âme unique pour affirmer l’égalité entre les êtres humains, ce qui permet d’encrer une égalité entre tous les hommes peu importe leurs races, leurs convictions religieuses. Sur la question, le coran dit ceci : « Ô hommes ! Craignez notre seigneur qui vous a créé d’une âme unique et a créé de celui-ci son épouse et qui de ces deux là a fait répandre beaucoup d’hommes et de femmes. Craignez Dieu au nom duquel vous vous implorez les uns les autres et craignez de rompre les liens de sang, certes, Dieu vous observe parfaitement. » (S4 V1) ; Tous les hommes étant nés d’une âme unique et étant mis sur un pied d’égalité nul n’est supérieur à l’autre, aucune distinction de religion, de catégorie sociale ou ethnique n’est faite.

* LA CONCEPTION DU DROIT MUSULMAN SUR L’ÉGALITÉ HOMME/FEMME

Il est très souvent reproché à l’islam de soumettre la femme et de la priver de son droit à l’égalité. Beaucoup d’auteurs estiment qu’il y a une inégalité la concernant dans le mariage, le divorce, les successions. Cela n’est point soutenable puisque le coran est très clair sur le statut de femme considérée comme l’égale de l’homme, égalité par fait du statut d’âme unique comme cela a été évoqué ci-dessus. En plus la femme et l’homme disposent de la même égalité spirituelle puisque chacun est rétribué de la même manière en fonction de ses actes accomplis : « En vérité, je ne laisse pas perdre le Bien que quiconque parmi vous a fait homme ou femme ». ( S3 V 195 ), et sur la question d’inégalité, la source primaire du droit musulman ,il affirme que la seule chose qui peut différencier c’est le degré de piété. (S49 V13).

* LA CONCEPTION DU DROIT MUSULMAN SUR LA LIBERTÉ D’EXPRESSION

L’Islam permet à tout un chacun, quelque soit son appartenance sociale, économique ou religieuse de s’exprimer librement. Cela implique la possibilité d’émettre des analyses, des réflexions et des critiques qui ne plairaient pas à tout le monde mais devront être respectées. Ainsi le coran dispose que : « N’insultez pas ceux qui prient en dehors d’Allah, ils injurieraient Allah par hostilité sans le savoir »(S6 V 108), cette disposition coranique défend de proférer des injures à l’endroit des non musulmans pour leurs opinions.

* LA CONCEPTION DU DROIT MUSULMAN SUR LA LIBERTÉ RELIGIEUSE

Les personnes pratiquant une autre religion ont en droit musulman droit à cette liberté d’avoir d’autres croyances et méritent protection de la part de la société musulmane. L’Islam enseigne toujours de choisir la facilité et la raison. Plusieurs versets coraniques appuient cette conception tant défendue par le droit musulman, il s’agit de : « Nulle contrainte en religion » (S2 V 256), et de : « Si ton Seigneur l’avait voulu, tous ceux qui sont sur terre auraient cru. Est ce à toi de contraindre les gens à devenir croyant »(S10 V 99). Ces deux bases juridiques démontrent que l’Islam est contre toute forme de message de violence et d’usage de force pour faire passer son message. Tous ceux qui usent de la violence le font sur des motivations plus politiques que religieuses .

*LA CONCEPTION DU DROIT MUSULMAN SUR LE DROIT À LA VIE

Le droit le plus sacré dans le coran est sans aucun doute le droit à la vie. Dans le droit musulman, chacun a le droit de vivre et chacun a aussi le droit d’exiger la protection de son droit à la vie que l’on soit musulman ou non.Sur le sujet, le coran affirme de façon claire : « … quiconque tuerait une personne non coupable d’un meurtre ou d’une corruption sur la terre c’est comme s’il avait tué tous les hommes.Et quiconque lui fait don de la vie c’est comme s’il faisait don de la vie à tous hommes ». Certes, des limites à ce droit existe bel et bien dans les textes notamment la Loi du talion, cependant l’Islam préconise dans tous les cas le pardon avec un système de compensation et de réparation. Le coran précise à ce niveau : « Ô hommes, on vous a prescrit au sujet des tués : homme libre pour homme libre, esclave pour esclave, femme pour femme.Mais celui a qui son frère aura pardonné en quelque façon doit faire face à une requête convenable et doit payer de dommage de bonne grâce, ceci est un allègement de la part de votre Seigneur et une miséricorde » (S2 V178 -179).
Ainsi ce verset apporte une importante exception assez explicite sur la compréhension du droit pénal musulman qui constitue pour beaucoup d’auteurs un pan moins conciliateur des droits de l’homme à l’échelle universelle.

* LA CONCEPTION DU DROIT MUSULMAN SUR LE RESPECT DE LA VIE PRIVÉE ET DE L’INVIOLABILITÉ DU DOMICILE

Plusieurs versets coraniques appuient le respect de ces deux concepts importants de droits de l’homme. Il s’agit en substance de (S49 V12) qui dispose que : « N’espionnez pas,n’intriguez pas les uns et autres »,Aussi le coran précise aux adeptes de la religion musulmane : « … N’entrez pas dans les maisons autres que les vôtres avant de demander la permission et de saluer leurs habitants. Si vous n’y trouvez personne alors n’y entrez pas avant que permission vous soit donnée et si on vous dit :  » retournez  » et bien, retournez »(S24 V27-28).

* LA CONCEPTION DU DROIT MUSULMAN SUR LA PROTECTION DE L’ENVIRONNEMENT

Alors que la protection du droit de l’environnement semble une nouvelle réalité dans le monde, l’Islam imposait depuis le VII siècle la protection de la faune et de la flore en prohibant l’excès et le gaspillage.Ainsi le coran dit ceci : « Mangez et buvez de ce qu’Allah vous accorde,et ne semez pas de trouble sur la terre comme des fauteurs de désordre ». (S7 V31)

En somme, il est évident qu’il existe une conception des droits de l’homme en Islam qui reflète la même philosophie des droits de l’homme défendus de nos jours.La notion de liberté et d’égalité y occupent une importante place. A y voir de près ce droit souffre plus d’un manque de vulgarisation, d’apport de ses jurisconsultes qui doivent faire un travail sur l’historique de ces textes afin de lever les ambiguïtés et les zones d’ombres qui entraînent une islamophobie grandissante de jour en jour, car le problème réside plus dans la contextualisation des différentes sources du droit musulman. Et nous espérons que ces quelques lignes que nous vous avons proposées y contribueront.

Par :GUINDO Mohamed Aguibou
La redaction

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