L’intitulé des comptes ouverts au nom d’une mission diplomatique laisse t-il présumer leur affectation au fonctionnement de la mission ?

La Cour de cassation française a été saisie d’un recours de la société Commissions Import-Export (Commisimpex) au sujet d’un différend l’opposant à la République du Congo. A l’origine du différend,la société, le demandeur au pourvoi avait fait saisir des comptes ouverts en livres au nom de la mission diplomatique du Congo à Paris au motif que la RDC devait lui payer diverses sommes inhérentes à l’exécution de deux sentences arbitrales rendues respectivement le 3 décembre 2000 et le 21 janvier 2013 la condamnant.

Le pourvoi formulé remet en cause l’arrêt rendu par la Cour d’appel de paris en 2018.Dans son arrêt la Cour d’appel avait ordonné la mainlevée de la saisie-attribution des comptes ouverts au nom de la mission diplomatique à Paris eu égard aux intitulés desdits comptes : « Ambassade du Congo OGES », « Ambassade du Congo », « Ambassade du Congo », « Paierie Prés Ambassade du Congo France », « Ambassade du Congo-cellule communication », « Del Congo Brazzaville ».La Cour ayant considéré que lesdits comptes bénéficiaient de l’immunité d’exécution inhérente aux immunités de la mission diplomatique de la RDC.

Le demandeur juge l’arrêt de la Cour d’appel irrégulière pour plusieurs motifs :

D’abord, elle considère que la Cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences de l’article 12 du code de procédure civile en se bornant à affirmer qu’il « est de principe que les comptes bancaires ouverts par une ambassade sont présumés affectés à l’exercice de la mission diplomatique de celle-ci », pour déduire que la charge de la preuve de ce que les comptes bancaires en cause n’étaient pas affectées à des fins diplomatiques pèse sur la société Commisimpex, sans préciser le fondement juridique de sa décision sur ce point.

Ensuite, elle a estimé que la cour d’appel a inversé la charge de la preuve, en violation de l’article 1315 du code civil en jugeant que les simples intitulés des comptes concernés   permettent de présumer leur affectation à l’accomplissement des fonctions des missions diplomatiques de la République du Congo .Pour elle, en ne demandant pas à la RDC d’apporter la preuve de ses allégations, alors que cette preuve lui incombait,elle a inversé la charge de la preuve.

Pour le demandeur au pourvoi,la Cour d’appel devait considérer que la RDC devait apporter la preuve de ce que les comptes ouverts étaient affectés au fonctionnement de la mission vu que la créancière se trouve dans l’impossibilité de le faire alors que la RDC le peut avec aisance.

Elle juge l’approche de la cour en violation du principe de l’égalité des armes pourtant garantit par l’article 6, § 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Par ailleurs, elle soutient que la cour n’a pas satisfait aux exigences de l’article 12 du code de procédure civile en n’indiquant pas le fondement juridique de ce que « « la validité de la renonciation par un État étranger à son immunité d’exécution sur ses biens diplomatiques à la double condition qu’elle soit expresse et spéciale ».

La Cour de cassation pour répondre aux différents moyens invoqués par le pourvoi commence par rappelé que « selon le droit international coutumier, les missions diplomatiques des Etats étrangers bénéficient, pour le fonctionnement de la représentation de l’Etat accréditaire, d’une immunité d’exécution à laquelle il ne peut être renoncé que de façon expresse et spéciale ». Cette position avait été suivie par la Cour de cassation dans plusieurs de ses décisions. Elle précisa que cette immunité s’étend, notamment, aux fonds déposés sur les comptes bancaires des missions diplomatiques, lesquels sont présumés être affectés aux besoins de la mission de souveraineté de l’Etat accréditaire.

Elle en a jugé que la Cour d’appel a bien dit le droit en faisant application systématique de la présomption selon laquelle des  fonds déposés sur les comptes bancaires des missions diplomatiques, sont présumés être affectés aux besoins de la mission de souveraineté de l’Etat  accréditaire.

La cour déclare que cette présomption est rendu nécessaires par l’impératif de préserver la mission à l’exercice de laquelle participent les représentations diplomatiques. Elle en a jugé que le demandeur au pourvoi n’était pas dans l’impossibilité d’apporter la preuve selon laquelle les fonds ne seraient pas affectés au fonctionnement de la mission.

Pour la cour, l’intitulé des comptes bancaires saisis, à l’exception de deux d’entre eux, confortait la présomption d’affectation des fonds les créditant à l’exercice de la mission diplomatique de la représentation du Congo en France d’où il suit que le moyen tiré de ce que la cour d’appel n’aurait pas dû ordonné la main levée sur la saisie n’est pas fondé.

Par ZOROME Noufou

Revue Juridique du Faso

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Scroll to Top