Les poursuites pénales visent à établir la responsabilité pénale de l’auteur d’un fait incriminé par la loi selon le principe de la légalité. Elles se déclenchent par une plainte ou une dénonciation devant conduire à l’instruction.
Les poursuites pénales visent à établir la responsabilité pénale de l’auteur d’un fait incriminé par la loi selon le principe de la légalité. Elles se déclenchent par une plainte ou une dénonciation devant conduire à l’instruction. Le cours de la procédure peut être entaché de péripéties comme le retrait de la plainte avec des conséquences juridiques variables. C’est justement cette question de « l’incidence du retrait de la plainte de la victime dans la mise en œuvre de l’action publique » qui est au cœur de notre réflexion. En prélude à tout débat de fond, procédons préalablement à un éclaircissement terminologique.A cet effet, la plainte est définie comme l’acte par lequel la partie lésée par une infraction pénale porte celle-ci à la connaissance du Procureur de la République directement ou par l’intermédiaire d’une autre autorité[1]. La victime quant à elle, est définie comme la personne lésée, celle qui a subi le préjudice. En ce qui concerne l’action publique, elle est l’action par laquelle on déclenche l’appareil judiciaire pénal contre l’auteur d’une infraction pénale. Dans cette étude il est question de dégager l’impact du retrait de la plainte d’une personne lésée sur l’action publique. Ainsi nous sommes-nous demandés : le retrait de la plainte de la victime entraine-t-il une répercussion sur l’action publique ? Autrement, le désistement de la victime d’une infraction pénale éteint-il la procédure pénale ?Il est établi que le retrait de la plainte de la victime est possible à tout moment de la procédure, mais ce désistement n’implique pas impérativement la fin des poursuites. Pour donner une réponse holistique à cette problématique, notre démarche consistera tout naturellement à démontrer d’une part que le retrait de la plainte de victime est extinctif de l’action publique dans certaines conditions ; d’une autre part nous allons nous atteler à dégager le principe dominant selon lequel le retrait de la plainte de la victime n’entraine aucun effet sur l’action publique.
Le retrait de la plainte de la victime extinctif de l’action publique
Le code pénal institue l’action publique pour l’application des peines[2] en fonction de l’infraction. Selon la gravité de l’infraction, il est reconnu le désistement de la victime qui influe sur le cours de l’action publique. Il s’agit des hypothèses limitativement déterminées par la loi et pour lesquelles l’action publique est subordonnée à une plainte préalable de la victime. Dans ces cas, même saisi par une plainte, le Procureur du Faso n’est pas tenu d’engager les procédures en ce sens que la plainte ne le contraint nullement. La volonté de la victime et celle du ministère public doivent converger pour qu’il y ait les poursuites[3]. Ces hypothèses concernent des infractions qui portent atteinte à la considération de la personne comme les atteintes à l’honneur et la diffamation[4], les injures ou tout simplement les atteintes à la vie privée[5], l’ abandon de famille[6] et l’adultère[7]. Ce sont des cas très précis d’infractions strictement privés. Eu égard à ces intérêts privés, le retrait de la plainte éteint automatiquement l’action publique dans la mesure où la plainte demeure nécessairement la condition préalable des poursuites[8] pour ces types d’infractions. Il va sans dire qu’à défaut d’une plainte de la part de la victime, il n’y a pas d’action publique. L’extinction de l’action publique du fait de la victime est due au fait que ces types d’infraction ne troublent pas l’ordre public d’une gravité caractérisée. Cependant, il existence des matières pour lesquelles le retrait de la plainte de la victime n’entache aucunement l’action publique. Le Procureur peut décider de poursuivre l’auteur de l’infraction en dépit du désistement de la victime.
Le maintien de l’action publique en dépit du retrait de la plainte de la victime
En procédure pénale, l’action publique ouvre les poursuites à l’encontre d’un auteur, co-auteur, complice d’une infraction pénale ou même contre X. Une fois l’action publique mise en mouvement par la victime, le Ministère public est partie à la procédure. Mais il n’est pas partie comme les autres en ce sens qu’il doit défendre l’intérêt de la société troublée par l’infraction. A ce titre, il dispose des pouvoirs très étendus consistant au maintien de l’action publique et à la réquisition de l’application des peines[9]. En langage courant, on dit que le Parquet poursuit. Lorsque l’infraction ne relève pas de la première catégorie antérieurement citée, le Procureur peut décider du maintien de l’action publique. Dans ce cas, le retrait de la plainte de la personne lésée n’a aucun effet sur l’action publique[10]. Il va sans dire que, le Ministère public a les attributions de poursuite indépendamment de la plainte de la victime. On parle alors de l’auto-saisine du Ministère Public lequel apprécie les infractions en vertu du principe de l’opportunité des poursuites[11]. Suivant ce principe, l’intérêt que le Ministère public attache à la plainte de la victime peut maintenir l’action publique.Ainsi, ce maintien par le ministère public va au-delà des intérêts strictement personnels et privés ; il vise à réparer un trouble que la société a subi suite à une infraction pénale. Il faut noter que les infractions pénales, en plus des préjudices subis par la victime, cause un trouble à la société. L’infraction est définie sociologiquement comme un acte contraire à l’ordre social auquel on appartient[12] et le ministère public est le garant de cet ordre social. Le maintien de l’action publique par le Procureur de la République vise donc à sanctionner le comportement antisocial au nom de la société et pour l’intérêt général.
Contrairement à l’extinction de l’action publique du fait du désistement de l’auteur de la plainte pour cause d’intérêts strictement personnels ou privés, le retrait de la plainte par la victime n’est pas cause d’extinction de l’action publique concernant les infractions pour lesquelles la société a subi un préjudice.
Par OUALI Talemba Jean Paul
La rédaction
Revue Juridique du Faso
[1] Valérie LEDEGAILLERIE, Lexique de termes juridiques, Anaxagora, 13 juillet 2005, p. 125.
[2] Article 1, ordonnance 68-7 du 21 février 1968 (J.O. RHV. du 13 mai 1968, p. 229), portant institution d’un code de procédure pénale ; complétée et modifiée par l’ordonnance 68-53 du 25 novembre 1968(J.O. RHV. du 12 décembre 1968, p. 657).
[3] Mamounata Agnès ZOUGRANA, la place de la victime dans le procès pénal, étude de droit comparée : droit burkinabè sous l’éclairage du droit international. Thèse de doctorat, université de Strasbourg, 2012, p. 13.
[4] Article 524-1, loi N0 025-2018/AN portant code pénal, 31 mai 2018.
[5] Mamounata Agnès ZOUGRANA, la place de la victime dans le procès pénal, étude de droit comparée : droit burkinabè sous l’éclairage du droit international. op.cit., p. 195.
[6] Article 531-15, al 2, loi N0 025-2018/AN portant code pénal, 31 mai 2018.
[7] Article 533-16, loi N0 025-2018/AN portant code pénal, 31 mai 2018.
[8] Article 6, al 3, Ordonnance 68-7 du 21 février 1968 portant institution d’un code de procédure pénale ; complétée et modifiée par l’ordonnance 68-53 du 25 novembre 1968.
[9] Article 242-1, Ordonnance 68-7 du 21 février 1968 portant institution d’un code de procédure pénale ; complétée et modifiée par l’ordonnance 68-53 du 25 novembre 1968.
[10] Article 2, al 2, Ordonnance 68-7 du 21 février 1968 portant institution d’un code de procédure pénale ; complétée et modifiée par l’ordonnance 68-53 du 25 novembre 1968.
[11] Possibilité reconnue au ministère public de poursuivre les auteurs de toute infraction ou de ne pas les poursuivre même si l’infraction est établie. Mamounata Agnès ZOUGRANA, la place de la victime dans le procès pénal, étude de droit comparée : droit burkinabè sous l’éclairage du droit international. op.cit., p. 10.
[12] Elisabeth KAGAMBEGA, Précis de droit pénal général, Université de Ouagadougou, p. 47.