Le samedi 13 Août 2022 s’est tenue à l’Université Privée de Ouagadougou, la soutenance de OUEDRAOGO Aimé. Pour l’obtention du diplôme de Master en Droit public fondamental, M. OUEDRAOGO s’est présenté au jury afin d’exposer son travail dont le thème est le suivant : Les défis contemporains du droit international : la protection des déplacés environnementaux.
D’entrée de jeu, l’impétrant, sur cette affirmation du GISTI (Groupe d’information et de soutien des immigrés) qui explique que : « depuis la nuit des temps, des cas de dégradation de l’environnement ont occasionné des déplacements de populations », fait également le constat que la dégradation de l’environnement a atteint un niveau d’alerte maximal et les personnes déplacées, en raison, se comptent par millions à travers le monde. Le changement climatique et les catastrophes environnementales en sont les causes à travers les effets que sont, la montée du niveau de la mer, la sécheresse, la désertification, la tarification des eaux, les éruptions volcaniques et les ouragans. Ces diverses formes de manifestation de la dégradation de l’environnement ont conduit à des qualifications différentes de ses victimes dans le monde scientifique. Des concepts tels que « migrants environnementaux », « réfugiés climatiques », « réfugiés environnementaux » ont été employé par la doctrine pour désigner les victimes de la dégradation de l’environnement. En l’absence d’un concept légal, c’est le concept de « déplacés environnementaux » utilisé dans le projet de convention relative au statut international des déplacés environnementaux qui a retenu l’attention. C’est un concept qui prend en compte toutes les victimes des dégradations de l’environnement, et de surcroît, ne prête pas à confusion à la notion de « réfugiés » définie dans la Convention relative au statut de réfugié. S’il n’est pas faux que le concept des déplacés environnementaux ne fait pas l’unanimité au sein de la doctrine, il est, d’autant plus vrai, que les victimes des dégradations de l’environnement existent et ils ont besoin d’une protection internationale. Selon le GIEC (Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat), il y aura environ un huitième de milliard de déplacés environnementaux à travers le monde d’ici à 2050.
Beaucoup d’approches doctrinales ont été proposés dans le cadre de la nécessité d’une protection des déplacés environnementaux. A cet effet, l’impétrant s’est posé la question de savoir, dans quelle mesure le droit international relève-t-il le défi de la protection des déplacés environnementaux ? Pour répondre à cette question principale, l’impétrant s’est posé deux questions secondaires. Tout d’abord, le droit international contemporain offre-t-il une protection aux déplacés environnementaux ? Ensuite, est-il nécessaire d’organiser une protection spécifique des déplacés environnementaux dans le droit international contemporain ?
Une thématique à double intérêt, constate-t-il, car l’étude permettra de réfléchir sur la protection internationale des déplacés environnementaux dans un contexte international marqué par de nombreuses ruptures environnementales entrainant les déplacements de populations mais également permettra de cerner les réalités et les manœuvres juridiques nécessaires liées à la protection des déplacés environnementaux en droit international. Nul besoin de rappeler que la prise en compte d’une telle question est essentielle dans les réformes en cours du droit international.
Une étude comparative des instruments internationaux et sous-régionaux de protections des personnes a permis à l’impétrant de mieux appréhender la problématique susmentionnée.
Les résultats de la recherche ont permis à l’impétrant de dégager les points suivants, à savoir : l’absence d’une protection internationale spécifique aux déplacés environnementaux d’une part et la nécessité d’une protection internationale spécifique aux déplacés environnementaux d’autre part.
Pour ce qui est du premier point, l’impétrant souligne que l’absence d’une protection internationale trouve ses racines dans l’inexistence du statut international des déplacés environnementaux et dans l’insuffisance des instruments internationaux de protection des personnes. Cette absence s’établit dans le droit international général ainsi que dans le droit international spécial.
Dans le droit international général, l’inexistence du statut des déplacés environnementaux se démontre dans le droit international général conventionnel et dans le droit international général non-conventionnel. Dans le droit international général non-conventionnel, il n’y pas de pratique convergente qui se dégage du comportement des Etats pouvant permettre la reconnaissance d’un statut des déplacés environnementaux dans la coutume internationale. Il en est de même, de l’absence de solutions nationales convergentes pouvant établir l’existence d’un tel statut du côté des principes généraux de droit international.
En ce qui concerne le droit international spécial, l’inexistence du statut des déplacés environnementaux est plus établie dans le droit international de l’environnement au regard du lien étroit entre la question de la protection des déplacés environnementaux et cette branche. Le caractère spécifique d’importants instruments conventionnels et d’instruments non conventionnels de protection de l’environnement démontre qu’aucun de ces instruments ne prête le flanc à l’existence d’un statut international des déplacés environnementaux.
Hormis l’inexistence de leur statut, l’insuffisance matérielle des instruments internationaux de protections des personnes justifie l’absence de protection internationale des déplacés environnementaux, constate par ailleurs l’impétrant. Dans le droit international général, en ce qui concerne le droit international général conventionnel, cette insuffisance s’explique par l’absence de règles consacrées à la protection des déplacés environnementaux, le caractère exclusif des règles de protections existantes, et la présence des facteurs limitants de l’évolution du droit international comme la souveraineté des Etats. Dans le droit international général non-conventionnel, la difficulté de la preuve et le manque d’intérêt des Etats traduisent respectivement l’insuffisance de la coutume internationale et les principes généraux de droit international à la protection des déplacés environnementaux. Concernant la jurisprudence internationale, le silence du juge international et la réponse mythique du comité des droits de l’homme des Nations unies dans l’affaire TETIOTA démontrent son insuffisance à la protection des déplacés environnementaux. En ce qui concerne le droit international spécial, son insuffisance à la protection des déplacés environnementaux, trouve son fondement dans l’insuffisance matérielle des instruments de protections issues des branches spécialisées et dans leur mise en œuvre. Ces instruments sont soit, inadaptés parce qu’adoptés dans de contextes différents de celui du phénomène des déplacements environnementaux, soit inapplicable aux déplacés environnementaux en raison du caractère exclusif de leur objectif. De leur côté, les institutions de mise en œuvre du droit international, comme le PNUE, ne disposent pas de mécanismes leur permettant de prendre en compte la question de la protection des déplacés environnementaux.
Pour ce qui est de la nécessité d’une protection internationale spécifique aux déplacés environnementaux, l’impétrant souligne cette position de Norman MEYER à savoir que « Nous ne pouvons, cependant, pas continuer à ignorer les déplacés environnementaux, simplement parce qu’il n’y a pas de mode institutionalisé de les aborder ». L’adoption d’une protection internationale spécifique aux déplacés environnementaux trouve sa raison d’être dans sa nécessité et dans sa possibilité.
La nécessité d’adopter cette protection internationale s’explique par des considérations humanitaires et des considérations juridiques. Les considérations humanitaires se fondent sur les constatations des violations des droits humains par la dégradation de l’environnement. En ce qui concerne les considérations juridiques, la protection des déplacés environnementaux permet de combler un vide juridique du droit international et de garantir des droits à la nouvelle catégorie de personnes. A travers le processus de la catégorisation des déplacés environnementaux, leur qualification juridique permet de déterminer le régime juridique qui leur est applicable. Cela permet de protéger les déplacés environnementaux en garantissant leurs droits communs et particuliers grâce au Pacta Sunt Servanda du droit international.
A cet égard, deux modalités permettent d’envisager une telle protection. Il s’agit de la réforme des instruments internationaux de protections qui existent, et l’élaboration de nouveaux instruments spécifiques de protections.
Comme perspectives, l’impétrant précise qu’il semble judicieux de pratiquer une opération juridique sur le droit international qui va permettre d’offrir une protection internationale suffisante aux déplacés environnementaux à travers une convention spécifique. Ce processus pourra aboutir, plus tard, à la naissance effective d’un droit international des déplacés environnementaux.
Le jury a, à l’unanimité après l’exposé du travail, apprécié l’originalité du thème ainsi que sa pertinence. La qualité rédactionnelle du document, qui est agréable à lire, a été reconnue. Le jury, composé du Pr Mathieu NAMOUNTOUGOU en sa qualité de Président du jury, du Dr Alexis NAGALO en tant que rapporteur et du directeur de mémoire en la personne du Pr Vincent ZAKANE, a finalement sanctionné l’impétrant de la note de 16/20 en plus des félicitations des membres du jury.
ZOMA Michel
revuejuris.net