« Le renvoi d’une situation par un état partie ne débouche pas automatiquement sur l’ouverture d’une enquête », Madame Fatou BENDSOUDA

La Procureure de la Cour pénale internationale, Mme Fatou Bensouda, s’est exprimée sur le renvoi par la Bolivie de la situation sur son propre territoire. Toutefois, elle a souligné que si les conditions du renvoi ont été respectées ou sont réunies, l’ouverture d’une enquête n’exigera pas d’elle l’obtention d’une autorisation de la Chambre préliminaire comme c’est le cas lorsqu’elle agit de sa propre initiative.

Lisez :
Le 4 septembre 2020, le Gouvernement de l’État plurinational de Bolivie (la « Bolivie ») m’a déféré la situation sur son propre territoire, en vertu des prérogatives qui lui sont reconnues en tant qu’État partie au Statut de Rome (le « Statut »).
Conformément à l’article 14-1 du Statut de la Cour pénale internationale (la « CPI » ou la « Cour »), l’État qui a déféré la situation au Procureur, en l’occurrence la Bolivie, demande l’ouverture d’une enquête sur les crimes contre l’humanité qui auraient été commis sur son territoire, en vue de déterminer si une ou plusieurs personnes devraient être accusées de ces crimes. Dans son renvoi, le Gouvernement bolivien fait valoir qu’en août 2020, des membres du parti politique Movimiento al Socialismo et d’organisations complices ont adopté une ligne de conduite propre à la politique d’une organisation ayant pour but d’attaquer la population bolivienne en coordonnant la mise en place d’un blocus à divers endroits permettant de rallier différentes villes du pays afin d’empêcher la libre circulation de convois, le transport et les communications. Sur fond de pandémie de COVID-19, le Gouvernement bolivien affirme que l’un des objectifs de ce blocus était « de les empêcher [les habitants de ces villes] d’avoir accès aux services de santé publique et aux fournitures médicales, ce qui a directement causé des décès et plongé le reste de la population dans l’angoisse à la perspective de mourir sans pouvoir être soigné à l’hôpital public ou dans des conditions ne permettant pas d’avoir accès aux fournitures médicales, aux traitements et surtout à l’oxygénothérapie. » Le Gouvernement bolivien déclare que cette ligne de conduite a été adoptée délibérément afin de « porter un coup sévère à l’intégrité physique et à la santé mentale et physique des habitants et de provoquer, par ce biais, une crise sociale majeure qui forcerait les autorités à prendre une décision […] quant à la date de la tenue des élections présidentielles.» Dans son renvoi, le Gouvernement bolivien fait en outre valoir que ces actes sont constitutifs d’actes inhumains causant intentionnellement de grandes souffrances ou des atteintes graves à l’intégrité physique ou à la santé physique ou mentale, ainsi qu’il est prévu à l’article 7-1-k du Statut.
Le renvoi s’accompagnait de documents exposant plus en détail les circonstances dans lesquelles ces crimes auraient été commis et d’une lettre d’accréditation émanant de la Présidente constitutionnellement reconnue de cet État, S.E. Mme Jeanine Áñez Chávez. Conformément à la norme 45 du Règlement de la Cour, j’ai informé la Présidence de la CPI de ce renvoi pour qu’elle puisse saisir une chambre préliminaire de la situation.
Le renvoi d’une situation par un état partie ne débouche pas automatiquement sur l’ouverture d’une enquête. Toutefois, si mon Bureau estime, en définitive, qu’il est justifié d’ouvrir une enquête dans le cadre de la situation déférée conformément aux critères définis dans le Statut, il ne sera pas tenu, au vu des dispositions du Statut, de demander l’autorisation des juges de la Chambre préliminaire de la Cour à cette fin. Le dépôt d’un renvoi peut permettre d’accélérer la procédure d’ouverture d’une enquête uniquement dans la mesure où le Statut, dans ce cas précis, n’exige pas un examen de ma décision par les juges.
Conformément aux dispositions de l’article 53‑1 du Statut, mon Bureau examinera notamment les questions de compétence, de recevabilité ainsi que les intérêts de la justice afin de rendre sa décision. Comme indiqué dans le Document de politique générale relatif aux examens préliminaires, ces facteurs s’appliquent pour toutes les situations, que l’examen ait débuté ou non sur la base d’informations communiquées au titre de l’article 15 du Statut sur les crimes en cause, à la suite d’un renvoi de la situation par un état partie (ou un groupe d’États parties) ou le Conseil de sécurité des Nations Unies, ou encore à la suite d’une déclaration d’un état déposée en application de l’article 12‑3 du Statut par laquelle celui-ci consent à ce que la Cour exerce sa compétence. Dans tous les cas, mon Bureau examine et analyse en toute indépendance les informations qui sont en sa possession.
Mon Bureau tient compte de l’ensemble des observations et des points de vue qui lui sont transmis dans le cadre de chaque examen préliminaire, notamment des observations que peuvent lui transmettre les autorités nationales compétentes concernant d’éventuelles enquêtes et poursuites engagées à l’échelon national, pour mener à bien sa mission en toute indépendance et impartialité.

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