Epuisant sa saisine hier 08 juillet 2020 sur la question de savoir si le droit national, peut faire échec au droit communautaire lorsque ce dernier se trouve être moins favorable aux citoyens que la norme nationale, la Cour de justice de l’UEMOA a tout simplement rappeler en de termes on peut plus claires que la primauté absolue du droit communautaire est consubstantielle à l’existence même du droit communautaire. Cette primauté est selon la Cour intrinsèque au droit communautaire en ce que son efficacité et son effectivité en dépendent.
En effet, statuant sur le recours exercé par la commission de l’UEMOA, la Cour a non seulement observé que l’interprétation en dernier ressort de la norme communautaire incombe au juge communautaire qui justement est chargé d’assurer l’harmonisation de la compréhension de la norme communautaire,mais aussi que l’appréciation faite par la Cour sur la question du rapport existant entre le droit de l’Union et les droits nationaux est erronée.
Sur l’interprétation de la norme communautaire par le juge national
Sur ce point, le juge communautaire a débuté son argumentaire en précisant que le système judiciaire de l’Union englobe les juridictions nationales des Etats membres dans la mesure où le droit de l’Union fait partie intégrante du droit national de chaque Etat membre. Ensuite, elle a déclaré que bien que les juridictions nationales soient compétentes pour appliquer le droit communautaire cela n’implique pas qu’elles le soient pour interpréter le droit communautaire en dernier ressort. Cela parce que non seulement l’article premier du protocole additionnel donne mandat à la Cour de veiller au respect du droit quant à l’application et à l’interprétation du traité de l’union, mais aussi parce que « laisser le contrôle de l’application et de l’interprétation des textes communautaires aux juridictions nationales suprêmes entraînerait un risque d’interprétation divergente ». D’où selon elle, le mécanisme du renvoi préjudiciel aménagé pour permettre à la juridiction communautaire d’assurer sa fonction d’interprétation objective du droit de l’union.
Eu égard à tout ceci, elle a déclaré que la Cour constitutionnelle béninoise en sa qualité de juridiction statuant en dernier ressort avait l’obligation d’opérer un renvoi préjudiciel sur l’interprétation des dispositions du règlement n°05/CM/UEMOA du 25 septembre 2014.
En conséquence a-t-elle déclaré que la Cour constitutionnelle béninoise a violé la norme communautaire en opérant elle-même l’interprétation de la disposition concernée.
Sur la primauté du droit communautaire
Sur la question de la place et l’importance de la norme communautaire, notamment le droit de l’UEMOA dans l’ordre juridique interne des Etats membres, la Cour a jugé qu’il résulte de l’article 6 du traité de l’Union qui institue un ordre juridique propre, intégré aux ordres juridiques nationaux, la primauté du droit de l’union sur celui-ci. Pour la Cour il n’y a aucun doute que l’ordre juridique communautaire s’impose aux systèmes juridiques nationaux, et cela implique que « les actes arrêtés par les organes de l’Union pour la réalisation des objectifs de son traité (…)sont appliqués dans tous les Etats membres nonobstant toute législation nationales contraire, antérieure ou postérieure ».
Pour consolider son argumentaire, elle a fait appelle à la jurisprudence de la Cour,notamment l’avis n° 001/2003 du 18 mars 2003 qui précisait que la primauté du droit de l’Union « bénéficie à toutes les normes communautaires, primaires comme dérivées ». Cette jurisprudence ajoute que la primauté du droit de l’Union s’exerce à l’égard de toutes les normes administratives, législatives, juridictionnelles et même constitutionnelles ». Cela parce que l’ordre juridique communautaire l’emporte dans son intégralité sur les ordres juridiques nationaux. Que cela implique que les Etats s’assurent qu’une norme nationale incompatible avec une norme communautaire ne puisse être valablement opposée à celle-ci.
Cela implique aussi selon le juge de l’UEMOA que « le juge national, en présence d’une contrariété entre le droit communautaire et une règle de droit interne, devra faire prévaloir le premier sur la seconde en appliquant l’un et en écartant l’autre ».
Au regard de tout ceci, la Cour a jugé que la Cour constitutionnelle béninoise a fait une mauvaise interprétation du rapport existant entre l’ordre juridique communautaire et l’ordre juridique national, en l’occurrence l’ordre juridique béninois.
La Cour s’est voulue plus claire en déclarant qu’il « n’est pas admis qu’une juridiction ou toute autre institution d’un Etat membre puisse invoquer à l’encontre du droit de l’union, des considérations de nature constitutionnelle ou simplement relevant des principes généraux ou encore une prétendue violation du principe d’égalité » pour écarter une norme communautaire. Cela parce que aller dans ce sens serait faire obstacle la réalisation des objectifs de l’union, objectifs dont la réalisation implique ou nécessite une « application uniforme du droit de l’union, sans quoi il n’existerait pas d’intégration ».
Pour la Cour, le droit communautaire ne peut exister si elle ne prime pas sur le droit national dans son intégralité. La primauté demeure une condition sine qua non du droit communautaire, qui ne saurait exister qu’à la condition de ne pouvoir être mise à échec par le droit des Etats membres a-t-elle affirmé.
En conséquence de tout ceci, elle a jugé que l’ordre juridique de l’Union prime dans son intégralité sur les ordres juridiques nationaux. Ce qui implique « qu’aucune disposition juridique administrative, législative, juridictionnelle et même de niveau constitutionnelle interne ne saurait etre utilisée, pour mettre en échec le droit communautaire ».
Il n’y a aucun doute qu’elle a alors réitéré ou réaffirmé la jurisprudence de la Cour(avis n° 001/2003 du 18 mars 2003).
La rédaction
Revue Juridique du Faso