Le délit d’initié : ce qu’il faut savoir !

« L’information est l’oxygène des temps modernes » déclarait le philosophe suédois Frederik Georg Afgeluis. De même que l’oxygène permet à tout être vivant de maintenir son souffle de vie, l’information permet à tous les acteurs des marchés financiers d’interagir sur marché pour déterminer librement les prix dans le respect des règles de la concurrence. L’information revêt une importance dans plusieurs domaines certes, mais elle est particulièrement plus sensible dans les marchés financiers. Une information peut faire chuter le cours du marché ou être à l’origine de sa hausse, en une fraction de temps. Pour assurer l’égalité de chances entre les acteurs du marché,  il faut s’assurer qu’ils aient tous les mêmes informations au même moment ; à tout le moins, qu’ils aient été à mesure de les avoir. Il se pose donc le problème des professionnels qui, en raison de leur fonction ou de leur position, reçoivent parfois les informations avant que celles-ci ne deviennent accessibles au public. Ces derniers sont parfois tentés d’exploiter ces informations pour se faire des profits à titre personnel directement ou par personne interposée, faussant ainsi l’égalité des chances et la transparence du marché. D’où l’institution du délit d’initié pour sanctionner de tels agissements. Qu’est-ce que le délit d’initié ? En quoi consiste-t-il? Quelles sanctions encourt une personne coupable de délit d’initié ? Telles sont les interrogations majeures que suscite ce thème.

Le délit d’initié est défini à  article 332-25 du Code pénal burkinabè comme étant le fait de « tout agent du secteur public ou privé qui exploite, par anticipation, en connaissance de cause, des informations non connues du public de nature à rompre l’égalité des chances ou qui influeraient sur le cours d’une activité économique quelconque et dont il a eu connaissance du fait de sa situation ou de sa position ». À l’origine, le délit d’initié  était conçu essentiellement pour mettre en garde les professionnels des marchés boursiers. Mais avec le temps la notion a évolué et recouvre aujourd’hui  un sens plus large. À l’exemple de la définition du code pénal citée plus haut, le délit d’initié peut être commis dans le cadre d’une ‘’activité économique quelconque’’. Autrement dit, l’infraction existe  aussi bien dans le cadre des marchés financiers, mais aussi dans les marchés ordinaires. L’avancée fulgurante des moyens de communication moderne a indéniablement été prise en compte car le risque de fuite des informations est encore plus élevé. Il suffit de quelques clics et le monde entier a déjà l’information. C’est un délit intentionnel ; c’est-à-dire que le coupable doit avoir l’intention d’exploiter l’information pour mettre en cause l’égalité des chances ou pour influencer le cours d’une activité économique afin d’en profiter. L’acte matériel de l’infraction se réalise par l’exploitation de l’information ; c’est-à-dire son usage pour se faire des avantages. Concrètement l’agent peut, par exemple, vendre l’information à d’autres personnes, il peut aussi acquérir ou vendre des titres boursiers lui appartenant pour éviter des pertes ou  tirer des profits à l’avance.

S’agissant des personnes susceptibles d’être coupables, il s’agit des personnes initiées. Contrairement à certaines législations, le Code pénal burkinabè ne fait pas de distinction entre ‘’initié primaire’’ et ‘’initié secondaire’’. Il est plutôt question d’agent du secteur public ou du secteur privé. L’agent doit être vu comme un professionnel, salarié ou non, exerçant à titre permanent ou occasionnel une fonction dans le secteur public ou privé. Cette qualité est préalable à la qualification du délit d’initier au Burkina Faso. Encore faut-il que l’agent ait eu connaissance des informations en raison de sa situation (d’agent) ou de sa position. A l’inverse une personne qui n’est pas agent ni du public ni du privé ne commet pas le délit d’initier s’il exploite une information, même non encore rendue publique, mais qu’il aurait reçu à travers des rumeurs. Cependant, un non-professionnel peut être inculpé pour complicité avec un agent coupable.

Quant à la sanction, elle est d’une peine d’emprisonnement de deux ans à cinq ans et d’une amende de cinq cent mille (500 000) à vingt millions (20 000 000) de francs CFA pouvant aller jusqu’à dix fois la valeur du profit réalisé. Par ailleurs, la juridiction saisie doit prononcer d’office la confiscation des biens et des revenus.

‘’Celui qui détient l’information détient le pouvoir’ ’nous enseigne un adage. Or tout détenteur de pouvoir doit être contrôlé afin qu’il n’y abuse pas. Le délit d’initié est ainsi ce garde-fou qui veille sur les initiés afin que l’égalité des chances et les autres principes de la concurrence puissent être respectés pour le bonheur des acteurs économiques. Son institution dans le Code pénal mérite donc d’être saluée à sa juste valeur. Cependant, d’autres interrogations demeurent à l’aune de l’analyse du délit d’initié ; notamment la question de la régulation des marchés de la ‘’Blockchaine’’ et des ‘’crypto-actifs’’ communément appelés ‘’crypto-monnaie’’ et malheureusement très peu connus sous nos cieux. Il est alors souhaitable que le législateur Burkinabè s’y penche le plus tôt que possible.

SANKARA Augustin

Revue Juridique du Faso

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