Après le bal des approbations et condamnations des événements politiques au Burkina Faso du 24 Janvier 2022, émanant des acteurs de la société civile et des acteurs politiques, place à présent à la confirmation, voire à la validation juridictionnelle desdits évènements. En effet, dans sa décision N°2022-003/CC portant constatation de la vacance de la Présidence du Faso, les conseillers de l’organe de régulation des institutions de la République ont constaté la vacance de la Présidence. Y avait-il, en pratique, vacance de la Présidence au moment où cette décision intervenait ? La réponse est bien « non ». Cela, parce que le Lieutenant-colonel DAMIBA s’était déjà, bien avant, octroyé les prérogatives de Chef de l’Etat et de Président du Faso. Il avait même déjà débuté l’exercice de ses fonctions de Président du Faso, chef suprême des Armées. Dans le dispositif de sa décision N°04 du même jour portant dévolution des fonctions du Président du Faso, le Conseil institue le Lieutenant-Colonel Paul Henri Sandaogo DAMIBA Président du Faso. Par conséquent l’invite à prêter serment devant lui(article 2 )
La décision de constatation de la vacance de la Présidence était pourtant bien attendue. Tout le monde regardait vers la haute juridiction au sommet de l’Etat, l’organe de constitutionnalité des lois, de la régularité des élections, de la régulation des acteurs du jeu politique. Dans sa décision, le Conseil constate sans gêne la vacance de la Présidence et cela sur le prisme d’observations seulement empiriques de l’acte de démission du Président du Faso, Rock Marc Christian KABORE, en date du 24 janvier 2022. Dans l’un de ses considérants, le Conseil constate, en effet, que Monsieur Rock Marc Christian KABORE a, par lettre du 24 janvier 2022, démissionné de ses fonctions et cela, dans l’intérêt supérieur de la Nation. Il constate également sans conséquence que le Président du MPSR a suspendu la Constitution et dissout le Gouvernement et l’Assemblée nationale. Pourtant, il se réjouit de la suspension de la norme fondamentale par le même. Cela parce que la suspension de la constitution les avait privés de leurs attributions constitutionnelles. Faut-il s’en réjouir ou s’en inquiété de ces décisions ? A priori, il y a lieu d’observer que le Conseil Constitutionnel (CC) de l’après transition a toujours brillé de part ses décisions et arguments non convaincants. On se souvient que, par plusieurs de ses décisions discutables, le conseil a privé le citoyen de la possibilité de le saisir par voie d’action a posteriori ou a priori. La décision qui constate la vacance de la Présidence sur le prime uniquement de la forme (le lettre de démission) n’est pas surprenante car on pouvait facilement prédire cela. En revanche, la décision qui institue le Lieutenant-Colonel DAMIBA Président du Faso et cela « sans autres formes démocratiques » comme l’a relevé le Professeur SOMA est inquiétante. Elle est inquiétante parce que le Conseil admet que du jour au lendemain la constitution peut être suspendue par une initiative privée. Avec pour conséquence de priver les citoyens et la République d’un organe chez qui on peut discuter de toutes questions y relatives. Elle est également inquiétante dans la mesure où celle-ci s’analyse comme une autre façon de constitutionnaliser les coups de force comme moyen de dévolution des pouvoirs dans la République. Il s’agit là d’un précédent dangereux. En effet, de par cette décision et surtout de par ses motivations laconiques, le CC donne une idée des moyens de légitimation et de la constitutionnalisation des coups d’état au Burkina Faso, quoiqu’implicitement. L’un de ses moyens est sans aucun doute le cautionnement populaire, qu’il soit explicite ou implicite. Il admet également que tout est admissible ou soutenable pourvu que ce soit dans l’intérêt supérieur de la Nation.
Mais pouvait-il en être autrement ? Non ! évidemment pas. Cela parce que le siège du Conseil constitutionnel est juste à quelques mètres du Camp Guillaume. Non également parce que cela aurait amené le nouvel homme fort du pays des hommes intègres à les contraindre à la démission et peut-être même instituer son propre organe constitutionnel dans le Grand « Acte fondamental ».Il y a eu absence d’ingéniosité chez les conseillers constitutionnels pour ne pas dire les juges constitutionnels.
Ainsi va la République, pourvu que la sécurité revienne au Faso afin que ces milliers de déplacés retrouvent leurs villages, que l’intégrité du territoire soit restaurée et que le peuple soit sauvegardé.
La liberté d’expression étant toujours en vigueur on est en droit de se demander quel avenir pour le constitutionnalisme au Burkina Faso ?Quel avenir pour la juridiction constitutionnelle ?Finalement quel avenir pour la démocratie et l’Etat de droit ?
Elucubrations d’un constitutionnaliste-stagiaire, ZOROME Noufou
Revue Juridique du Faso