Le Vendredi 15 Avril 2022, à l’Université Privée de Ouagadougou, s’est tenue la soutenance du désormais « Maitre » PIMA Luc qui a présenté les résultats de son travail dont le thème est : « La responsabilité du fait des produits pharmaceutiques ».
L’Etudiant, à l’entame, a précisé que ses recherches ont été orienté sur le médicament moderne à usage humain. A ce niveau, il précise que la santé humaine est aujourd’hui au cœur de toutes les préoccupations Etatiques et que le développement et le financement du secteur pharmaceutique est devenu une priorité. La pandémie actuelle de la Covid-19 démontre l’urgence qu’il y a, à toujours produire des thérapeutiques efficaces pour faire face aux pathologies nouvelles. Il précise cependant que la course aux médicaments ne doit pas nous faire oublier que le médicament, même s’il peut guérir ou prévenir les maladies humaines, reste un bien potentiellement dangereux, en témoigne les récents scandales du Médiator, du Softenon, du Distilbène… Les victimes des effets adverses des médicaments se comptent aujourd’hui par milliers et on assiste à une explosion des contentieux en matière de médicament.
L’étudiant justifie le choix du thème par les nombreux scandales portant sur les médicaments et la crise actuelle du COVID-19 et, l’objectif étant de présenter les règles actuelles de protection des consommateurs de médicament et leurs insuffisances afin de proposer au demeurant des pistes de réforme notamment dans le cadre africain.
Pour aboutir au traitement d’un tel sujet, l’étudiant s’est posé un certain nombre de questions. Il s’agissait de savoir : quel est le cadre juridique approprié pour une meilleure protection des victimes d’effets nocifs des médicaments ? Qui est responsable des dommages liés aux produits de santé ? Quels sont les moyens de preuve et les voies d’action dont dispose les victimes ?
Pour apporter des éléments de réponse aux différentes interrogations soulevées, l’étudiant a décidé de les aborder à travers deux titres à savoir l’identification des acteurs impliqués dans le processus de production et de commercialisation du médicament et leur responsabilité dans le dommage médicamenteux et la mise en œuvre de cette responsabilité.
Pour ce qui est du premier point sur l’identification des acteurs du circuit pharmaceutique et leur responsabilité dans le dommage lié au médicament, il précise que le médicament est d’abord la propriété du producteur ou fabricant qui, au-delà de sa volonté de prévenir ou d’éradiquer les maladies humaines, constitue un objet de commerce pour lui. La responsabilité du fabricant est engagée toutes les fois qu’il commet une faute dans la conception ou la fabrication de son produit en se basant notamment sur les articles 1382 et 1383 du Code civil. La victime, pour obtenir la réparation de ses préjudices doit rapporter la triple preuve de la faute, du dommage et du lien de causalité. En raison du caractère technique et scientifique du domaine, il est pratiquement impossible pour les victimes de rapporter la preuve de la faute du fabricant de médicament et cela conduit presque toujours à exonérer le producteur de sa responsabilité. Pour offrir une plus grande chance aux victimes d’obtenir la réparation de leurs préjudices, le droit européen du médicament va considérablement évoluer abandonnant ainsi le terrain de la responsabilité pour faute, pour consacrer celui de la responsabilité objective ou responsabilité sans faute du producteur à travers la Directive européenne de 1985 sur la responsabilité du fait des produits défectueux. Ce nouveau régime est novateur en ce qu’il exonère la victime de la lourde tâche de rapporter la preuve de la faute du producteur.
Le médicament intéresse au second plan les autorités sanitaires qui, pour des raisons de sécurité sanitaire, interviennent dans le domaine du médicament en donnant leur accord pour sa mise sur le marché sur la base du rapport bénéfice/risque. L’Etat en tant que garant de la santé publique peut voir sa responsabilité engagée pour avoir failli à sa mission de police sanitaire, soit parce qu’il a accordé sans contrôle son autorisation pour la mise en circulation d’un médicament dangereux, soit pour sa carence à faire cesser un risque sanitaire en n’ordonnant pas le retrait du médicament dangereux sur le marché.
Le médicament, une fois mis sur le marché, d’autres acteurs interviennent et il s’agit principalement du personnel du cadre hospitalier et des pharmaciens d’officines. Ce qu’il faut d’emblée retenir est que la responsabilité de ces derniers dans le dommage lié au médicament ne peut être retenue que sur la base de la faute dans l’administration et la dispensation du médicament, en somme lorsqu’ils manquent à leurs obligations professionnelles tant dans la prescription que dans la dispensation du médicament entres autres.
Relativement au second point sur la mise en œuvre de la responsabilité dans le dommage médicamenteux, il s’agit principalement pour les victimes de rapporter tous les éléments matériels permettant d’établir avec certitude l’implication du médicament dans la réalisation de leurs dommages. Il faudrait donc rapporter la preuve soit de la faute et du lien de causalité, soit de la défectuosité et de la causalité selon que l’on se trouve dans le régime de la responsabilité pour faute ou de la responsabilité objective. En effet, alors que le droit exige pour engager une responsabilité, un lien direct et certain, le domaine scientifique est parsemé d’incertitudes. Confrontés à cette situation, les juges, pour déterminer le lien de causalité, ont souvent eu recours aux présomptions en déduisant de l’absence de certitude de lien, une absence de certitude de toute absence de lien pour conclure de l’implication du médicament dans le dommage. Les juges ont alors insidieusement opéré un renversement de la charge de la preuve puisqu’il revient désormais aux laboratoires pharmaceutiques de prouver que leur produit n’est pas à l’origine du dommage.
C’est pour remédier aux difficultés probatoires et assurer un équilibre juridique entre les parties, qu’il a été décidé en France, de la création de l’office national d’indemnisation des accidents médicaux (ONIAM). Il s’agit d’un établissement public administratif qui permet l’indemnisation des victimes d’aléas thérapeutique à travers une procédure amiable, gratuite, rapide et équitable des préjudices d’une certaine gravité.
Pour finir, en plus de proposer la mise en place d’une structure du type de l’ONIAM dans nos Etats, l’étudiant propose la création d’une caution de commercialisation applicable à tout demandeur d’autorisation de mise sur le marché (AMM) en garantie de l’innocuité de son médicament et ce jusqu’au renouvellement de l’AMM. Cela permettra de responsabiliser davantage les producteurs de médicaments et permettra la prise en charge rapide des premiers soins des victimes en attendant qu’une indemnité définitive soit fixée.
Le jury a, en fin de compte, apprécié la qualité du document qui est agréable à lire, bien rendu mais encore plus, souligne-t-il, est d’actualité. Le jury a finalement sanctionné l’étudiant de la note de 16/20.
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ZOMA Michel