Le Samedi 04 Juin 2022 s’est tenue à l’UFR/SJP de l’Université AUBE NOUVELLE la soutenance, en Droit International des Affaires, de l’impétrant TAMINY Brice. En ce jour, M. TAMINY a présenté son document de Mémoire portant sur le thème suivant : « La preuve dans l’univers numérique ».
Pour commencer, l’impétrant a entamé sa présentation par un adage du monde des affaires qui dit ceci : « L’absence de preuve est une perte de valeur pour l’entreprise ». Cette pensée selon lui peut susciter plusieurs interrogations surtout dans un monde de plus en plus numérisé où les preuves sont partout notamment sur Facebook, Zoom, Twitter, Word, Excel et nulle part. Le numérique est au cœur de tout. Mais comment faire la preuve qu’un produit livré à partir de ce moyen n’est pas conforme aux descriptions ? Ce sont toutes ces raisons qui ont poussé l’étudiant à diriger son étude sur l’appréciation de la preuve dans l’univers numérique notamment la valeur de l’écrit électronique comme preuve dans un litige en matière civile. Il rappelle que l’écrit sous forme électronique est admis comme preuve en droit civil et également en droit pénal depuis les années 2000, notamment en France. C’est principalement en 2009 que le législateur burkinabè a légiféré sur la question de la preuve numérique à travers la loi 045-2009/AN portant règlementation des services et transactions électroniques au Burkina Faso (ultérieurement appelée « loi commerce électronique »).
L’impétrant rapporte que lors d’un procès, des questions de fait et de droit doivent être tranchées. Lorsque ces questions sont complexes, l’administration de la preuve requiert le plus souvent le recours à l’expertise judiciaire aussi diversifiée que complexe selon qu’elle serait régie par des règles de procédure qui civile qui pénale qui administrative sans oublier certaines spécificités qu’elle renfermerait telles les expertises immobilières, financières ou de responsabilité médicale. A cette liste non exhaustive, il convient selon lui d’ajouter l’expertise numérique. Par ailleurs, il attire l’attention sur le fait que la fugacité des données numériques multiplie les difficultés de les recueillir, de les conserver et de les produire plus tard en guise de preuve. Pour autant, le caractère immatériel, volatile et évolutif de l’information numérique constitue autant d’obstacles à son élection au rang de preuve. La preuve numérique suppose la maîtrise d’outils numériques en perpétuelle évolution sans que personne n’ait beaucoup de recul face à leurs usages. La place de l’expert devient alors déterminante.
Face à ces difficultés, on pourrait être tenté de conclure que le droit s’épuise à poursuivre la preuve numérique dont les frontières s’échappent toujours plus loin. Dès lors, l’impétrant s’est posé une série de questions à savoir : le droit commun burkinabè de la preuve s’adapte-t-il à l’univers numérique au regard des caractéristiques de ce dernier ? En d’autres termes, quand l’écrit numérique devient-il une preuve numérique ? Comment l’écrit doit-il non seulement être constitué mais aussi exploité pour acquérir force probante devant le juge ?
A ces questions techniques, il précise qu’il est du devoir des experts, comme le dit l’article 232 du Code de procédure civile burkinabè d’apporter à la justice sa lumière. Ainsi « Le juge peut, au cours des opérations de vérifications, se faire assister d’un technicien, entendre les parties elles-mêmes et toute personne dont l’audition paraît utile à la manifestation de la vérité. »
Le choix de sa réflexion se justifie par l’intérêt considérable que présente ce thème qui est d’actualité brûlante et qui permettrait aux justiciables de mieux faire valoir leur droit devant les juridictions, a-t-il précisé. Il ajoute que la preuve numérique peut intervenir dans tout type d’affaires judiciaires relatives au contrat, piratage, terrorisme, médiation, conciliation, etc. Pour qu’elle soit admissible il faut une méthodologie rigoureuse afin de prendre en compte les exigences de la loi tout en s’adaptant aux contraintes techniques propres à chaque cas.
Pour étayer son thème, l’impétrant a d’abord fait un étalage et une analyse sur le droit burkinabè avant de démontrer la tâche pas aisée incombant aux différents acteurs de la justice s’agissant surtout de la constitution et l’exploitation de la preuve numérique. Dans sa démarche, l’impétrant, menant ses recherches parfois sous l’angle du droit comparé, a essayé de montrer en quoi l’écrit numérique constitue une preuve difficile à administrer mais aussi l’existence d’une possibilité dans son administration.
Tout d’abord, il constate que le droit commun de la preuve burkinabè semble s’adapter à l’univers numérique et ce, à travers l’intervention du législateur en la matière par l’adoption de la loi commerce électronique, à l’instar de celui français bien souvent guidé par l’idée de neutralité technologique. Dans la logique d’assimiler l’écrit électronique à l’écrit sur support papier, la loi burkinabè sur le commerce électronique dispose en son article 34 que : « l’écrit sous forme électronique est admis en preuve au même titre que l’écrit sur support papier et a la même force probante que celui-ci, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu’il soit établi et conservé dans des conditions de nature à garantir l’intégrité ».
Par ailleurs, l’acceptation de l’écrit comme preuve nécessite une reconnaissance juridique de la signature électronique. Le législateur burkinabè dans le même ordre d’idée que le législateur français définit la signature électronique à l’article 2.26 de la loi précitée comme « une donnée qui résulte de l’usage d’un procédé fiable d’identification garantissant son lien avec l’acte auquel elle s’attache ». De ce fait, au Burkina Faso « la signature électronique est reconnue en toutes matières, et ne saurait être déclarée irrecevable au seul motif qu’elle est électronique, ne repose pas sur un certificat qualifié ou n’est pas créée par un dispositif sécurisé ». Cependant, la question de la présomption de fiabilité se pose. En effet pour qu’une signature soit présumée fiable, il faut que l’identité du signataire puisse en être assurée. A défaut, le juge apprécie souverainement la fiabilité de la signature électronique.
Enfin, il note l’importance de la technique des conventions de preuve. En effet, c’est la substance de l’article 33 de la loi burkinabè sur le commerce électronique qui est le siège de la matière. Cette disposition écarte le pouvoir d’appréciation du juge pour déterminer lequel des actes l’emporte, lorsqu’il existe une convention de preuve. En effet, il est possible d’aménager contractuellement les modalités de preuve. Dans ce cas, les parties décident ensemble des procédés autorisés de preuve pour justifier leurs droits.
Quant à l’établissement de la preuve numérique, il fait intervenir bon nombre d’acteurs de la justice. D’abord, la collecte de la preuve numérique incombe à l’huissier de justice puisqu’il peut être commis par voie judiciaire pour effectuer des constatations purement matérielles en vertu de la loi, même de procéder à des constatations à la requête des particuliers et ses procès-verbaux de constatations font foi jusqu’à preuve du contraire. Cependant, il est face aux difficultés de l’environnement hautement technologique où il sera obligé de transposer des règles de droit commun pour ensuite s’adapter aux nouveaux supports de preuve.
Ensuite, l’avocat, selon lui, joue un rôle d’ensemblier de preuve numérique. La collecte et la matérialisation de la preuve par voie de constat, amiable et/ou judicaire dans l’environnement numérique constitue une démarche sensible pour l’avocat sur le plan de la démarche juridique et technique à mettre en œuvre. L’avocat doit être en mesure d’appréhender les enjeux et les risques.
Enfin, l’expert quant à lui joue un rôle multiple. Le caractère probant des données est la première étape du travail de l’expert. La deuxième étape consistera pour l’expert à identifier les moyens et les ressources dont il aura besoin pour découvrir la preuve. La troisième étape, enfin, consiste à conserver la preuve. Aussi, lors de la collecte et de l’extraction des données pertinentes, l’expert doit veiller à leur intégrité et leur traçabilité.
A ces trois catégories il convient, selon l’impétrant, d’ajouter le justiciable.
Le jury a, en fin de compte, apprécié la qualité du document. Un travail complet, fluide, agréable à lire avec de très bonnes analyses. Le jury a finalement sanctionné l’impétrant de la note de 17/20.
Par ZOMA Michel
Revue Juridique du Faso