LA PLANIFICATION DES MARCHES PUBLICS ET DES DELEGATIONS DE SERVICE PUBLIC

Une maxime très courante dit ceci : Qui va loin ménage sa monture. Cette maxime, loin d’être des propos lapidaires pour enchanter, dénote de la nécessité d’établir une ligne de conduite précise préalable pour toute activité d’une certaine importance que l’on entend mener. Cette définition préalable, nous l’appelons ici planification .Aussi, l’Administration qui œuvre pour l’accomplissement des services publics épouse cette maxime tant ces activités sont d’une importance capitale. Parmi ces activités, la commande publique, un ensemble de contrats administratifs peut être citée et du même coup entrer dans cette logique de planification. En claire, la planification des marchés publics et des Délégations de Services Publics (constituantes de la commande publique), pourrait représenter un intérêt certain qu’il convient d’étudier. Un tel sujet comporte des termes dont l’appréhension n’est pas forcément aisée. Alors, une approche définitionnelle se présente comme importante pour une meilleure compréhension du sujet avant toute analyse.

Auteurs:TARAMA Windpagnadé Gildas Vitalien
PODA Myriam Marie Régina Carol Nanviel

Avec l’encadrement de:

M. Oumar TRAORE, Doctorant à l’Université Ouaga II
M. Hamadoun DICKO, Doctorant à l’Université Ouaga II

INTRODUCTION

Une maxime très courante dit ceci : Qui va loin ménage sa monture. Cette maxime, loin d’être des propos lapidaires pour enchanter, dénote de la nécessité d’établir une ligne de conduite précise préalable pour toute activité d’une certaine importance que l’on entend mener. Cette définition préalable, nous l’appelons ici planification .Aussi, l’Administration qui œuvre pour l’accomplissement des services publics épouse cette maxime tant ces activités sont d’une importance capitale. Parmi ces activités, la commande publique, un ensemble de contrats administratifs peut être citée et du même coup entrer dans cette logique de planification. En claire, la planification des marchés publics et des Délégations de Services Publics (constituantes de la commande publique), pourrait représenter un intérêt certain qu’il convient d’étudier. Un tel sujet comporte des termes dont l’appréhension n’est pas forcément aisée. Alors, une approche définitionnelle se présente comme importante pour une meilleure compréhension du sujet avant toute analyse. De ces termes à définir, nous avons les Marchés Publics, les Délégations de Services Publics et la planification. Mais auparavant, il conviendrait d’apporter quelques précisions sur la commande publique, une notion connexe à notre thème. La commande publique, s’entend de toutes les formes d’acquisition des biens, de services ou de prestation au profit des collectivités publiques. Elle comprend les marchés publiques, les délégations de service publique, les partenariats public-privé (Art. 2 loi 039-2016/AN du 02 décembre 2016 portant règlementation générale de la commande publique). Pour ce qui nous concerne, les partenariats public-privé ne seront pas abordés. C’est donc à l’exclusion de ceux-ci, à chaque fois que nous emploierons le terme commande publique. Les Marchés Publics et les Délégations de Services Publics, ces contrats administratifs objet de notre étude ont des implications différentes qu’il convient d’élucider. Au terme de l’article 1er de la directive 04/2005/CM/UEMOA/2005 du 09 décembre 2005 portant Procédure de passation, d’exécution et de règlement des marchés publics et des délégations de service public « le Marché Public : le contrat écrit conclu à titre onéreux par une autorité contractante pour répondre à ses besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services au sens de la présente directive ». L’article 2 de la loi 039-2016/AN du 02 décembre 2016 portant règlementation générale de la commande publique définit la Délégation de Services Publics comme « le contrat administratif écrit par lequel une des personnes morales de droit public ou privé (…) confie la gestion d’un service public relevant de sa compétence à un délégataire ». La planification quant à elle, bien que nous l’ayons contextualisée dans les Marchés Publics et les Délégations de Services Publics, est présente dans divers langage de sorte qu’une précision mérite d’être faite pour déterminer sa signification dans notre travail. Pour le langage courant, la planification revêt le caractère détaillé d’un plan d’activités. C’est l’action de prévoir quelque chose sur une certaine durée. L’on la qualifie également de projet élaboré pour réaliser quelque chose. Pour les économistes cependant, la planification est un encadrement du développement d’un pays par les pouvoirs publics. Pour les acteurs et observateurs du droit de la commande publique l’article 19 de la loi 039- 2016/AN portant règlementation générale de la commande publique est suffisamment précise : « La nature et l’étendue des besoins sont déterminées avec précision par les autorités contractantes avant tout appel à la concurrence ou toute procédure de négociation dans le cadre des marchés passés par entente directe au début de chaque gestion budgétaire à travers un plan annuel de passation des marchés ». Ces différentes définitions, bien que se rapprochant, il ne sera abordé pour ce qui nous concerne, que la planification au sens de la passation des marchés. Cet article 19, plus qu’une simple définition, est une délimitation de la notion de planification dans ce contexte de Marchés Publics et des Délégations de Services Publics. En somme, la planification des Marchés Publics et des Délégations de Services Publics s’entendra dans notre travail, de la procédure qui consiste en une détermination préalable et ce pour le compte d’une durée annuelle, de tous les besoins de l’Administration en terme de travaux, de fournitures, de services, de la délégation de gestion du service avant toute autre procédure d’appel à concurrence ou de passation par entente directe. Bref, il sera ici question de la procédure de détermination des besoins de l’Administration dans les domaines spécifiques des Marchés Publics et des Délégations de Services Publics. La planification sera abordée indistinctement pour ces deux types de contrats administratifs. Cette étude est d’un intérêt véritable car elle permettra d’une part de partir certes des normes juridiques prescrites en la matière mais de mieux approfondir les connaissances basiques que ces normes offrent, à travers une analyse au-delà de la lettre. D’autre part, sur la base de cet approfondissement des connaissances, notre étude qui se veut pour cible les acteurs des Marchés Publics et des Délégations de Services Publics permettra une meilleure efficacité dans l’élaboration préalable des besoins de l’administration en la matière pour peu que les implications de la planification soient suivies. La volonté de compréhension de la planification des Marchés Publics et des Délégations de Services Publics traverse tous les âges tant la planification vise l’efficacité ; besoin d’efficacité est sans cesse renouvelé au sein de l’Administration. A ce propos, ce sujet est d’une actualité permanente. Toutefois, au-delà de ce qui précède, un questionnement légitime pourrait surgir : Dans le foisonnement des définitions des besoins de l’Administration, comment peut-on identifier d’une manière claire et précise la planification des Marchés Publics et des Délégations de Services Publics? Comment alors planifier ces types de contrats administratifs afin qu’ils répondent à des objectifs d’efficacité, si chère en terme de bonne gouvernance. A ces questionnements, il nous parait que l’annualité et la contrainte soient des traits caractéristiques qui gouvernent la planification des Marchés Publics et des Délégations de Services Publics. L’élaboration du projet même avec ses contraintes procédurales et l’adoption d’un plan rigoureusement établi tendent à l’efficacité de l’Administration dans l’acquisition de ses besoins. Cela permet à l’Administration d’être en phase avec les conjonctures sociales économiques et politiques. Si tant est que la planification des Marchés Publics et des Délégations de Services Publics permet d’actualiser les besoins de l’Administration et a pour finalité l’efficacité de celle-ci, alors celle-là (planification) nous parait nécessaire. Pour parvenir alors à de tels résultats, toute planification des Marchés Publics et des Délégations de Services Publics doit respecter des caractéristiques propres (I). La planification doit surtout être soumise à une procédure particulière (II).

I. L’identification caractéristique de la planification des marchés publics et des délégations de service publics

L’optimisation des marchés publics et des délégations de service public passe par la détermination préalable et surtout précise des besoins de l’Administration et ainsi, par une bonne planification de la passation de la commande publique. Cette planification passe par la mise en place d’un plan prévisionnel de passation des marchés qui présente pour l’essentiel, des principes et caractéristiques d’annualité (A) d’une part et de contrainte (B) d’autre part.

A. Les caractères d’annualité, identifiant la planification des marchés publics et des délégations de service public

La planification des marchés publics et des délégations de service public passe par la détermination de la nature et de l’étendue des besoins de l’administration et elle doit avoir une durée bien précise qui correspond, la plupart du temps à une année budgétaire. Ce plan peut cependant être révisé et doit être obligatoirement publié afin d’être investi de son caractère d’opposabilité. Ce caractère d’annualité renferme donc l’établissement d’un plan annuel(1), la possibilité de révision de ce plan sous certaines conditions (2) étant néanmoins admise.

1- La capitalisation du principe d’annualité du plan de passation de la commande publique

Les plans prévisionnels de passation des marchés publics sont annuels en ce sens que les autorités contractantes ne doivent pas contracter pour une durée de temps supérieure à la durée de la gestion budgétaire. L’année budgétaire, faut-il le préciser, court du 1er janvier au 31 décembre d’une même année1 . L’article 27 de la directive n°04/CM/UEMOA portant procédure de passation, d’exécution et de règlement des marchés publics et des délégations de service public2 illustre ce caractère d’annualité. « Les Etats veillent à ce que les autorités contractantes élaborent des plans prévisionnels annuels de passation des marchés publics et des délégations de service public sur le fondement de leur programme d’activité ». Dans l’ordonnancement juridique interne au Burkina Faso, ce principe d’annualité consacré par le précédent article est repris par l’article 19 de la loi N°039-2016/AN portant règlement général des marchés publics et des délégations de services publics3 : « La nature et l’étendue des besoins sont déterminés avec précision par les autorités contractantes avant tout appel à la concurrence ou toute procédure de négociation dans le cadre des marchés passés par entente directe, au début de chaque gestion budgétaire à travers un plan annuel de passation des marchés ». Cela signifie que les administrations publiques du Burkina Faso ayant des besoins de gestion, de fonctionnement et d’exécution des politiques publiques, établissent à cet effet donc un plan prévisionnel de passation des marchés publics et des délégations de service public afin de prévoir et de déterminer ces besoins avant de lancer une procédure d’appel à la concurrence.
Cependant, il est des situations où ces plans sont révisables au cours d’une année ou même des plans qui sont déterminés pour s’exécuter au-delà d’une année budgétaire.

2- Le caractère révisable, une exception à l’annualité du plan

Le caractère annuel du plan peut connaitre des exceptions lorsqu’il ya des autorisations de programme qui sont les limites supérieures des dépenses budgétaires que les ministres ou certains élus locaux sont autorisés à engager pour l’exécution des investissements de leur ministère ou de leurs collectivités territoriales4. Cela peut ainsi amener les autorités contractantes à réviser le plan annuel. Également des marchés afférents à des autorisations de programme peuvent être contractés pour plusieurs années à la condition que les engagements annuels qui en découleront demeurent dans la limite des crédits de paiement5 . Nous prenons l’exemple d’une construction de routes ou d’infrastructures initiés par un département ministériel. Compte tenu de la durée des travaux et du montant élevé de la somme nécessaire pour la réalisation de ces projets, ils peuvent s’étendre sur plusieurs années budgétaires. En cas de situation d’urgence, de cas de force majeur, le plan annuel peut être de ce fait révisé afin de permettre d’inclure certaines dépenses survenues au cours de l’année. Il peut arriver qu’une administration reçoive des dons en nature ou en espèce des partenaires techniques et financiers après l’élaboration du plan prévisionnel annuel. Il serait alors judicieux de réviser ce dernier afin qu’il puisse tenir compte de tous les changements. L’opportunité de révision a pour but de permettre au plan d’être concret en tenant compte de toute éventuelle mutation. Cela relève de la prévisibilité du processus de passation des marchés publics. Il est important de dire ici que le plan, qu’il soit annuel ou révisable, pour être valable, doit être publié selon des mécanismes particuliers ; mécanismes qui seront évoqués dans la deuxième partie de ce travail.

B. L’identification de la planification des marchés publics et des délégations de service public par ses caractères contraignants

Le caractère contraignant renvoi au fait que l’élaboration du plan de passation des marchés publics doit être fait suivant certaines conditions. Lorsque ces dernières ne sont pas réunies cela entraine des sanctions telles que la nullité du plan, la sanction de l’agent fautif Dans cette partie, il s’agira pour nous de parler des critères contraignants à proprement dit(1) et l’obligation d’un plan réaliste (2).

1- La planification de la commande publique, une procédure très règlementée

La planification des marchés publics et des délégations de service public établit des caractéristiques contraignantes et il convient de noter que ces caractères contraignants renvoient au fait que toutes les commandes non prévues dans le plan ne sauraient en principe en aucun cas être ouvertes à quelque procédure d’appel à concurrence, d’attribution, encore moins d’exécution. Selon le paragraphe 3 de l’article 27 de la directive n°04/CM/UEMOA 6 « Les marchés passés par les autorités contractantes doivent avoir été préalablement inscrits dans les plans prévisionnels ou révisés sous peine de nullité».Il faut obligatoirement que ces contrats que l’administration prévoit exécuter soient planifiés et figurent dans le plan prévisionnel. Ainsi, l’on perçoit aisément à travers cet article 27 sus-cité que la planification des marchés publics et des délégations de service public, objet de notre présent étude, occupe une place incontournable dans la mise en œuvre des missions sectorielles et allant, des missions générales des puissances publiques de l’Etat. Autrement dit, sans planification, pas d’exécution de missions de mise en œuvre des politiques publiques. Ainsi, comme le précise une maxime latine « Ubi jus, ibi remedium » 7 , cet article 27, en plus d’interdire l’exécution de la commande publique en dehors d’un plan préalablement établi, prévoit des sanctions pour les violations possibles de cette norme. D’où le caractère contraignant de la planification ici. En l’occurrence, ici, la sanction prévue, en cas de violation, par l’article 27 déjà cité est la nullité du contrat de commande publique. Par ailleurs, le caractère contraignant de la planification des marchés publics et des délégations de service public tient au fait qu’il est établi à l’encontre des agents intervenant dans la chaine des planifications de la commande publique, certaines interdictions. Il s’agit notamment de l’interdiction de tout morcellement des commandes publiques comme le précise l’article 54 du décret N° 2017-049 portant procédures de passation, d’exécution et de règlement des marchés publics et des délégations de service public8 . Cela répond au besoin de transparence, d’efficacité de la commande publique au sein de l’Administration publique burkinabè.

2- L’obligation du double réalisme du plan

La caractéristique du réalisme de la planification des marchés publics et des délégations de service public tient son appréhension en deux (2) hypothèses essentiellement. La première est consacrée par l’article 53 du décret N° 2017-049 portant procédures de passation, d’exécution et de règlement des marchés publics et des délégations de service public9 . En effet, le paragraphe 2 dudit article dispose que « le marché public ou la délégation de service public conclu par l’autorité contractante doit avoir pour objet exclusif de répondre à ses besoins ». Ainsi, pour répondre au caractère réaliste du plan de ces commandes publiques, l’autorité compétente a l’obligation de rester dans les limites des besoins de l’administration. Il n’est donc plus admissible que dans la planification des marchés publics et des délégations de service public, l’on exprime des besoins non nécessaires à la gestion, au fonctionnement, et à la mise en œuvre des politiques sectorielles. Quant à la deuxième hypothèse qui fait le contenu du principe du plan réaliste, elle tient plutôt à un réalisme économique. A ce titre, l’article 2, paragraphe 4 du décret précédemment cité se veut précis : « Le lancement d’une procédure de passation d’un marché public ou d’une délégation de service public est subordonné à l’existence de crédits budgétaires suffisants… ».Le montant du plan prévisionnel de passation des marchés publics et de délégation de service public d’une administration ne doit pas excéder le budget annuel prévu pour elle. En claire, dans la planification des marchés publics et des délégations de service public, les autorités compétentes qui interviennent d’un moment à l’autre dans la chaine de ladite planification ont constamment un regard tourné sur l’équivalence entre l’ensemble des besoins exprimés et la possibilité de satisfaction de ces besoins compte tenue de la disponibilité des crédits alloués à l’administration. L’on comprendra aisément donc la non approbation par une autorité d’approbation, d’un plan qui établirait des besoins mais qui, évalué économiquement serait incohérent avec les crédits disponibles ; et donc non réalisable. A titre d’exemple, en 2019 le budget alloué à l’ARCOP correspondait à la somme de six cents trente et six millions, deux cents soixante et onze milles quarante francs CFA (636.271.040 F CFA) et le total général des plans de passation des commandes publiques correspondait à ce même montant10 .

II. La nécessité d’une organisation de l’établissement de la planification des marchés publics et des délégations de services publics

La procédure qui permet d’aboutir à un plan général de passation des marchés publics et des délégations de services publics met en exergue la participation de plusieurs acteurs intervenant à divers niveaux selon des attributions distinctes et propres à chacun desdits organes ou acteurs. En effet, face à la croissance de l’interventionnisme d’un Etat désormais très social, les domaines d’intervention s’élargissent au point où il est devenu nécessaire de faire intervenir plusieurs acteurs de détermination de la planification des marchés publics et des délégations de service public. Ainsi, certaines catégories de personnes interviennent dans des procédures préliminaires d’élaboration du projet de planification (A) tandis que d’autres agissent lors de procédures finales d’adoption du plan de planification (B).

A. L’instauration de procédures préliminaires d’élaboration du projet de planification

Avant même qu’un plan ne soit adopté, plusieurs acteurs travaillent en amont afin de permettre techniquement d’avoir un plan des marchés publics et des délégations de service public. C’est alors qu’il parait nécessaire que l’on élabore de prime abord des programmes sectoriels (1) avant de les centraliser pour en faire un projet unique (2).

1- L’élaboration organisée des projets de programmes sectoriels, symbole de l’accroissement des missions de service public

L’élaboration des programmes sectoriels est le signe de l’élargissement des besoins de l’administration. Ici, les secteurs d’intervention sont devenus si importants que l’autorité centrale est obligée de laisser la compétence aux différents secteurs, d’énumérer eux-mêmes leurs besoins ; et ce dans le souci de la prise en compte véritable des aspirations de chaque secteur. Au terme de l’article 19 de la loi N°039-2016/AN portant règlement général des marchés publics et des délégations de services publics11 , « La nature et l’étendue des besoins sont déterminés avec précision par les autorités contractantes… ».Cela est analysé comme un élément de gestion de la commande publique comme le dit si bien KAM Olé Alain : « La gestion comporte tous les actes matériels commençant avec l’expression des besoins »12 . L’unique article de la section 1 du Chapitre 1, titre 3 de la loi susmentionnée; section titrée « de la détermination des besoins et de la planification des marchés publics et des délégations de services publics » attire notre attention. En effet l’on dit dans cet article que les besoins sont fixés par l’autorité contractante. La définition des besoins est « assurée par les différentes autorités contractantes »13 . Mais de façon pragmatique, la détermination des besoins, dévolue à ces différentes autorités contractantes se fait par distribution des rôles au sein de chaque entité, autorité contractante. Généralement cette personne qui a la mission de définir les besoins de l’entité autorité contractante est le gestionnaire des crédits ou le chef des projets. En effet cet acteur est au sein de chaque entité autorité contractante, (exemple d’un ministère ou d’une entreprise publique) chargé de regrouper les besoins de tous les services bénéficiaires, d’évaluer le budget des besoins exprimés par les services bénéficiaires, élabore en collaboration avec les services bénéficiaires le projet de plan de passation des marchés(PPM). Ce travail technique constituera au final, le projet du plan de passation des marchés de cette entité. Et ce même travail technique est fait au sein de toutes les autorités contractantes. C’est ainsi que ces travaux sont qualifiés de programmes sectoriels, devant être centralisés.

2- L’Organisation de la centralisation des projets de plan, expression de la concrétisation du triomphe des missions de service public

Traditionnellement, l’administration publique se caractérise par deux tendances, l’une pouvant être priorisée selon la philosophie de l’Etat. Il s’agit d’une part de l’Etat-gendarme caractérisé par une prédominance de la puissance publique et par un délaissement de plusieurs domaines au secteur privé. D’autre part il y a l’Etat providence caractérisé par une forte prédominance des missions de service public et par une forte implication de l’Etat dans quasiment tous les secteurs de la vie de la nation. Dans la planification des marchés publics et des délégations de service public au Burkina Faso, l’accroissement des secteurs d’intervention de l’Etat a nécessité la mise en place de plans sectoriels des marchés publics et des délégations de service public. La coordination de ces plans sectoriels vient réaffirmer que le Burkina Faso est un Etat qui met en avant les missions de service public. Après la définition des programmes sectoriels, l’autorité contractante procède à des regroupements selon des principes d’homogénéité. En effet, comme déjà dit, les chefs de projets après avoir établi des programmes de leurs secteurs d’activités respectifs transmettent ces programmes à la personne responsable des marchés qui a la qualité de faire les regroupements nécessaires selon l’homogénéité ou selon les avantages économiques, techniques ou financiers. En fait d’homogénéité, la personne responsable des marchés, procède à des regroupements des plans à lui transmis par les chefs de projets sectoriels ; regroupements par types de marchés. La définition donnée au marché public par l’article 1er de la directive 04 UEMOA14 fait ressortir une typologie des marchés publics. Dans son travail de regroupements des projets donc, la personne responsable des marchés procèdera à un regroupement par types de marchés. C’est un regroupement par assemblages techniques. Les délégations de service public disposant également de typologies connaitront aussi le même mécanisme de regroupement. Il y est en effet catégorisé les délégations de services publics : la régie intéressée, l’affermage et la concession. Tel est le regroupement ou la centralisation par typologie. Toutefois, cette méthode de regroupement qualifiée d’homogénéité n’est pas la seule. Il peut arriver que le besoin de regroupement des projets fasse naitre des avantages particuliers à tel regroupement plutôt qu’à tel autre. En effet, si le regroupement par typologie semble être un exercice assez simplifié, il arrivera que des intérêts financiers, techniques ou économiques entrent en jeu et imposent un regroupement qui n’obéit pas forcément aux contours des types de marchés publics ou de délégation de services publics. En ce moment, la centralisation des projets sectoriels se fera selon les avantages soient économiques, soient financiers, soient techniques. En pratique, il est possible que les marchés de travaux et des délégations de régie intéressée soient inscrits dans un même lot dans la mesure où techniquement ils ont des liens forts qui font que leur détachement ne rendrait que complexe l’appréhension et/ou l’exécution de ces marchés. En sus et au besoin, au sein de chaque secteur, la personne responsable des marchés centralise les besoins ou les projets des différents secteurs avant de les transmettre à la direction des marchés publics qui à son tour, établit un projet de plan général et central de toutes les autorités contractantes pour une période déterminée d’une année.

B. Les procédures finales d’adoption du plan de planification

Après l’élaboration des projets sectoriels de plan, il faut bien formaliser un plan général de passation des marchés publics et des délégations de services publics pour une durée d’une année. Cela, dans le but de l’efficacité et de la célérité, suit un processus bien particulier. En effet, le rigorisme administratif implique qu’il y ait d’abord une approbation dudit plan par les autorités compétentes et selon les niveaux de marchés (1) avant de procéder à la publication d’un avis général (2) qui n’est que la mise à disposition au public d’un plan annuel de passation des marchés publics et des délégations de service public.

1- L’approbation du plan de passation de commandes publiques

Il y a quatre entités qui interviennent de façon graduée dans la mission d’approbation des plans de marchés publics et de délégation de service public. Il y a en premier lieu l’administrateur de crédit à qui la personne responsable des marchés ou la direction des marchés publics, selon le degré des marchés, transmet le plan consolidé après la procédure de centralisation des projets. A la réception du plan consolidé, il est reconnu à l’administrateur du crédit le pouvoir d’adopter directement les projets de plans qui ne suscitent aucune observation. L’administrateur du crédit est le président d’institution ou le ministre d’un secteur. Au regard de cette disposition, les projets de plan ¨qui ne suscitent aucune observation¨ pourraient paraitre ambiguës. Il nous semble néanmoins que l’entendement du plan qui ne suscite aucune observation, est plus lié au degré d’engagement financier de l’administration. Ainsi, les projets de plans qui n’engageraient pas un fort budget de l’Etat pourraient être qualifiés de projets de plans ¨qui ne suscitent aucune observation ¨et c’est alors que le président d’institution ou le ministre du secteur pourrait adopter ces projets de plans. En plus de l’administrateur de crédit, intervient dans le processus d’approbation des marchés publics et des délégations de service public, l’instance chargée de l’examen des plans de passation des marchés publics et des délégations de service public. Au regard des compétences d’adoption précédemment reconnues à l’administrateur du crédit, il va s’en dire que les projets de plan soumis à l’examen de cette instance sont ceux qui échappent à la compétence d’adoption dudit administrateur de crédit, c’est-à-dire, des projets de plans qui engagent un seuil plus élevé de budget. Cette instance chargée de l’examen des plans est chargée d’examiner les plans de passation dans un délai de 10 jours à compter de la date de leur transmission par l’administrateur de crédit. Au regard de la quête de l’efficacité par l’administration, un tel examen pourrait constituer un autre cadre de contrôle, d’élaguassions des incohérences qui pourraient subsister après le travail technique de centralisation fait par la personne responsable des marchés. Faut-il pour nous le préciser, le travail d’examen de cette instance ne vise pas à prendre une décision, ne vise pas à approuver le plan ou à le désapprouver. Il vise à éclairer le ministre en charge du budget, autre acteur d’approbation des projets de plan. En effet, au terme de l’Article 54 du décret portant règlementation générale des marchés publics et des délégations de service public au Burkina Faso, le ministre en charge du budget, sur la base du rapport de l’instance chargée de l’examen des projets de plan des marchés (PPM) approuve les plans de passation. Il n’approuve les plans qu’après « avis d’une commission dont la composition et les modalités de fonctionnement seront précisés par un arrêté » dudit Ministre. En somme, l’instance en charge de l’examen des différents projets de plan des marchés, après examen, transmet au ministre en charge du budget, les projets de plans appuyés de rapports, fruits de son examen ; pour approbation. En outre, certains plans d’un certain seuil économique sont transmis au conseil des ministres par le ministre en charge du budget pour approbation.

2- L’avis général, l’acte consacrant le plan adopté de passation des marchés publics et des délégations de service public

L’avis général est un acte dans la procédure de planification qui vise à informer le public de l’existence d’un plan de passation des marchés de commande publique ; plan entendu comme un instrument annuel. Cet acte d’information est assuré par l’autorité contractante selon une méthode déterminée. L’autorité contractante compétente pour publier cet avis général est la Direction Générale de la Commande, des Marchés et Engagements Financiers. Au regard de ses compétences de contrôle, la DGCMEF, avant la publication de l’avis général procède à une étude qui consiste à la vérification de la conformité des plans avec les dispositions légales et règlementaires en vigueur. La DGCMEF dispose à cet effet d’un bloc de légalité constitué de l’ensemble des textes juridiques évoqués dans ce travail d’analyse ; c’est-à-dire la directive 04, la loi 039, le décret 049, les arrêtés, etc. Si au regard de ce bloc de légalité, l’on constate que les autorités contractantes ont laissé subsisté des irrégularités (non application de la réglementation sur les commandes publiques) dans les plans dans leur ensemble ou en partie, la DGCMEF n’approuvera pas le plan et le renverra à l’autorité compétente pour réajustement. La DGCMEF se révèle être la garante de la légalité de la planification des marchés publics et des délégations de service public comme le précise l’article 69 du décret N° 2016-381/PRES/PM/MINEFID portant organisation du Ministère de l’Economie, des Finances et du Développement 15 : « …elle est chargée notamment … de donner son avis et éventuellement d’apposer son visa sur tous les actes ayant un caractère financier… y compris les contrats de marchés publics… »C’est après ce travail de contrôle que la DGCMEF procède à la publication de l’avis général, signe que le plan est adopté. Rappelons le, l’avis général permet à l’autorité contractante d’informer le public de l’ensemble des marchés publics et des délégations de service public qu’elle envisage passer au titre d’une année budgétaire. Pour ce faire, le même article 69 du décret suscité dit que la structure en charge du contrôle a priori de la passation des marchés publics et des délégations de service public, au regard du seuil prévisionnel des commandes, publie les plans annuels approuvés par les moyens habilités. Au Burkina Faso, cette structure de contrôle a priori n’est autre que la DGCMEF. Quant aux moyens habilités, le décret N° 2017- 0049 16 retient plusieurs supports de publication pour assurer une large publicité de l’acte. Parmi ces supports, nous avons au terme de l’article 55 du décret 2017-0049, la revue des marchés publics, un journal d’information générale, la voie électronique et enfin la publication officielle de l’UEMOA. La revue des marchés publics, disponibilisée au ministère en charge de l’économie et des finances et du développement (MINEFID) parait au quotidien. Il n’est pas non plus exclu que la publication de l’avis général se fasse dans un journal d’informations générales. De tous ces supports cependant, la publication électronique sur le site de la DGCMEF semble la plus fiable et efficace dans la mesure où la DGCMEF et son site sont officiels. Le site de la DGCMEF est un canal privilégié d’informations. Il est d’ailleurs prévu dans ses missions, la collecte d’informations et de documents en vue de la construction d’une banque de données.

CONCLUSION

Le Burkina Faso, à l’instar d’autres pays, notamment de l’UEMOA, s’est résolument tourné vers une règlementation stricte des contrats de commandes publiques. En effet, l’ordonnancement juridique interne du Burkina Faso, fortement inspiré du droit communautaire UEMOA, fait une place importante, depuis 2005, à l’harmonisation communautaire du droit de la commande publique. De façon spécifique, les marchés publics et les délégations de service public ont fait l’objet d’une réglementation tant nationale que communautaire, depuis leur planification jusqu’à l’exécution de ces types de contrats administratifs. En ce qui concerne la question cruciale de la planification des marchés publics et des délégations de service public, objet de notre étude, il convient de noter que dès l’entame de notre travail de recherches et d’analyses, il s’était posé quelques questions juridiques notamment sur le comment peut-on identifier d’une manière claire et précise la planification des Marchés Publics et des Délégations de Services Publics. En plus, l’on se demandait par quels mécanismes alors planifier ces types de contrats administratifs afin qu’ils répondent à des objectifs d’efficacité, si chères en terme de bonne gouvernance. Parvenus à approfondir quelques notions de la thématique posée, nous sommes à même de dire que les hypothèses envisagées en introduction à ce travail sont vérifiables. En effet, pour reconnaitre une procédure de planification des marchés publics et des délégations de service public, des caractéristiques doivent être dégagées. Il s‘agit de l’annualité et du caractère révisable du plan, de la contrainte et du réalisme. Quant aux mécanismes de planification, nous sommes parvenus à l’idée que pour répondre au principe de bonne gouvernance, les autorités publiques se doivent de respecter une procédure de planification qui garantisse la participation de plusieurs acteurs et ainsi, qui consacre plusieurs niveaux de contrôle avant l’adoption du plan de passation des MP et des DSP.C’est à ce prix que l’on parviendra à minimiser les possibilités de corruptions, très présentes dans ce domaine. Ainsi, l’on parviendra à enclencher un processus plus efficient, plus efficace de gestion des contrats administratifs au Burkina Faso.

Bibliographie

1. Textes officiels

Législation Communautaire : UEMOA
-Directive 04/2005/CM/UEMOA du 09 décembre 2005 portant procédure de passation, d’exécution et de règlement des marchés publics et des délégations de services publics dans l’UEMOA
Législation Nationale
-Loi 039-2016/AN du 02 décembre 2016 portant règlementation générale de la commande publique ; www.arcop.bf
Textes règlementaires du Burkina Faso
-Décret 2017-0049/PRES/PM/MINEFID du 1er février 2017 portant procédure de passation, d’exécution et de règlement des marchés publics et des délégations de services publics ; www.minefid.gov.bf
-Décret 2003-269/PRES/PM/MFB portant réglementation générale des achats publics ; www.minefid.gov.bf
-Arrêté 2017-198/MINEFID/CAB portant fixation des seuils de contrôle a priori de l’organe de contrôle de la commande publique ; www.minefid.gov.bf

2. Articles
KAM Olé Alain, « La difficile construction d’un droit burkinabè de la commande publique », Revue Burkinabè de Droit, N° 54-1er semestre 2018, pp. 81-108

Article 102 de la constitution du 2 juin 1991:« La loi de finance détermine, pour chaque année, les ressources et les charges de l’Etat »
Directive N° 04/2005/CM/UEMOA du 9 décembre 2005 portant procédure de passation, d’exécution et de règlement des marchés publics et des délégations de service public dans l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA).
Loi N°039-2016/AN du 2 décembre 2016 portant règlementation générale de la commande publique.
Décret N° 2017-0049/PRES/PM/MINEFID du 1er février 2017 portant procédure de passation, d’exécution et de règlement des marchés publics et des délégations de service public au Burkina Faso, article 53
Décret N° 2017-0049/PRES/PM/MINEFID du 1er février 2017 portant procédure de passation, d’exécution et de règlement des marchés publics et des délégations de service public au Burkina Faso ; article 53

Directive N° 04/2005/CM/UEMOA du 9 décembre 2005 portant procédure de passation, d’exécution et de règlement des marchés publics et des délégations de service public dans l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA).
« Ubi jus, Ibi remedium » Expression latine signifiant littéralement « où il y a le droit, là il y a le remède ».
Décret N° 2017-0049/PRES/PM/MINEFID du 1er février 2017 portant procédure de passation, d’exécution et de règlement des marchés publics et des délégations de service public au Burkina Faso
Décret N° 2017-0049/PRES/PM/MINEFID du 1er février 2017 portant procédure de passation, d’exécution et de règlement des marchés publics et des délégations de service public au Burkina Faso

Plan de passation de la commande publique de l’Autorité de Régulation de la Commande Publique(ARCOP), gestion budgétaire de 2019, www.arcop.bf

Loi N°039-2016/AN du 2 décembre 2016 portant règlementation générale de la commande publique
KAM Olé Alain, La difficile construction d’un droit burkinabè de la commande publique in Revue Burkinabè de Droit, N° 54- 1er Semestre 2O18, page 90
Ibidem
Directive N° 04/2005/CM/UEMOA du 9 décembre 2005 portant procédure de passation, d’exécution et de règlement des marchés publics et des délégations de service public dans l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA).
Décret N° 2016-381/PRES/PM/MINEFID portant organisation du Ministère de l’Economie, des Finances et du Développement ; décret publié au Journal Officiel du Faso en date du 30 juin 2016
Décret N° 2017-0049/PRES/PM/MINEFID di 1er février 2017 portant procédure de passation, d’exécution et de règlement des marchés publics et des délégations de service public au Burkina Faso

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