S’inscrivant dans une dynamique de démocratisation, les Etats se sont dotés de Constitution entendue comme la norme suprême, laquelle définit généralement deux types de règles. Il s’agit d’une part, des règles relatives à l’organisation et à la répartition des pouvoirs au sein de l’Etat et celles relatives aux droits et libertés d’autre part.
La place de la loi dans la protection des droits et libertés fondamentaux
Par: TAMBOURA Mariam
TENKOUDOUGOU W Boris
ZOROME Noufou
SOMMAIRE
INTRODUCTION…………………………………………………
I.Les droits fondamentaux : une mise en œuvre réservée à la loi
II.Une habilitation constitutionnelle fortement encadrée
CONCLUSION
INTRODUCTION
« Les droits de l’homme et les libertés fondamentaux constituent l’un des fondements essentiels des sociétés démocratiques »[1]. Cela signifie que la démocratie n’existe véritablement que s’il y a non seulement la reconnaissance des droits et libertés, mais aussi la mise en œuvre de ceux-ci. C’est dire donc que la reconnaissance et le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentaux sont indissociables de la qualité de l’Etat de droit. S’inscrivant dans une dynamique de démocratisation, les Etats se sont dotés de Constitution entendue comme la norme suprême, laquelle définit généralement deux types de règles. Il s’agit d’une part, des règles relatives à l’organisation et à la répartition des pouvoirs au sein de l’Etat et celles relatives aux droits et libertés d’autre part. Les citoyens se voient donc reconnaitre dans les Etats démocratiques un certain nombre de droits et libertés, lesquels sont consacrés au plan national dans les constitutions et au plan international dans les instruments internationaux des droits de l’homme[2] .La consécration des droits et libertés dans la constitution ou dans une convention internationale donne lieu à l’appellation « droits et libertés fondamentaux ».Le caractère fondamental de tels droits et libertés résulte de leur consécration dans un instrument juridique de rang supérieur tel la constitution ou le traité. L’expression « droits et libertés fondamentaux » coexiste avec des expressions voisines telles : « droits de l’homme », « libertés publiques ». Une clarification conceptuelle s’impose donc pour éviter toute confusion. Les droits de l’homme sont des droits dont bénéficie l’individu en tant qu’être humain[3]. Ils sont intrinsèques en fait à la nature humaine. Le droit qui illustre bien ce propos est sans doute le droit à la vie[4]. En d’autres termes, ce n’est pas en vertu d’une norme sociale que l’homme jouit des droits de l’homme. Toutefois, les droits de l’homme peuvent se confondre aux droits et libertés fondamentaux s’ils sont repris dans la Constitution ou dans un instrument juridique international tel la déclaration universelle des droits de l’homme ou la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples. Dans le présent travail, il sera seulement question des droits et libertés dits fondamentaux, des droits garantis par la Constitution. Au Burkina Faso par exemple, le titre I de la Constitution du 11 juin 1991 est consacré aux droits fondamentaux. Ce titre reconnait plusieurs types de droits. Il s’agit des droits civils[5] et politiques[6], des droits sociaux[7], économiques et culturels[8]. La particularité de ces droits et libertés est qu’ils sont opposables au législateur. Les libertés publiques s’entendent comme « la faculté d’agir et une sphère d’autonomie opposables à la puissance publique»[9]. Certains droits et libertés consacrés par la Constitution acquièrent la qualification de libertés publiques du fait de l’intervention du législateur dans le sens de fixer les conditions de leurs exercices. C’est le cas de la liberté d’association, la liberté d’aller et de venir. Seuls les droits et libertés fondamentaux nous intéressent dans le présent travail. L’expression « droits fondamentaux » est apparue pour la première fois dans la constitution allemande du 28 mars 1849.Si en Allemagne cette expression est largement utilisée, il en est autrement en France où la constitution ne parle pas expressément de « droits fondamentaux » mais plutôt de « libertés publiques »[10]. Toutefois, l’article 61-1 issu de la révision constitutionnelle de 2008 parle de droits et libertés que la constitution garantit. Mais il arrive que le juge constitutionnel parle de « libertés fondamentales »[11].
La mise en œuvre de ces droits et libertés nécessite l’intervention du législateur. A ce sujet, l’article 101 de la Constitution du Burkina Faso du 11 juin 1991 autorise le législateur à fixer les règles relatives aux : « droits civiques et l’exercice des libertés publiques ». Aussi, il lui reconnait le droit de déterminer les principes fondamentaux concernant les droits et libertés fondamentaux notamment le droit du travail, le droit syndical et des institutions sociales, le droit de propriété. Tels que prévus on pourrait penser que les droits fondamentaux relèvent exclusivement du domaine de la loi, ce qui supposerait que seul le législateur est autorisé à intervenir pour favoriser l’exercice ou pour en encadrer l’exercice. Pourtant, le gouvernement, bien que les droits et libertés sont en principe exclus de son champ d’action, n’est pas moins intéressé. Cet état de fait invite à poser le problème de la place de la loi en matière de droits et libertés constitutionnellement garantis, plus précisément dans la protection des droits et libertés fondamentaux. Par « place » il faut entendre au sens du dictionnaire le Robert[12] situation, espace. Il nous semble que ce dernier sens convient dans le présent travail. Les droits et libertés fondamentaux s’analysent à la fois comme des prérogatives et des pouvoirs d’autodétermination consacrés ou garantis par des textes de rang supérieur[13].Mais que devons-nous entendre par « protection » ? Le Larousse en ligne[14]la définit comme étant l’action de protéger, de défendre quelqu’un contre un danger, un mal, un risque. Protéger, selon le Larousse de 2009, c’est mettre à l’abri de dangers, d’incidents, garantir, préserver, défendre. Les mots préserver, garantir, garder, prémunir contre, veiller sur, soutenir, assister sont considérés comme étant ses synonymes. Au regard de ces précisions conceptuelles, se posent les questions suivantes : quelle est la place réelle de la loi dans la protection des droits et libertés fondamentaux ?Quelle est l’importance de la loi dans la sauvegarde des droits et libertés fondamentaux ? Le parlement peut-il légiférer dans ce domaine comme il le souhaite ?
Au Burkina Faso, la maladie à virus Corona a donné lieu à de vives critiques quant aux diverses interventions du gouvernement dans le domaine des droits et libertés fondamentaux. Des voix se sont levées pour dénoncer des atteintes aux droits et libertés des citoyens par le gouvernement ou l’inconstitutionnalité de certains actes pris dans le domaine du législateur.Il va sans dire que se pencher sur la place de la loi dans la protection des droits et libertés fondamentaux ne peut qu’avoir un intérêt qui soit évident. Il en est ainsi puisque la réflexion projetée laisse entrevoir une meilleure appréhension du régime juridique des droits fondamentaux au Burkina Faso et en France.
Tout bien considéré, il résulte de la Constitution et de la pratique du juge constitutionnel français que le législateur est l’autorité habilitée à intervenir lorsqu’il s’agit des droits et libertés fondamentaux, aussi bien pour favoriser la jouissance que pour en limiter l’exercice(I). Toutefois, cela n’exclut véritablement pas l’intervention du gouvernement. Aussi, son intervention dans ce domaine est fortement encadrée par l’office du juge constitutionnel (II).
I.Les droits fondamentaux : une mise en œuvre réservée à la loi
La garantie constitutionnelle des droits et libertés fondamentaux traduit à notre sens la volonté du constituant d’élever le niveau de protection de ces droits. En disposant que les droits et libertés fondamentaux relèvent du domaine de la loi, le constituant a entendu exclure en principe l’intervention du gouvernement dans ce domaine(A). Cela implique que le législateur a un rôle très important à jouer dans la protection des droits et libertés constitutionnellement garantis(B).
A.L’exclusion de principe de l’exercice d’un pouvoir réglementaire autonome
Traditionnellement, la Constitution a pour objet la répartition des pouvoirs entre les organes républicains. La Constitution du Burkina Faso comme beaucoup de constitutions d’ailleurs détermine les attributions du pouvoir législatif, les attributions du pouvoir réglementaire et enfin celles du pouvoir judiciaire. Elle consacre aujourd’hui un certain nombre de droits et libertés dits fondamentaux. Au vu de leur importance, le constituant n’a pas fait que les prévoir, il les a assortis d’une protection renforcée résultant du fait qu’elles ne peuvent faire l’objet de réglementation que par une loi. Cela résulte du fait qu’il est prévu dans la loi fondamentale que les droits et libertés garantis par la constitution relèvent du domaine de la loi[15]. A ce sujet, on peut lire à l’article 101 de la Constitution du Burkina Faso que la loi fixe les règles concernant « les droits civiques et l’exercice des libertés publiques,la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables, la procédure pénale, l’amnistie ». Aussi, il est précisé qu’elle détermine les principes fondamentaux en ce qui concerne certains droits et libertés, notamment la liberté de presse et de l’accès à l’information, le régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et commerciales, du droit du travail, du droit syndical et des institutions sociales. Il en est ainsi en France dans la mesure où l’article 34 de la constitution française de 1958 dispose aussi que : « La loi fixe les règles concernant les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques ; la liberté, le pluralisme et l’indépendance des médias ; les sujétions imposées par la défense nationale aux citoyens en leur personne et en leurs biens ; la nationalité, l’état et la capacité des personnes, les régimes matrimoniaux, les successions et libéralités ; la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables ; la procédure pénale ; l’amnistie ; la création de nouveaux ordres de juridiction et le statut des magistrats ; l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures ; le régime d’émission de la monnaie ».Tout comme au Burkina Faso, il revient à la loi de déterminer les principes fondamentaux relatifs au régime de la propriété, aux droits réels et des obligations civiles et commerciales, au droit du travail, au droit syndical et à la sécurité sociale. Cela implique qu’il appartient au législateur et à lui seul d’intervenir dans ce domaine. En effet, la réservation des droits et libertés au législateur implique que celui-ci détermine « les règles applicables en matières de droits et libertés sans laisser cette tâche au pouvoir réglementaire »[16]. La compétence du gouvernement est donc exclue. En fait, il résulte de l’article 101 de la Constitution burkinabè, de l’article 34 de la constitution française, et de l’article 98 de la constitution béninoise une compétence irréductible du législateur pour la réglementation des droits et libertés fondamentaux. Ainsi, seule une loi peut réglementer les droits et libérés sus-évoqués, soit en déterminant les règles, soit en déterminant seulement les principes fondamentaux. Dans ce dernier cas, la compétence du gouvernement n’est pas totalement exclue dans la mesure où l’effectivité de la loi ayant fixé les principes fondamentaux nécessite que le gouvernement intervienne pour fixer les modalités de mises en œuvre pratiques de ces principes. A défaut d’une intervention du gouvernement, la jouissance des droits y afférant serait compromise. Le gouvernement pour ne pas voir son silence attaqué devant le Conseil d’Etat (CE) parce qu’il n’aurait pas pris les mesures nécessaires pour favoriser la jouissance des droits consacrés doit prendre des décrets d’application précisant les modalités d’exercice et de jouissance de ces droits. En tout état de cause, la réservation de la matière des droits et libertés au législateur implique qu’il détermine lui-même l’essentiel des règles applicables.
En outre, le gouvernement peut exceptionnellement toucher aux droits et libertés fondamentaux lorsque cela s’avère nécessaire. En période normale, le gouvernement peut prendre des mesures pour réglementer l’exercice de certaines libertés lorsque cela lui parait nécessaire. Il lui faut en pareil cas être habilité par le parlement à intervenir dans un domaine qui est la sienne[17]. Aussi, il peut prendre des mesures relatives aux droits et libertés en période de circonstances exceptionnelles pour rétablir ou maintenir l’ordre par exemple.
L’exclusion du pouvoir réglementaire de la matière des droits et libertés implique que le législateur a un rôle très important à jouer. Cela implique naturellement que la mise en œuvre et la protection des droits et libertés vis-vis du pouvoir exécutif incombent à la loi.
B. Les modalités de protection des droits et libertés par le législateur
L’exclusion de la compétence du pouvoir réglementaire en matière de droits et libertés fondamentaux implique sans doute que le législateur a un rôle important à jouer dans la protection des droits et libertés et ce, d’autant plus que la garantie constitutionnelle de ces droits induit une réglementation spéciale plus protectrice. Le législateur doit, de par son intervention, favoriser la jouissance ou l’exercice de ces libertés. Cela implique une obligation de voter des lois non contraires aux droits et libertés d’une part, et d’autre part une obligation « d’intervenir pour éviter un empiétement d’autres sources normatives qui pourraient être contraires aux droits protégés ». La protection des droits et libertés par l’intervention du législateur ne signifie pas que ces droits sont absolus. En effet, encore pour éviter que les autres pouvoirs empiètent sur le domaine réservé de la loi, il est loisible pour le législateur de fixer quasiment dans les détails, les bornes des droits et libertés constitutionnellement protégés. La compétence exclusive ou quasi exclusive du législateur implique que celui-ci ne se dessaisisse pas de sa compétence. Il revient au Conseil constitutionnel de veiller à ce que le législateur fasse son travail. A ce sujet, le juge constitutionnel français avait déclaré dans sa décision n°75-56 DC du 23 juillet 1975 que « l’article 34 de la Constitution qui réserve à la loi le soin de fixer les règles concernant la procédure pénale, s’oppose à ce que le législateur, s’agissant d’une matière aussi fondamentale que celle des droits et libertés des citoyens, confie à une autre autorité l’exercice de ses attributions ».C’est dire donc qu’un tel dessaisissement est contraire à l’esprit et à la lettre de l’article 34.La protection des droits et libertés en plus d’exiger une intervention du législateur exige aussi qu’il s’exprime de façon suffisamment « précise pour ne pas être suspecté de compétence négative »[18].
Il appartient à la loi de protéger les droits fondamentaux, mais il lui appartient aussi de fixer leurs bornes. On comprend à travers ce propos que les droits et libertés ne sont pas absolus du fait qu’ils connaissent des atténuations. Le législateur peut tout à fait fixer des bornes aux droits et libertés. Dans certains cas, il doit même le faire parce qu’une portée absolue d’un droit ou d’une liberté empêcherait la jouissance d’un autre droit ou d’une autre liberté.
Mais si l’intervention du législateur en matière des droits et libertés dans le sens de leurs restrictions est admise ou s’impose, il n’en demeure pas moins que cela ne saurait se faire selon le bon vouloir du parlement. En effet, l’intervention du législateur en la matière est fortement encadrée.
II. Une habilitation constitutionnelle fortement encadrée
Comme il a été dit précédemment, les droits et libertés fondamentaux sont du domaine de la loi. C’est un domaine réservé au législateur de sorte que seul lui peut y toucher. Cela implique d’une part, une obligation pour le législateur de légiférer pour favoriser la jouissance effective de ces droits et libertés et d’autre part de ne pas porter atteinte ou dénaturer ces libertés de par son intervention.
La compétence de la loi s’exerce sous réserve du respect de certains principes et objectifs à valeur constitutionnelle (OVC) (A) et de l’obligation de ne pas dénaturer les droits et libertés constitutionnellement garantis(B).
A. L’obligation de respecter les principes et objectifs à valeur constitutionnelle
La reconnaissance d’une compétence législative en matière de droits et libertés ne signifie pas que le législateur a un pouvoir discrétionnaire en la matière. En effet, même si le législateur peut tout à fait restreindre l’exercice d’une liberté ou la jouissance d’un droit, il n’en reste pas moins qu’il doit respecter ce qu’on appelle en France les principes constitutionnels d’une part et les objectifs à valeur constitutionnelle d’autre part. On entend par « principes à valeur constitutionnelle » des principes qui « bien que n’étant pas explicitement énoncés dans les textes de valeur constitutionnelle sont reconnus par le juge constitutionnel comme s’imposant au législateur avec la même force qu’eux »[19] .En réalité, ce sont des normes qui permettent « au juge constitutionnel de censurer, le cas échéant les lois et les autres textes qui y contreviennent »[20]. Les objectifs à valeur constitutionnelle[21] sont des objectifs ou des finalités qui se dégagent des dispositions de la Constitution ou du préambule de la constitution de 1946.C’est dire avec le Conseil constitutionnel(CC) français que le parlement doit donner une certaine œuvre législative afin de satisfaire l’objectif constitutionnel concerné[22]. La restriction d’une liberté peut se faire dans le but de réaliser un intérêt général ou dans le cadre de la conciliation de deux libertés[23]. En cela, ils s’analysent comme « des moyens de limitations des droits constitutionnellement garantis »[24]. L’expression « Objectif à valeur constitutionnelle »est apparue en France en 1982 à l’occasion de la décision du Conseil constitutionnel N°82-141 du 27 juillet 1982 se rapportant à la communication audiovisuelle. Ils permettent à certaines limitations aux droits et libertés garantis d’échapper à la censure du juge constitutionnel. A ce titre, on retient qu’en 2007, le CC s’est gardé de censurer des limitations au droit à une vie familiale normale, au droit au respect de la vie privée. C’est le cas lorsque la restriction vise à préserver l’ordre public ou la sécurité publique, la tranquillité publique, la protection de l’environnement, la santé, l’obtention d’un logement décent[25] le pluralisme des courants d’idées et d’opinions que le Conseil considère comme des objectifs à valeur constitutionnelle. A ce propos, le Conseil constitutionnel a en 2020 dans sa décision du 31 janvier accepté une entorse à la liberté d’entreprendre au motif que cela visait la protection de l’environnement « patrimoines commun des êtres humains » considéré par lui comme un OVC.C’est dire qu’une liberté ou un droit peut se voir restreint dès lors qu’un objectif à valeur constitutionnelle serait avancé comme cause de la restriction.
Les objectifs et principes à valeur constitutionnelle peuvent justifier donc des restrictions aux droits garantis. C’est généralement le cas lorsqu’une conciliation s’avère nécessaire entre l’exercice du droit de grève et la continuité du service public. Ainsi, le législateur pourrait réglementer l’exercice du droit de grève de sorte à trouver un équilibre entre ce droit et le principe constitutionnel de la continuité du service public. Il en est de même de la jouissance de la liberté de presse ou le droit à l’information et le droit au respect à la vie privée. Dans les deux cas, l’intervention du législateur viserait à éviter que l’exercer d’une liberté ne porte pas atteinte ou ne limite pas l’exercice ou la portée d’une autre liberté ou d’un autre droit aussi important.
Il en résulte que non seulement le législateur doit s’assurer que son intervention ne porte pas atteinte à un principe fondamental ou un objectif à valeur constitutionnelle, mais aussi qu’il se doit dans certaines situations intervenir de sorte à favoriser la satisfaction d’un objectif à valeur constitutionnelle. Cela se fait sous le contrôle du juge constitutionnel.
L’absence d’un pouvoir discrétionnaire en matière de droits et libertés fondamentaux implique aussi que si le législateur peut restreindre un droit ou une liberté, il y a des bornes qu’il ne peut et ne doit pas franchir. On parle tout simplement d’une obligation de non dénaturation des droits constitutionnellement garantis.
B. L’obligation de ne pas dénaturer les droits fondamentaux
Bien que les droits et libertés fondamentaux ne soient pas absolus et donc qu’ils peuvent faire l’objet de restrictions de la part du législateur, cela ne signifie pas que le législateur a un pouvoir sans limite. On parle donc de « limites aux limites », c’est-à-dire que le pouvoir de restreindre la portée des droits et libertés du législateur a des bornes. En effet, s’il est admis que législateur peut bien apporter des restrictions aux droits et libertés, il lui est en revanche interdit d’y restreindre jusqu’à un certain niveau. Concrètement, il est interdit au législateur, de par son intervention, de dénaturer ceux-ci. Il lui est seulement permis de limiter la portée en vue de la réalisation d’un intérêt général, ou la réalisation d’un droit ou liberté aussi fondamentale. Cette obligation en fait signifie la conservation du contenu essentiel du droit ou de la liberté, objet de la restriction. En d’autres termes, le législateur, s’il doit restreindre un droit ou une liberté, doit s’assurer que cela ne vide pas un droit ou une liberté de l’essentiel de son contenu. En Allemagne, l’article 19 alinéa 2 de la loi fondamentale dispose clairement qu’: « en aucun cas le contenu essentiel d’un droit fondamental ne pourra être affecté ».
Reste à savoir ce qu’il faut entendre clairement par dénaturation d’un droit ou d’une liberté. Il existe deux conceptions selon lesquelles il faut comprendre cette obligation. Il y a d’une part la conception fondée sur la nature juridique du droit protégé et d’autre part, celle fondée sur l’intérêt juridiquement protégé. Selon la première, il y a dénaturation d’un droit ou d’une liberté lorsque les caractéristiques préexistantes à la régulation législative sont affectées. Il s’agit de la configuration, l’amplitude et le champ d’application. Selon la seconde, le droit est dénaturé si l’intérêt juridiquement protégé est gravement affecté par la restriction. En fait, on parle dans ce dernier cas de dénaturation lorsque les restrictions apportées rendent vide le contenu du droit ou qu’elles empêchent son exercice effectif ou tout simplement rend l’exercice très difficile. On parlera donc en pareille situation de restrictions anticonstitutionnelles. Il appartient au juge constitutionnel dans le cadre du contrôle d’un droit de s’assurer que la restriction n’a pas trop diminué le droit.
CONCLUSION
Les droits et libertés fondamentaux jouissent d’une protection renforcée du fait de leur consécration dans la Constitution, mais aussi du fait qu’ils relèvent du domaine réservé de la loi. Ainsi, le gouvernement ne peut que par des décrets d’applications, réglementer l’exercice de ces droits et libertés. Toutefois, du fait que le législateur, à l’égard de certains droits et libertés, ne détermine que les principes fondamentaux, le gouvernement pourrait lorsque cela s’avère nécessaire déterminer dans les détails le cadre d’exercice de ces droits.Bien que les droits et libertés relèvent du domaine de la loi, la réalité est que sa compétence dans ce domaine est fortement encadrée par l’office du législateur et concurrencée dans certains cas par l’exercice d’un pouvoir réglementaire autonome.
[1]OBERDORFF Henri, Droits de l’homme et libertés fondamentales, LGDJ, Paris, janvier 2008, page 1. Les auteurs de la déclaration française ont vite compris l’importance de la garantie des droits et libertés. C’est ce qui sans doute explique qu’ils aient affirmé à l’article 16 de la déclaration que « toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée n’a point de constitution ».
[2]Il s’agit au plan universel de la déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre1948, les deux pactes internationaux relatifs aux droits civils et politiques et aux droits sociaux, économiques et culturels de1966.Au plan régional, on compte la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples de 1981.
[3]BARBE Vanessa, l’essentiel du droit des libertés publiques fondamentales, les Carrée droit, 7e, 2017, page 15.
[4]Cela parce que la jouissance ou l’exercice des autres droits et libertés peu importe leur importance présuppose l’existence de l’individu et donc de la vie.
[5] Chapitre 1
[6] Chapitre 2.
[7] Chapitre 3.
[8] Chapitre 4.
[9]Elles sont caractérisées par le rôle important de la loi. Elles induisent une intervention de l’Etat dans le sens de fixer les conditions dans lesquelles elles doivent s’exercer.
[10] Article 34 de la Constitution française de 1958.
[11] Voir DC du 22 janvier 1990, page 15,décision n°93-325 DC du 13 août 1993 sur l’immigration.
[12] Le Robert nouvelle édition, 2015, page 339.
[13] Tel la Constitution, les conventions internationales.
[14]www.larousse.fr/dictionnaire/francais/protection/64513 (consulté le 8 novembre 2019).
[15]Selon le Professeur BABAKANE on retrouve dans de nombreuses constitutions une définition d’un domaine législatif au profit des droits et libertés.
[16] Professeur BABAKANE.
[17] Par voie d’ordonnance.
[18] Page 43.
[19] Errol TONI, les principes non écrit dans la jurisprudence de la cour constitutionnelle du Benin, DRAGO G, contentieux constitutionnel français, op cit, page 108.
[20]Ibid page 5.Les principes à valeur constitutionnelle doivent être distingués des principes généraux de droit administratif dégagés par le juge administratif.
[21] Le juge constitutionnel béninois parle d’impératifs constitutionnels voir décision 11-065 du 30 septembre 2011.
[22] Voir sur ce point les décisions suivantes du Conseil constitutionnel français : Décision du 10 et 11 Octobre 1984, Entreprise de presse ; Décision du 17 janvier 1989, CSA.
[23] Justement les objectifs à valeur constitutionnelle visent la conciliation de normes contradictoires. En cela ils s’analysent comme des moyens de limitations des droits constitutionnellement garantis.
[24] Chronique de jurisprudence constitutionnelle française janvier 2007-mars 2008.
[25] Voir la décision du conseil constitutionnel du 19 janvier 1995.