La commission de certains actes contraires au droit positif est passible de poursuite et de sanction devant la juridiction nationale. En général, la compétence des juridictions étatiques se fonde sur le territoire de l’Etat. Il existe des actes qui sont commis sur des espaces ne relavant de la juridiction d’aucun Etat : c’est le cas des actes commis en haute mer et dans les airs au-dessus de la mer. C’est le cas précisément de la piraterie. Il se pose donc la question de savoir comment est ce que de tels actes peuvent faire l’objet de poursuite .
La piraterie, une infraction
Aussi vieille que la navigation, la piraterie est l’une des infractions pénales internationales les plus anciennes. En droit international, est appelé piraterie le crime de vol, tout acte illicite de violence ou de détention ou toute déprédation commis par l’équipage ou par des passagers d’un navire, ou d’un avion en dehors de la juridiction normale d’une nation et sans l’ordre d’un gouvernement quelconque. Ils agissent à des fins privées. Il s’applique qu’en haute mer ou dans un lieu ne relevant pas de la juridiction d’un pays (dans les airs au-dessus des mers).
La haute mer est définie par la convention de Montego Bay comme étant «les parties de la mer qui ne sont comprises ni dans la zone économique exclusive la mer territoriale ou les eaux intérieures d’un État), ni dans les eaux d’un État archipel»
L’article 101 de la Convention de Montego Bay fixe donc quatre conditions cumulatives pour caractériser l’acte de piraterie:
-l’acte doit être commis en haute mer ou dans un espace maritime ne relevant de la juridiction d’aucun État;
-Le bâtiment «pirate» doit être un navire ou un aéronef privé;
-L’acte doit être un acte illicite de violence ou de détention ou de déprédation dirigé contre un navire, des personnes ou des biens;
-L’attaque doit être effectuée à des fins privées.
Le même article 101 étend l’acte de piraterie à la participation volontaire à l’acte de violence et à l’incitation à le commettre ou le faciliter. La piraterie se distingue donc clairement des actes de terrorisme, qui visent un but politique.
Par ailleurs, les actes commis dans les eaux territoriales d’un État ne peuvent être qualifiés de pirateries, dans la mesure où ils se produisent dans une zone placée sous la souveraineté d’un État, seul compétent pour les réprimer. Ils sont qualifiés de «brigandages».
L’article 103 de la Convention de Montego Bay donne une définition du navire ou de l’aéronef pirate :« Sont considérés comme navires ou aéronefs pirates les navires ou aéronefs dont les personnes qui les contrôlent effectivement entendent se servir pour commettre l’un des actes visés à l’article101. Il en est de même des navires ou aéronefs qui ont servi à commettre de tels actes tant qu’ils demeurent sous le contrôle des personnes qui s’en sont rendues coupables ».
À côté de ces définitions, la Convention de Montego Bay pose les principes qui doivent orienter l’action des Etats.
Ainsi, l’article 100 de la convention stipule que «Tous les Etats coopèrent dans la mesure du possible à la répression de la piraterie en haute mer ou en tout autre lieu ne relevant de la juridiction d’aucun Etat».
Distinction entre piraterie et piratage
Il ne faut pas confondre les substantifs piraterie et piratage.
La piraterie est l’infraction (délit ou crime) selon le droit applicable et la gravité de l’infraction.
Le piratage est l’acte constitutif de la commission de l’infraction de piraterie. Les personnes qui se livrent à des actes de piraterie sont appelées pirates. Toutefois, le pirate de l’air est un individu qui détourne un avion afin de commettre un acte de piraterie aérienne motivé généralement à des fins politiques ou de trouver asile dans le pays de son choix.
La piraterie aérienne est considérée comme l’une des infractions pénales les plus graves.
Le piratage maritime est le fait pour le capitaine ou l’équipage d’un navire de commettre des activités maritimes illégales (crimes) au regard des lois internationales. Elles sont fondées sur la violence et la contrainte, comprennent l’enlèvement de personnes avec demande de rançon, le vol, le meurtre et le sabotage.
Pirate et Corsaire
Il importe de noter qu’il existe une ambiguïté entre pirate et corsaire à ne pas confondre bien que les deux soient une forme de banditisme néfaste aux échanges commerciaux internationaux et à la liberté de navigation en haute mer.
À la différence des corsaires, les pirates agissent pour leur propre compte.
Les corsaires, par contre, sont des civils qui font la guerre sur mer avec l’autorisation de leur gouvernement, selon les lois de la guerre.
Cependant, les corsaires sont qualifiés de pirates par les États ennemis et peuvent également faire objet de cette dénomination du point de vue de certains États tiers (En 1603, le navire portugais Santa Catarina fut prise par un corsaire hollandais, accusé de piraterie par les Portugais).
C’est fort de ce constat que Anne Pérotin-Dumon a écrit :<< Savoir si quelqu’un doit être qualifié ou non de pirate est une question dont la réponse appartient à celui qui a le pouvoir >>.
Le droit applicable en mer
L’expression droit de la mer ou «law of the sea» est utilisée depuis la conférence de Genève de 1958. Toutefois, ce droit ne s’est pas fait attendre, en effet, cette appellation soulève la question du droit de la terre et l’inévitable démarcation entre les deux.
« Grotius faisait valoir que la mer était la principale voie de communication et de coopération entre les États et que cette voie devait par conséquent être libre et ne pas être contrôlée par un État». Mais cette liberté est menacée, puisque la tendance naturelle des hommes est de chercher à s’approprier ce dont ils peuvent tirer parti, et que cette tendance se retrouve chez les États, c’est la crainte exprimée par Grotius.
Le droit de la mer est aujourd’hui contenu dans la convention sur le droit de la mer, signé à Montego Bay le 10 Décembre 1982 (CMB) et ratifié ce jour par 164 États, à l’exception notable des États-Unis.
La question du droit applicable à la piraterie entre droit international et droits internes se pose.
Premièrement, soulignons que le droit international est nécessaire dans l’appréhension de la piraterie . Au regard du droit international, L’article 105 de la Convention de Montego bay dispose ainsi que «Tout Etat peut, en haute mer ou en tout autre lieu ne relevant de la juridiction d’aucun Etat, saisir un navire pirate ou capturé par des pirates, et appréhender les personnes et saisir les biens se trouvant à bord». Ceci est une norme d’habilitation, qui permet de déroger au principe de l’exclusivité de compétence de l’Etat du pavillon à l’égard des navires pirates, lesquels ne perdent pas leur nationalité du seul fait qu’ils sont pirates. Le droit international doit aussi définir les actes de piraterie à-propos desquels porte cette habilitation.
En 1956, Fitz maurice disait:« il est nécessaire de définir la piraterie avec précision, parce que ce crime donne aux navires de guerre de tous les Etats le droit de visite et de saisie»
Deuxièmement, pour connaître le droit applicable à la piraterie, il faut se tourner vers les droits internes dans le but de trouver éventuellement des mesures de répression de la piraterie. Toutefois, les droits internes ne sont pas tous enclins à les prévoir. Ils sont assez prompts à permettre la répression des actes commis dans leurs eaux territoriales ou, en haute mer, à l’égard des navires battant leur pavillon, ou encore à l’endroit de leurs ressortissants. Mais ils établissent plus rarement une incrimination, et des peines, pour les crimes de piraterie.
On notera par exemple que le code pénal somalien ne prévoit pas l’infraction de piraterie quand d’autre États à l’image des États-Unis érige la piraterie en crime.
Nous retenons ainsi que certains actes commis en haute mer peuvent être considérés comme des actes de piraterie par les Etats, qui peuvent alors, sans violer le droit international, se saisir de leurs auteurs et de leurs navires, quelle que soit leur nationalité et celle de leurs victimes.
De plus, se fondant sur la base légale de l’article 105 de la Convention de Montego Bay, les tribunaux de l’Etat qui ont opéré la saisie peu en temoigner, là encore sans violer le droit international, se prononcer sur les peines à infliger aux auteurs de ces actes, quels que soient leurs nationalités et celles de leurs victimes.
La piraterie est reconnue comme un crime contre le droit des nations. Elle constitue un crime non point à l’égard d’un État en particulier, mais envers l’humanité dans son ensemble. C’est ce qui a incité Blackstone à penser que la piraterie en haute mer est un délit contre la loi des sociétés: Un pirate est l’ennemi commun du genre humain (hosti humani generis).
Seuls sont compétents les tribunaux de l’État qui se sont saisis de l’affaire. Ce crime peut être puni par le tribunal compétent du pays où se trouve le coupable, bien qu’il ait pu être commis à bord d’un navire étranger et en haute mer.
Par SAWADOGO Victorien