En dépit du principe fondamental de la présomption d’innocence, il demeure possible de recourir à un emprisonnement temporaires d’une personne soupçonnée d’infraction. C’est ce qu’on appelle la détention préventive ou détention provisoire. Comme il ressort du Code de procédure pénale burkinabè, il s’agit là d’une mesure exceptionnelle. En outre, la garde à vue, qui elle, consiste à maintenir la personne soupçonnée d’une infraction dans les locaux de la police ou gendarmerie pour les besoins de l’enquête, est également une sorte de privation temporaire de liberté. Mais elle est à distinguer de la détention préventive. Le présent article portera sur la détention préventive en tant que mesure ordonnée par le juge d’instruction dans le cadre d’une procédure pénale. Nous espérons revenir dans nos prochaines publications sur la garde à vue.
A propos de la détention préventive, le constat aujourd’hui dans la société burkinabé, est la tendance à sa banalisation dans la procédure pénale. Or, elle est par définition exceptionnelle.
En effet, d’une part, on a l’impression que les juges font montre d’une certaine automaticité dans l’usage de cette mesure exceptionnelle. D’autre part, raisons d’ignorance certainement, la population semble confondre la détention préventive à la peine définitive elle-même. Cela fait qu’elle n’hésite pas à contester, lorsque l’affaire est surtout emblématique, le fait que des personnes pourtant mises en examen demeurent toujours libres de leur mouvement ou soient misent en liberté. La récente libération provisoire de l’ex ministre de la défense Jean Claude BOUDA est un témoignage concret du tollé que l’incompréhension peut causer.
Il est donc important d’éclaircir l’opinion publique sur la durée légale de détention à un double titre. Primo, pour la sérénité et la justice de notre procédure pénale afin d’attirer l’attention sur d’éventuels abus. Et secondo pour contenir des risques de contestations sociales relativement à certaines affaires sensibles d’un point de vue de l’opinion publique.
La durée légale de la détention en matière correctionnelle n’est pas la même qu’en matière criminelle chose certaine. Une chose est à retenir d’emblée, c’est que la durée s’en va grandissante en fonction de la gravité de l’infraction mais aussi des faits et besoins d’investigations.
Suivant l’article 261-80 du nouveau code de procédure pénale, lorsque la peine encourue pour un délit ne dépasse pas un an, la durée de détention est de 03 mois sauf si le prévenu, c’est-à-dire la personne devant être jugée a déjà été condamnée pour crime soit a déjà écopée d’une peine d’emprisonnement de plus de trois 03 mois pour délit commun.
Ensuite s’agissant de tous les autres cas de délit, le principe est que la détention est de 06 mois. Mais la loi aménage à l’article 261-81 alinéa 2 le pouvoir du juge d’instruction, de décider de prolongations dument motivées et ne pouvant excéder 06 mois. En d’autres termes, après l’expiration des 06 mois de principe, lorsque cela s’avèrera nécessaire, le juge pourra prolonger la détention. En tout état de cause le cumul des prolongations est limité à 1 an.
Cependant, il est prévu à l’article 261-82 du code de procédure pénale un sort spécial à certaines infractions certainement spéciales aussi.
Il s’agit de la traite des personnes et pratiques assimilées, le grand banditisme, la vente d’enfants, la prostitution d’enfants, la pornographie d’enfants, les tortures et pratiques assimilées, l’infraction à la législation sur les stupéfiants en bande organisée et enfin le blanchiment de capitaux. En effet, pour ces catégories d’infractions, en dehors du cumul de prolongation limité à 01 an, il est encore possible au juge de décider une prolongation de 06 mois. Par ailleurs si cette prolongation n’a pas elle aussi suffi, le juge d’instruction dispose d’un autre mécanisme à savoir saisir la chambre d’instruction qui pourra ordonner une prolongation nouvelle toutefois limitée à 06 mois.
En définitive, la gravité des actes de terrorisme et de financement du terrorisme a induit à admettre au juge d’instruction, la possibilité de requérir la détention préventive jusqu’au jugement .
S’agissant des crimes, la durée de détention provisoire ne peut excéder 01 an. Et si la prolongation est nécessaire, le juge d’instruction peut y procéder sous réserve d’une ordonnance spécialement motivée et pour une durée ne pouvant dépasser 01 an pour chaque prolongation. En outre la totalité de la prolongation ne peut dépasser deux ans.
Mais ici encore si le crime est de la catégorie des infractions spéciales précitées en amont au niveau de la durée de détention correctionnelle, le juge a d’autres pouvoir à faire valoir. En effet, il peut procéder à une prolongation supplémentaire sans toutefois excéder un an pour des infractions telles la traite des personnes et pratiques assimilées, grand banditisme, vente d’enfants, prostitution d’enfants et pornographie enfantine, tortures et pratiques assimilées, infraction à la législation sur les stupéfiants en bande organisée, blanchiments de capitaux.
Encore, à propos de ces infractions précises ci-dessus, si le juge d’instruction estime que la détention doit être prolongée au-delà de cette prolongation supplémentaire, il peut par ordonnance motivée rendue un mois avant l’expiration du délai, saisir la chambre d’instruction qui pourra elle aussi ordonner une prolongation au plus pour une durée d’un (01) an.
Enfin, pour les crimes de terrorisme et de financement du terrorisme le juge d’instruction pourra procéder à des prolongations pendant toute la durée de l’instruction jusqu’à l’audience de jugement.
Ainsi décrite, la durée de la détention légale au Burkina est donc rigoureusement encadrée. Et on peut estimer par analyse comparée, qu’elle est dans la fourchette des standards internationaux des droits de l’homme. Autrement dit, les reproches sont à trouver dans son application et la méconnaissance juridique des textes.
Par Abdoul Aziz DISSA
La rédaction
Revue Juridique du Faso