Selon le législateur Burkinabé « La famille, fondée sur le mariage, est la cellule de base de la société »1. Le mariage civil ne peut être contracté au Burkina Faso qu’entre un homme et une femme2. Il peut être dissout de deux manières : par la mort de l’un des époux ou par le divorce légalement prononcé3. Dans le cadre de ce travail seul la dernière voie de dissolution du mariage nous intéresse, à savoir le divorce. Il n’est pas défini par le Code des personnes et de la famille Burkinabé.
Dissertation:Le divorce en droit burkinabé et comparé
Auteur:NADINGA Arnaud
Selon le législateur Burkinabé « La famille, fondée sur le mariage, est la cellule de base de la société »1. Le mariage civil ne peut être contracté au Burkina Faso qu’entre un homme et une femme2. Il peut être dissout de deux manières : par la mort de l’un des époux ou par le divorce légalement prononcé3. Dans le cadre de ce travail seul la dernière voie de dissolution du mariage nous intéresse, à savoir le divorce. Il n’est pas défini par le Code des personnes et de la famille Burkinabé. On peut toutefois entendre par divorce la rupture du lien conjugal provoquant la dissolution du mariage légalement constitué, du vivant des deux époux, dans les cas et conditions prévues par le législateur. Au Burkina Faso, tout comme dans les autres pays de l’Afrique de l’Ouest francophone, le divorce est judiciaire. Seul le juge peut prononcer un divorce. Il s’agit là d’une certaine volonté de l’Etat d’avoir un droit de regard sur la famille ; étant donné qu’elle constitue la cellule de base de la société. Le droit positif burkinabé du divorce résulte du Code des personnes et de la famille de 1989 dans ses articles 354 à 407. Deux formes sont consacrées : le divorce contentieux et le divorce par consentement mutuel. Si le divorce est judicaire au Burkina Faso et dans les pays voisins, il convient de noter que dans certaines contrées, il est désormais possible de divorcer sans intervention judiciaire. C’est la manifestation d’une certaine remise en cause du droit de regard de la société dans la vie du couple. D’où l’intérêt d’étudier le : « divorce en droit burkinabé et comparé ». Il s’agit pour nous de savoir comment est prévue ; conçu et organisé le divorce en droit positif burkinabé et dans les autres Etats. En d’autres termes, quels sont les principes et valeurs qui président à la règlementation du divorce au Burkina Faso et dans d’autres États ? Qu’est-ce qui fait la particularité du divorce en droit positif burkinabè ? Il est important de consacrer une réflexion à ce sujet dans la mesure où le droit n’est pas toujours le même dans les diverses contrées. Du point de vue pratique, la réflexion pourrait être utile à tout justiciable d’une juridiction ayant un système juridique distinct du notre en matière de famille. Aussi le droit de la famille évolue rapidement. Deux principes essentiels sont en conflit en droit de la famille. Il s’agit du principe de la liberté ou du consensualisme et celui de l’autorité dans la mesure ou, nous l’avons déjà dit, la famille est la cellule de base de la société. Du point de vue de certaines conceptions sociales et culturelles, le bien-être de la famille n’intéresse pas que les époux. En rapport à ses deux principes, le législateur a organisé deux formes de divorce. La première est strictement encadrée (I) en respect au principe de l’autorité et la place de la famille dans la société. La seconde exprime une libéralisation progressive du divorce (II) qui est très en vogue dans les pays européens.
I. Un divorce strictement encadré : le divorce contentieux
En raison de la place qu’occupe la famille fondée sur le mariage dans la société burkinabè, le législateur n’a pas voulu que sa dissolution soit laissée à la libre discrétion des époux. Il est donc intervenu, après lui avoir reconnu cette place de choix, pour encadrer sa dissolution. Tout d’abord, on ne peut recourir au divorce contentieux qu’à certaines conditions fixées préalablement par la loi, qui, prévoit en même temps ses effets
(A). Ensuite, le divorce ne peut être prononcé que par le juge, qui, en l’espèce dispose de nombre de pouvoirs (B).
A- Une organisation entièrement législative
Tout d’abord, le législateur a prévu les conditions dans lesquelles un époux peut demander le divorce. En effet, suivant l’article 367 du Code des personnes et de la famille : « le divorce peut être demandé par un époux : 1° lorsque la vie commune est devenue intolérable par suite d’adultère, d’excès, de sévices ou injures grave ; 2° lorsque la vie familiale et la sécurité des enfants sont gravement compromises par l’inconduite notoire ou l’abandon moral ou matériel du foyer ; 3° en cas d’absence déclarée conformément à l’article 14 du présent Code4, 4° en cas de séparation de fait continue depuis trois ans au moins ; 5° en cas d’impuissance ou de stérilité médicalement constaté ». En dehors de ces cinq (05) causes de divorce, les époux ne peuvent se prévaloir d’aucun autre moyen.
Ensuite, c’est toujours au législateur de prévoir les conséquences et les effets du divorce prononcé par le juge. Il peut être prononcé sans référence aux torts5, aux torts exclusifs de l’un des époux ou aux torts partagés des deux époux6. Le législateur prévoit que « Le jugement de divorce dissout le lien matrimonial et met fin aux droits et devoirs réciproques des époux et au régime matrimonial »7. Il accorde au juge le pouvoir de se prononcer sur la garde des enfants du couple tout en précisant qu’il doit tenir compte uniquement des intérêts de l’enfant.8 En réalité pour le divorce contentieux, le législateur a fixé tous les effets aussi bien à l’égard des époux qu’à l’égard des enfants.9 Les désormais ex-époux subissent les effets prévus sans être capable de les organiser à volonté. En plus d’avoir fixé les conditions et les effets du divorce contentieux, le législateur a aussi tenu à le judiciariser.
B- Une procédure entièrement judiciaire
Suivant l’article 354 du Code des personnes et de la famille burkinabè, le divorce contentieux résulte « d’une décision judiciaire prononçant la dissolution du mariage à la demande de l’un des époux ». C’est-à-dire que le divorce contentieux, chaque fois que les époux se reprochent des manquements aux obligations résultant du mariage et qu’ils n’arrivent pas à convenir mutuellement de leur divorce, est entièrement judiciaire. Le divorce relève de la compétence exclusive du tribunal judiciaire. L’article 39 de la LOI N°015-2019/AN du 02 mai 2019 portant organisation judiciaire au Burkina Faso dispose que : « Le tribunal de grande instance a compétence exclusive dans les matières déterminées par la loi, notamment : – l’état des personnes : mariage, divorce, séparation de corps, filiation, adoption, absence et disparition, contestations sur la nationalité… ». Le juge qui reçoit une demande en divorce adresse au demandeur, après l’avoir entendu, « les observations qu’il croit convenable »10. Si le demandeur persiste dans sa décision, il entame une procédure de tentative de conciliation obligatoire. Ce n’est que lorsque cette tentative de conciliation échoue qu’il pourra juger au fond. A cet effet, il vérifie si les conditions fixées par l’article 367 du Code des personnes et de la famille sont remplies. Il convient de noter que le juge dispose d’un pouvoir assez étendu en la matière. Il apprécie discrétionnairement si les conditions sont réunies. Aussi, peut-il prononcer un divorce aux tords des deux époux ou d’un seul. Il statut ensuite sur la garde des enfants. Il n’y a donc pas de divorce en cas de mésentente des époux, sans l’intervention d’un juge. Les parties étant en désaccord n’ont rien d’autre à faire qu’à apporter la preuve des fautes qu’ils se reprochent. Il convient de noter que cette forme de divorce est identiquement encadrée dans les codes béninois11, ivoirien12 et malien de la famille. Seules certaines causes de divorce telle la stérilité ou l’impuissance sont parfois écartées.14
Si le divorce contentieux est strictement encadré par l’autorité, il convient de noter que, tant le législateur burkinabè que ses pairs africains francophones et français ont entamé une procédure de libéralisation du divorce en assouplissant les conditions.
II- Une libéralisation progressive du divorce : le divorce par consentement mutuel
Comme nous l’avons fait remarquer, le droit de la famille est en perpétuelle évolution. L’émergence progressive du concept des droits de l’Homme influence le droit de la famille et le droit du divorce en particulier. Le législateur prend en compte désormais le principe de la liberté si cher aux êtres humains dans le divorce. Ainsi, le législateur burkinabè et certains de ses paires comme le Benin15, le Mali16 ont organisé un divorce par consentement mutuel (A). Le législateur français va encore plus loin dans la contractualisation du divorce en créant « le divorce sans juge » (B).
A. Le divorce par consentement mutuel judiciaire
Les époux ont la possibilité au Burkina depuis 1990 d’organiser leur divorce à leur guise. Suivant l’article 354 du Code de la famille « le divorce peut résulter du consentement mutuel des époux constaté par le tribunal civil ». Il peut avoir lieu sur demande conjointe des époux ou par suite d’un accord postérieur constaté devant le juge au contentieux(17). Ainsi, les époux agissant ensemble n’ont pas à faire connaître les motifs de leur divorce au juge. Ils doivent seulement soumettre à son approbation un projet de convention qui en règle les conséquences(18).
Chaque époux doit exprimer un consentement libre, clair et exempt de vices non seulement sur la rupture du lien conjugal mais aussi « sur la situation des époux quant aux biens qu’ils possèdent et sur le sort réservé aux enfants issus du mariage »19. Les époux « ont toute liberté pour régler les conditions et conséquences de leur rupture »20. La seule limite à leur convention consiste à ne pas violer les principes d’ordre public et de bonnes mœurs. Suivant l’article 357 du Code des personnes et de la famille, « Sont considérées notamment comme relevant de l’ordre public, les dispositions telles que les obligations qui incombent aux parents quant à l’entretien, la garde, l’éducation, la sécurité et la moralité des enfants ».
Toutefois, les législateurs ont entendu modérer la liberté accordée aux époux. Ainsi, selon l’article 358 du Code de la famille burkinabè « le divorce par consentement mutuel ne peut être demandé au cours des deux premières années du mariage ». Il s’agit de s’assurer que les époux n’avaient pas contracté un mariage simulé. Aussi, le divorce par consentement mutuel reste judiciaire. Suivant l’article 360 du Code : « La demande en divorce [par consentement mutuel] est présentée par les époux en personne, verbalement ou par écrit, au tribunal civil du domicile commun ». L’article 364 ajouté : « Le jugement de divorce par consentement mutuel est rédigé dans la forme des jugements ordinaires ». Le divorce ne prend effet que si la convention des époux est homologuée par le juge. Mais le pouvoir du juge est réduit dans la mesure où il se borne à homologuer la convention. Il ne peut la modifier. Il peut seulement refuser l’homologation de la convention s’il trouve des motifs légitimes tels que la violation de dispositions légales, de l’ordre public ou des bonnes mœurs, les vices du consentement ou l’insuffisante prise en compte des intérêts des enfants ou de l’un des époux.(21) Le législateur français, lui est allé plus loin dans la libéralisation du divorce.
B. Le divorce sans juge du droit français
En droit français, le divorce peut désormais être entièrement contractuel. Il s’agit du « divorce par consentement mutuel par acte sous seing privé contresigné par avocats, déposé au rang des minutes d’un notaire ». Suivant l’article 229-1 du Code civil français, « Lorsque les époux s’entendent sur la rupture du mariage et ses effets, ils constatent, assistés chacun par un avocat, leur accord dans une convention prenant la forme d’un acte sous signature privée contresigné par leurs avocats et établi dans les conditions prévues à l’article 1374. Cette convention est déposée au rang des minutes d’un notaire, qui contrôle le respect des exigences formelles prévues aux 1° à 6° de l’article 229-3. Il s’assure également que le projet de convention n’a pas été signé avant l’expiration du délai de réflexion prévu à l’article 229-4. Ce dépôt donne ses effets à la convention en lui conférant date certaine et force exécutoire ». Il s’agit d’une réalisation de la volonté longtemps manifestée des citoyens de voir déjudiciarisé le divorce. C’est désormais chose faite. Les époux français peuvent désormais dissoudre leur mariage sans avoir recours à l’autorité judiciaire. Ils doivent seulement se faire assister par des avocats dans la négociation de la convention. Dès lors qu’ils se sont entendus sur les clauses de la convention, chaque époux a un délai de 15 jours22 pour manifester son désaccord. C’est un délai d’ordre public.23 A l’issue des 15 jours, les ex époux doivent faire enregistrer la convention de divorce par un notaire. Il faut noter qu’un notaire peut intervenir dans la négociation de la convention de divorce s’il existe un immeuble parmi les biens des époux.
La rigidité traditionnelle du droit du divorce est donc dans un processus de perpétuel déclin. Les législateurs africains restent cependant modérés. Ils sont toutefois invités à franchir le pas. Il n’y a rien de dangereux devant. Le divorce sans juge profitera beaucoup aux citoyens et leur épargnera de devoir rester dans une relation conjugale où rien ne fonctionne plus parce qu’ils ont peur de devoir rencontrer un juge et dépenser en temps ou en argent. Surtout dans nos pays ou une procédure judiciaire peut durer des années. A notre sens, cette forme de divorce est aussi facteur de pacification sociale. Si consacrée, cette forme de divorce connaitra du succès dans nos sociétés africaine où saisir un juge semble être une très rare exception. Comme la France24 l’a fait, le Burkina peut aussi le faire en maintenant à coté le divorce judiciaire pour ceux qui veulent y recourir.
Notes de bas de pages
1.C’est le contenu exact de l’article 231 de la Zatu an VII 13 du 16 novembre 1989 portant institution et application d’un code des personnes et de la famille au Burkina Faso.
2 .Voy. Article 237, al. 1 du Code des personnes et de la famille « Le mariage est la célébration d’une union entre un homme et une femme, régie par les dispositions du présent code ». 3.L’article 238 ajoute « Le mariage ne peut être contracté qu’entre un homme âgé de plus de vingt ans et une femme de plus de dix-sept ans, sauf dispense d’âge accordée pour motif grave par le tribunal civil ». 3 Article 237, al. 2 du Code des personnes et de la famille : « Il ne peut être dissout que par la mort de l’un des époux ou par le divorce légalement prononcé ».
4. Le Code des personnes et de la famille.
5 .Article 389 du Code des personnes et de la famille : « Le divorce est prononcé sans référence aux torts pour la cause prévue à l’article 367, 5) et, s’il y a lieu, pour la cause prévue à l’article 367, 4) ».
6 .Article 388 du Code des personnes et de la famille : « Le divorce est prononcé : – soit aux torts exclusifs de l’un des époux lorsqu’aucun grief sérieux n’est retenu à l’encontre de l’autre ; – soit aux torts partagés, si les débats font apparaître des torts à la charge de l’un et de l’autre ».
7 .Article 392 du Code des personnes et de la famille du Burkina.
8 .Article 402 du Code des personnes et de la famille du Burkina.
9 .Voy. Les articles 392 à 407 du Code des personnes et de la famille.
10 .Article 373 du Code des personnes et de la famille du Burkina.
11. Article 233 et suivant de la N° 2002 – 07 du 14 juin 2004 portant Code des personnes et de la famille.
12 .Voy. Code civil ivoirien : divorce et séparation de corps, article 1er Article premier de la Loi n°98-748 du 23 décembre 1998 : « Les juges peuvent prononcer le divorce ou la séparation de corps dans les cas suivants : 1° À la demande d’un des époux : – Pour cause d’adultère de l’autre ; – Pour excès, sévices ou injures graves de l’un envers l’autre ; – Lorsque le conjoint a été condamné pour des faits portant atteinte à l’honneur et à la considération ; – S’il y a eu abandon de famille ou du domicile conjugal ; Quand ces faits rendent intolérable le maintien du lien conjugal ou de la vie commune ». 13 .Article 352 et suivant de LOI N°2011 – 087 du 30 Décembre 2011 portant code des personnes et de la famille.
14 .Voy. Par exemple l’article 352 de la loi malienne ci-dessus citée. Il semble être de même pour la loi ivoirienne.
15. Article 222 et suivant de la loi portant Code des personnes et de la famille au bénin.
16 .Article 337 et suivant de la loi portant code des personnes et de la famille au Mali.
17 .Article 355 du Code des personnes et de la famille burkinabè.
18. Ibid.
19. Article 356 du Code des personnes et de la famille burkinabè.
20. Ibid.
21 .Article 363, al. 2 du Code des personnes et de la famille.
22 .Article 229-4 du Code civil Français.
23 Ibid.
24. En France, le divorce judiciaire est maintenu. Voy. Les article 230 et suivants, 242 et suivant du Code civil français.