Cas pratique:La formation des contrats électroniques et les obligations solidaires
Mme ZOUBEDO qui est au chômage depuis 2 ans vient de décrocher le poste de juriste senior qu’elle doit occuper à partir du 1er octobre 2018 dans une société minière à 50 km de chez elle. Pour se rendre plus facilement à ce lieu de travail, elle voudrait s’acheter une petite voiture d’occasion. Elle se rend alors sur un site internet de vente de véhicules d’occasion où elle trouve cette petite annonce de M. PANGA : « vente d’une Mercedes C220 en très bon état pour 1 000 000 FCFA TTC »
Intéressée par l’offre mais n’ayant pas à sa disposition une telle somme, Mme ZOUBEDO décide de contracter un prêt auprès de la banque LIGUIDIBAORE .Elle en parle à sa meilleure amie, Mme LARICHE, une grande restauratrice de la capitale , qui décide de s’engager solidairement avec elle à l’égard de la banque. Un contrat de prêt solidaire ,remboursable dans un délai de deux (02) mois ,fut alors signé le 10 septembre 2018 entre la banque LUIGIDIBAORE d’une part ,et Mme ZOUBEDO et Mme LARICHE ,d’autre part. Dès le lendemain, la banque met à leur disposition la somme prêtée.
Madame ZOUBEDO envoie alors immédiatement un mail à la M.PANGA pour lui signifier qu’elle voudrait acheter son véhicule aux conditions mentionnées dans l’offre et qu’elle lui enverrait sur le champ la somme indiquée par LwiliMoney ,un système de paiement électronique .M.PANGA accuse bonne réception de la commande et de la somme envoyée par mail, et confirme la livraison du véhicule le 19 septembre ,une fois les formalités de changement de nom du propriétaire effectuées .Toutefois ,ce mail ne parviendra jamais à Mme ZOUBEDO en raison d’un problème de connexion internet.
Le 25 septembre, Mme ZOUBEDO n’a pas reçu la livraison de sa Mercedes C220. Elle essaie de contacter le vendeur mais en vain.
Inquiète, elle se rend chez M. PANGA le 28 septembre mais ce dernier lui fait comprendre sèchement que le véhicule a entièrement brûlé par un cas de force majeure.
Furieuse, elle rentre chez elle en pleurant.
Le 15 novembre 2018, Mme ZOUBEDO, qui a commencé son travail depuis plus d’un mois mais toujours sans voiture, se préparait à vous rencontrer pour savoir comment faire pour récupérer son argent, lorsqu’elle reçut un coup de fil de la banque LUIGIDIBAORE lui réclamant le remboursement de la somme empruntée le 10 septembre 2018.
Abattue, la pauvre dame voudrait donc également savoir si elle est tenue de payer la totalité de la somme exigée par la banque, d’autant plus que son amie, Mme LARICHE, est morte subitement, laissant derrière elle deux enfants majeurs, Kylian et Kate.
RÉSOLUTION DU CAS
La vie en société, suivant les règles de bienséances, exige la solidarité entre les individus, d’où les obligations solidaires et avec l’évolution de la technologie, les gens se rapprochent de plus en plus à travers les transactions et échanges via les Technologies de l’information et de la communication(TIC), d’où les contrats électroniques. Le cas soumis à notre analyse en est une parfaite illustration.
En effet, Madame Zoubedo pour pouvoir regagner facilement son poste de travail se rend sur un site Internet où elle trouve une petite annonce de M. Panga « vente d’une Mercedes C220 en très bon état pour un million de francs CFA ». Alors intéressé, elle contacte son amie Mme Lariche afin de contracter une dette solidaire à la banque Liguidibaore remboursable dans deux mois. Contrat signé le 10 Septembre 2018. Le lendemain, elle envoie un mail à M. Panga pour lui signifier qu’elle accepte l’offre et lui envoie sur le champ le prix de la chose par un moyen de paiement électronique. Ce dernier accuse bonne réception de la somme par mail et lui assurer la livraison du véhicule le 19 Septembre.Toutefois, ce mail ne parvient jamais à dame Zoubedo du fait de mauvaise connexion. Inquiète, elle appelle en vain le 25 septembre pour s’enquérir de ce qu’il en est, alors elle se rend chez le vendeur le 28 septembre mais ce dernier lui fait comprendre sèchement qu’un cas de force majeur à fait disparaître l’objet du contrat. Aussi, le 15 novembre 2018, elle est sommée par la banque de payer la dette. Du coup, elle aimerait savoir de quelle manière reprendre son argent avec M. Panga et si la banque est en mesure de la poursuivre alors qu’elles sont deux débitrices.
Ce cas soulève deux problèmes à savoir :
À qui incombe le cas de force majeur survenu dans l’exécution d’un contrat électronique ?
Ensuite, dans une obligation solidaire, une seule débitrice peut-elle être tenue envers le créancier ?
Pour tenter de répondre à cette question, il y’a lieu d’analyser le contrat électronique entre M. Panga et Mme Zoubedo(I) et la dette solidaire entre dame lariche et dame Zoubedo (II).
I.LE CONTRAT ELECTRONIQUE ENTRE M. PANGA ET DAME ZOUBEDO
Il y’a lieu de vérifier si le contrat a été régulièrement formé (A) et voir les éventuelles actions contre M. Panga. (B) .
A.LES CONDITIONS DE FORMATION DU CONTRAT ELECTRONIQUE
Pour la formation du contrat électronique, il faut en premier lieu réunir les quatre conditions classiques dont le consentement non vicié, la cause, l’objet licite et la capacité. Ce qui est le cas en l’espèce. Certes ces conditions sont nécessaires pour la validité du contrat, mais il existe une loi au Burkina Faso, qui réglemente la formation des contrats électroniques, laquelle ajoute trois autres conditions essentielles pour ce genre de contrats. En effet, il ressort des dispositions de cette loi (articles 59 et 61) que pour la formation du contrat électronique, il faut remplir trois(03) conditions à savoir :
– Une offre
– Un accusé de réception de l’acceptation de l’offre
– L’accusé de réception du message d’envoie de la chose, objet du contrat (ce dernier point marque la formation du contrat. Sans cet élément, le contrat est censé n’est pas conclu jamais existé)
En l’espèce, les deux premières conditions sont remplies ,mais la dernière assez déterminante fait défaut ,ce qui implique que le contrat formé est inexistant. En l’espèce dame Zoubedo n’a jamais reçu le message d’envoi de la voiture du fait du problème de réseau. Par conséquence M. Panga est resté propriétaire de la voiture et cela même s’il avait changé les noms du propriétaire de la voiture, or selon la théorie des risques, les risques que ce soit du fait de force majeur incombe au propriétaire de la chose, donc M. Panga supportera les risques. Qu’en est-il de la somme déjà versée par dame Zoubedo ? (B)
B. L’ACTION CONTRE M. PANGA
Le fait que Dame Zoubedo n’avait aucun contrat avec M. Panga et le fait qu’elle ait payé la somme en fait une obligation privée de cause au sens juridique. Son appauvrissement ainsi occasionné a enrichit le patrimoine de M. Panga. De ce fait, elle pourrait poursuivre ce dernier pour enrichissement sans cause, par conséquent demander la restitution de son argent.
II.LA DETTE SOLIDAIRE ENTRE DAME LARICHE ET DAME ZOUBEDO
Il y a lieu d’examiner les effets(A) et les éventuelles poursuites récursoires contre les héritiers de la codébitrice de cujus. (B)
A.LES EFFETS DE LA DETTE SOLIDAIRE
La dette solidaire est une dette contractée par plusieurs codébiteurs. Ceux-ci sont dés lors solidairement liés. Cette liaison tient au fait de la pluralité de liens qui implique que les débiteurs se représentent mutuellement de sorte que la mise en demeure contre un débiteur vaut pour tous face au créancier, chaque débiteur est tenu pour le tout. Cela implique aussi que le créancier peut poursuivre le débiteur de son choix, soit parce qu’il est plus accessible, soit qu’il est le plus solvable.
Alors pour répondre à la préoccupation de Dame Zoubedo, oui, elle est tenue de payer la totalité de la somme exigée par la banque. Toutefois elle dispose d’actions récursoires contre sa codébitrice ou contre à ses héritiers qui bénéficient de son patrimoine (B).
II.LES POSSIBLES ACTIONS RECURSOIRES CONTRE LES HERITIERS KYLIAN ET KATE.
En principe, la part civile de dame Lariche se divise proportionnellement à la part successorale entre les héritiers. De ce point de vue, Kylian et Kate devraient 250.000 chacun pour couvrir la dette de leur mère. Si l’un d’entre eux s’avère insolvable, sa part se divise entre Dame Zoubedo codébitrice originaire et le cohéritier (la dette solidaire ne se transmettant pas aux héritiers). Dans le cas où les héritiers sont tous deux insolvables, la part de dame Lariche sera entièrement endossée par dame Zoubedo. Ainsi elle devra payer les un million à la banque.