Résumé en français
La reconnaissance du droit à la nationalité en droit international comme un droit fondamental, s’accompagne d’une régionalisation en matière de nationalité sur tous les continents. L’Afrique n’est pas en marge de ce mouvement. Elle érige progressivement un droit africain de l’Homme à la nationalité à traves principalement son système de protection des droits de l’Homme, basé sur la Charte des droits de l’Homme et des peuples et ses protocoles. Toutefois, la volonté de garantit le droit de l’Homme africain à la nationalité se heurte à plusieurs autres défis d’ordre structurel et conjoncturel. L’effectivité du droit à la nationalité et la prévention de l’apatridie en Afrique reste pour l’instant mitigée. Telle est l’économie de la présente réflexion.
Mots-clés en français
Nationalité-Apatridie-Droits de l’Homme-Afrique.
Abstract
Recognition of the right to nationality in international law as a fundamental right is accompanied by regionalization in matters of nationality on all continents. Africa is not on the sidelines of this movement. It is gradually erecting an African human right to nationality mainly through its human rights protection system, based on the Charter of Human and Peoples’ Rights and its protocols. However, the desire to guarantee the African human right to nationality comes up against several other structural and situational challenges. The effectiveness of the right to nationality and the prevention of statelessness in Africa remains mixed for the moment. Such is the economy of the present reflection.
«Un homme doit avoir une nationalité comme il doit avoir un nez et deux oreilles »[1], faisait observer Ernest Gellner. C’est sans doute le besoin auquel ont tenté de répondre les rédacteurs de la Déclaration universelle des droits de l’Homme à travers les dispositions de l’article 15 : « Toute personne a droit à une nationalité. Nul ne peut être arbitrairement privé de sa nationalité, ni du droit de changer de nationalité ». Désormais saisie par les droits de l’Homme, la nationalité demeure néanmoins entourée d’un mythe [2] À ce propos, une réflexion est opportune dans le cadre régional du continent africain, berceau de l’humanité.
Considérée par le Professeur Koffi Ahadzi-Nonou comme une condition d’effectivité des États[3], la nationalité est l’une des notions pluri-conceptuelles et pluridisciplinaires malaisées à définir[4]. D’ailleurs, Frédéric Jahn relève que « pour épuiser tout ce que comprend le mot nationalité, il faudrait une vie aussi longue comme celle des patriarches »[5]. Cela témoigne combien le concept de nationalité n’est pas un terme scientifique simple et univoque, et encore moins un terme uni-disciplinaire[6].
Néanmoins, à partir de son approche historique[7], la nationalité est considérée comme un lien de droit qui unit une personne physique ou morale, un objet, ou un bien voire une action[8] à un État déterminé.
En considérant uniquement les personnes physiques dans le cadre de cette réflexion, la nationalité peut être appréhendée comme l’appartenance juridique d’une personne à la population constitutive d’un État[9]. Aussi est-il devenu habituel de se référer à la définition plus exhaustive héritée de la jurisprudence Nottebohm. Pour la CIJ, en effet, partant de la pratique des États, les décisions arbitrales et judiciaires et les opinions doctrinales, la nationalité est un lien juridique, ayant à sa base, un fait social de rattachement, une solidarité effective d’existence, d’intérêts, de sentiments, jointe à une réciprocité de droits et devoirs et qui, emporte, bien évidemment, des effets juridiques aussi bien dans l’ordre international, que dans l’ordre interne[10].
De cette définition, la doctrine juridique distingue la nationalité de fait et la nationalité de droit, la deuxième étant, l’expression juridique de la première. Comme l’affirme Henry Battifol, l’esprit de la plupart des législations est de faire coïncider, du mieux possible, la nationalité de droit et la nationalité de fait[11]. Cela étant, le droit à la nationalité s’entend de la prérogative de tout individu de posséder dès sa naissance une nationalité et de ne pas en être privé arbitrairement, ni de pouvoir la changer[12].
Ainsi comprise, la nationalité est classiquement considérée comme un droit de l’État qui confère à celui-ci, une compétence exclusive en matière de nationalité, et dont les manifestations majeures résident dans le monopole de l’État dans la détermination des règles relatives à la nationalité. Telle était, d’ailleurs, l’économie de l’avis de la CPJI dans l’affaire des Décrets de nationalité promulgués en Tunisie et au Maroc. De cette affaire, il est ressorti clairement que « dans l’état actuel du droit international, les questions de nationalité sont, en principe, comprises dans le domaine réservé à moins que celui-ci ait renoncé à son exclusivité par une convention particulière »[13].
Ce principe cardinal de souveraineté de l’État en matière de nationalité, constaté[14] puis consacré[15] en droit international de la nationalité semble désormais subir une érosion continuelle à l’époque contemporaine, à l’occasion d’une nouvelle conception de la nationalité promue par les droits de l’Homme[16].
En effet, la nationalité fait, désormais, son entrée remarquable dans le champ du droit international des droits de l’Homme[17], depuis l’article 15 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme, conforté, explicitement, par des conventions postérieures à l’instar de l’article 24 du Pacte international relatif aux droits civils politiques de 1966[18].
Ainsi saisie par les droits de l’Homme, entendus, sous réserve des différentes approches doctrinales, comme l’ensemble des droits, libertés et prérogatives reconnus aux Hommes en tant que tels[19], la nationalité ne peut, à ce titre, échapper à la régionalisation du droit international des droits de l’Homme dont le Professeur Stéphane Doumbé-Billé donnait les aspects importants[20].
Réfléchir sur le droit de l’homme à la nationalité dans le cadre régional africain est alors justifié et revêt un double intérêt. Sur le plan théorique, cette contribution constitue entre autres[21], une appropriation africaine des problèmes de nationalité dans les sphères scientifiques et une contribution à la théorie générale du droit de l’Homme à la nationalité. En effet, l’Afrique semble constituer un champ fécond de réflexion en matière de nationalité, à cause de son passé colonial, ayant abouti à la balkanisation du continent et de son peuple.
Ce contexte africain inspire d’ailleurs l’intérêt pratique de cette réflexion. En réalité, sur ce plan, notre réflexion apporte une tentative de réponse sur les nombreuses interrogations relative à l’effectivité du droit à la nationalité en Afrique, à l’heure de l’expansion des cas d’apatridie sur le continent. Ainsi, il s’agira d’une analyse juridique basée sur les deux piliers phares du droit de l’homme, à savoir, les textes et leur pratique tout en mettant en relief l’office du juge. Les défis du droit de l’Homme à la nationalité en Afrique ne passeront certainement pas sous silence.
Dans cette dynamique, le cœur de notre réflexion sera fixé sur l’existence réelle du droit à la nationalité en Afrique sous le double prisme des éléments juridiques et factuels. Autrement dit, le droit de l’homme à la nationalité est-il effectif sur le continent africain?
Notre analyse se focalisant sur l’Afrique, la problématique ainsi formulée s’inscrira dans le droit régional, c’est-à-dire principalement, mais non exclusivement, dans le système africain de protection des droits de l’Homme. Le droit étant le reflet de la société, les faits socio-politiques ne seront pas négligés dans notre analyse. Pour ce faire la méthode appropriée qui servira de base à notre réflexion, est la sociologie juridique qui prend en compte la dogmatique et la casuistique.
À partir de ces considérations qui précèdent, il convient de remarquer, d’un côté, une consécration progressive du droit à la nationalité dans le système régional africain des droits de l’Homme. On en déduit alors un essor dynamique d’un droit africain de l’Homme à la nationalité (I). D’un autre côté, il est honnête de constater que la mise en œuvre du droit à la nationalité est diversement menacée sur le continent africain. Ce constat aboutirait à dire que le sort du droit de l’Homme africain à la nationalité semble aléatoire (II).
I.L’essor dynamique d’un droit africain de l’Homme à la nationalité
L’émergence d’un droit africain relative au droit à la nationalité est un constat à un double niveau. D’un côté, l’on peut relever l’érection progressive d’une architecture normative en matière du droit à la nationalité (A), d’un autre, l’on note une jurisprudence africaine qui aspire à garantir l’effectivité du droit de chaque individu à la nationalité (B).
A.L’inspiration normative
Le dispositif normatif continental en matière de droits de l’Homme tourne autour de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples de 1981. En tant que référence saluée[22] en matière de textes relatifs aux droits de l’Homme pour sa particularité, la recherche d’un droit à la nationalité dans ce texte est infructueuse, si ce n’est l’espoir nourri dans le projet de protocole dédié à la nationalité (2). En attendant, la présente réflexion ne peut passer sous silence d’autres textes de l’Union Africaine, qui logent pertinemment le droit à la nationalité (1).
1.La reconnaissance générale du droit à la nationalité
La première référence régionale africaine au droit à la nationalité est celle contenue à l’article 6 de la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant de 1990 : « Tout enfant a droit d’acquérir une nationalité. Les États parties à la présente charte s’engagent à veiller à ce que leurs législations reconnaissent le principe selon lequel un enfant a droit d’acquérir la nationalité de l’État sur le territoire duquel il/elle est né(e) si au moment de sa naissance, il/elle ne peut prétendre à la nationalité d’aucun autre État conformément à ses lois ».
Aussi, préoccupée par le fait qu’en dépit de la ratification par la majorité des États parties à la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples et de tous les autres instruments internationaux relatifs aux droits de l’Homme, la femme en Afrique continue d’être l’objet de discriminations et de pratiques néfastes[23], l’organisation africaine allait adopter un autre protocole relatif aux droits des femmes le 11 juillet 2003. Ce protocole reconnait désormais que la femme mariée a le droit de conserver sa nationalité et d’acquérir la nationalité de son mari ; ou encore que la femme a le même droit que l’homme en ce qui concerne la nationalité de leurs enfants sous réserve des dispositions contraires dans les législations nationales et des exigences de sécurité nationale.
Deux avancées majeures sont ainsi notées à la charge des États africains relativement à leur législation sur la nationalité. Elles permettent non seulement de réduire considérablement les discriminations à l’égard de la femme, reléguée au second rang dans les questions de nationalité, mais aussi de consolider les droits des hommes mariés qui peuvent aspirer à la nationalité de leur épouse[24]. En effet, selon l’article 6 (f) du protocole, « la femme a le même droit que l’homme en ce qui concerne la nationalité de leurs enfants sous réserve des dispositions contraires dans les législations nationales et des exigences de sécurité nationale ».
Ces deux principaux textes issus de la Charte africaine des droits de l’Homme et des Peuples, socle de la protection des droits humains dans le cadre régional de l’Union Africaine, sont renforcés par d’autres instruments applicables à certains États africains. Ceux-ci consacrent explicitement le droit pour chaque individu d’avoir une nationalité. Il en est ainsi du Pacte de droits de l’enfant dans l’Islam, promu par l’Organisation de Coopération Islamique[25] ou de la Charte arabe des droits de l’Homme[26]. Ces deux textes reconnaissent respectivement que « dès sa naissance, l’enfant a droit à un prénom, à être enregistré auprès des autorités compétentes, à la détermination de sa filiation et sa nationalité et à connaitre ses parents, ses proches, ses consanguins et sa mère par allaitement » ; « toute personne a droit à une nationalité et nul ne peut être déchu arbitrairement ou illégalement de sa nationalité ».
Comme on le voit, les textes africains en matière de droits de l’Homme reconnaissent diversement le droit à la nationalité. Il reste qu’ils demeurent insuffisants ; d’où l’idée d’un texte spécifique.
2.Vers une reconnaissance spécifique du droit à la nationalité sur le continent
Malgré les textes cités précédemment et pas uniquement qu’eux, le constat d’un échec relatif en matière de garantie du droit à la nationalité a été fait par plusieurs observateurs avisés[27]. L’UA a fait le même constat et prend conscience d’une menace sur le droit à la nationalité sur le continent. C’est ainsi que la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples a matérialisé ce regret dans sa résolution 234 dont le titre est significatif[28], à l’occasion de sa 53e session ordinaire[29].
Elle relève en effet être profondément préoccupée devant le refus ou la privation arbitraires de nationalité à des personnes ou des groupes de personnes par les États africains, pour divers motifs[30], et déplore l’échec des États à garantir que tous les enfants soient enregistrés à la naissance. Cette situation implique que beaucoup d’enfants de moins de cinq ans n’ont pas été enregistrés à la naissance en Afrique[31]. Pour autant, la Commission réaffirme qu’ il est dans l’intérêt général des peuples africains que tous les États africains reconnaissent, garantissent et facilitent le droit à une nationalité à toute personne sur le continent, veillent à ce que nul ne soit exposé à la situation d’apatridie et réaffirment que le droit à une nationalité pour toute personne est un droit humain fondamental implicitement inscrit dans les dispositions de l’article 5 de la charte africaine des droits de l’Homme et des peuples et essentiel à la jouissance des autres droits et libertés fondamentaux prévus dans ladite Charte[32].
Suite aux constats effectués à travers cette résolution, l’idée d’un texte spécifique garantissant le droit de l’homme à la nationalité en Afrique à l’image de la Convention européenne relative à la nationalité[33], allait germer. L’objectif est surtout de renforcer l’architecture africaine du droit à la nationalité et de prévenir les cas d’apatridie en Afrique. Le projet de protocole à la Charte des droits de l’homme et des peuples relatif aux aspects spécifiques du droit à la nationalité et à l’éradication de l’apatridie en Afrique, répond à cet impératif[34] . En effet, ce projet est le fruit d’un effort collectif de l’Union africaine, de la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples, du Comité africain d’experts sur les droits et le bien-être de l’enfant, du Haut-Commissariat des Nations Unies aux réfugiés et des organisations de la Société civile africaine entre autres. Conformément à la note explicative y relative[35], le protocole vise à faciliter l’inclusion des individus dans les États africains en offrant des solutions juridiques permettant de régler les problèmes pratiques liés à la reconnaissance et à l’exercice du droit à la nationalité, éradiquer l’apatridie et, surtout, identifier les principes devant régir les relations entre les individus et les États matière de nationalité. Aussi ambitionne-il, de prendre dûment compte des spécificités du continent africain, notamment la récurrence des conflits basés sur l’identité et ayant pour conséquences des expulsions collectives d’étrangers, en s’appuyant sur les principes généraux du droit international en la matière.
Ainsi, même si la consécration particulière du droit à la nationalité semble avoir pris du retard en Afrique, ce projet présage dans un avenir proche, des progrès en matière du droit à la nationalité sur le continent. Il reste que l’œuvre jurisprudentielle africaine en matière de droits de l’Homme fraye la voie et consolide l’idée d’un droit africain de l’Homme à la nationalité.
B.L’aspiration jurisprudentielle
Une norme sans application n’est que ruine de la norme, sommes-nous amenés à conclure en reprenant Voltaire[36]. « C’est en effet par le biais de ces mécanismes que le droit international des droits de l’homme assure une protection plus ou moins active et tente de franchir l’abîme qui existe souvent entre les préceptes et la pratique »[37]. S’agissant de la jurisprudence africaine relative au droit de l’Homme en général et au droit à la nationalité en particulier, les décisions de la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples (1) puis de la Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples (2) retiendront notre attention.
- Les décisions courageuses de la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples
La Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples a montré à travers certaines de ses décisions, son intérêt particulier à la garantie du droit de l’individu à la nationalité en Afrique. Il en est ainsi des affaires John K. Modise[38] et Amnesty International c. Zambie[39] dont il convient de donner l’économie.
Dans la première, le requérant revendique la citoyenneté botswanaise dans des circonstances factuelles assez préoccupantes. En effet, son père, citoyen botswanais, a immigré en Afrique du Sud pour y travailler. C’est pendant son séjour qu’il contracte un mariage duquel naitra le requérant La mère décédée quelque temps après sa naissance, le requérant a été amené au Botswana où il a grandi. C’est ainsi qu’il revendique la nationalité botswanaise par les liens du sang, notamment celui du père. Ce droit à la nationalité botswanaise lui est refusé avec comme motif, qu’il est un immigré sud-africain. Par conséquent, il a été arrêté le 17 octobre 1978 et remis à la police sud-africaine. Le requérant, pour sa part, allègue que c’est en raison de ses activités politiques qu’il a été déclaré immigré indésirable par le gouvernement botswanais dans la mesure où, en 1978, il était l’un des fondateurs et responsables du parti d’opposition “Botswana National Front”. La suite des éléments factuels de l’espèce est assez émouvante et pathétique[40]. In fine, John Modise le requérant relève avoir subi de lourdes pertes financières du fait que ses biens et sa propriété ont été confisqués par le gouvernement du Botswana. Il ne peut en effet pas travailler car n’ayant pas d’autorisation, et est constamment menacé de déportation. Tous les efforts de sa part pour prouver sa nationalité botswanaise demeurent infructueux et l’appel interjeté contre sa peine d’emprisonnement demeure en instance. Il affirme ne plus disposer de moyens financier pour poursuivre la procédure devant les juridictions locales. Dans sa communication adressée à la Commission, il réitère sa demande au gouvernement du Botswana de lui reconnaître sa nationalité à la naissance en alléguant avoir été injustement privé de sa véritable nationalité et soutient la violation de certaines disposition de la Charte[41].
Après une procédure particulièrement lourde et faite de rebondissement[42], la Commission, à l’occasion de sa 28e session ordinaire à Cotonou, Bénin, le 6 novembre 2000. déclare qu’il y a eu violation des articles 3(2), 5 , 12(1) et (2) , 13(1) et (2), 14 et 18(1) de la Charte par la République du Botswana ; demande instamment au gouvernement du Botswana de prendre les mesures appropriées pour reconnaître à M. John Modise sa citoyenneté de naissance et pour lui donner une compensation appropriée pour tous les dommages subis à la suite de cette violation de ses droits.
La seconde affaire citée est aussi proche de la première aussi bien par ses éléments factuels, que les droits présumés violés[43]. Dans une argumentation fort saisissante, la Commission relève qu’en forçant les plaignants, Banda et Chinule à « vivre comme des apatrides, dans des conditions dégradantes, le gouvernement zambien les a privés de l’affection de leurs familles, et privé ces familles du soutien apporté par ces hommes ; ce qui constitue une violation de la dignité de la personne humaine. Il s’agit là d’une violation de l’article 5 de la Charte qui garantit le droit au respect de la dignité inhérente à la personne humaine et à la reconnaissance de sa personnalité juridique ». Elle déclare en conséquence, la violation des articles 2, 7(1) (a), 8, 9(2), 10 et 18(1) et (2) de la Charte Africaine et demande au gouvernement zambien de réparer le tort causé aux plaignants.
À la lueur de ces décisions, la position de la Commission à propos de la garantie du droit à la nationalité et la prévention de l’apatridie est assez claire et impressionnante, même en l’absence d’une disposition expresse sur le droit à la nationalité dans la Charte africaine. Pour cela, la Commission n’a pas hésité à travers ces décisions, à considérer que les situations de privation de la nationalité constituent une violation du droit à la vie privée et au regroupement familial, ainsi qu’une atteinte au principe de non-discrimination expressément consacrés[44] par la Charte africaine dont elle est la gardienne. Ainsi, reste-t-elle intransigeante sur les cas de manipulation politique pour priver arbitrairement des individus de leur droit à une nationalité.
Ce faisant, elle a su construire une jurisprudence fort appréciable[45] sur le droit à la nationalité, et inspiré par cette position, la Cour africaine.
2.La contribution significative de la Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples
La Cour africaine, mécanisme juridictionnel par excellence de la Charte africaine[46], a accompagné le mouvement de la Commission dans sa quête de protection indirecte du droit à la nationalité. Qualifié de parade par Fiacre Avléssi[47], l’office de la Cour africaine, sans être abondant en matière de nationalité est tout de même décisif et présage d’une évolution positive d’un droit africain de l’Homme à la nationalité. Sa décision dans l’affaire Anudo ochieng Anudo[48] a confirmé la « justiciabilité » du droit à la nationalité en Afrique[49] A l’origine de cet arrêt, il ressort que dans sa requête introduite devant la Cour le 25 mai 2015, le sieur Anudo Ochieng Anudo, requérant, allègue que la confiscation de son passeport par la République-Unie de Tanzanie[50] lui conférant ainsi le statut de « migrant illégal », et son expulsion du territoire de la Tanzanie, viole son droit à la nationalité ainsi qu’un certain nombre de ses droits fondamentaux[51].
Suite à cette requête, la décision définitive de la Cour interviendra le 22 mars 2018. Elle reconnait en effet, que « l’État défendeur a violé le droit du requérant de ne pas être privé arbitrairement de sa nationalité tanzanienne, prévu à l’article 15(2) de la Déclaration universelle des droits de l’homme; que l’État défendeur a violé le droit du requérant de ne pas être expulsé arbitrairement Ordonne à l’État défendeur d’amender sa législation pour ouvrir aux individus des recours judiciaires en cas de contestation de leur nationalité ; et ordonne à l’État défendeur de prendre toutes les mesures nécessaires pour rétablir le requérant dans ses droits, en lui permettant de revenir sur le territoire national, d’assurer sa protection et de faire rapport à la cour dans un délai de 45 jours ::: ».
À l’analyse de cette solution, la position de la Cour africaine rejoint ; mutatis mutandis, celle adoptée par la Commission africaine dans les décisions évoquées précédemment. Elle conforte ainsi, l’idée de la nécessité d’un droit africain en matière de nationalité. L’aspiration jurisprudentielle au droit à la nationalité en Afrique est réelle et promue par le système africain de protection des droits de l’Homme. Il reste que cette volonté appréciée est étouffée dans par un contexte défavorable dans la mise en œuvre.
II.Le sort aléatoire du droit de l’Homme africain à la nationalité
Malgré la dynamique appréciable d’un droit africain de l’Homme à la nationalité, l’effectivité du droit de l’Homme africain à la nationalité est constamment menacée par divers aléas. Ces aléas constituent sans doute, des défis auxquels le droit à la nationalité est confronté et doit résister pour sa jouissance effective. Il convient de les analyser brièvement, à travers une typologie simple permettant de les comprendre. Aussi distinguerons-nous, les aléas structurels (A) des aléas conjoncturels (B) à la jouissance du droit à la nationalité.
A.L’impact des aléas structurels
Deux problèmes d’ordre structurels retiendront particulièrement notre attention, et qui touchent principalement les administrations impliquées dans l’établissement de la preuve de la nationalité. D’une part, il est relevé le fonctionnement déficitaire de l’état civil africain, administration primaire dans la preuve de la nationalité (1), d’autre part, l’on remarque des insuffisances dans la délivrance des documents de nationalité (2).
1.Le fonctionnement déficitaire de l’état civil africain
L’enregistrement des naissances est perçu comme un droit pour commencer[52]. C’est ainsi que les normes internationales et celles africaines relatives aux droits de l’Homme prévoient que chaque enfant a le droit à être enregistré immédiatement après sa naissance[53]. L’enregistrement des naissances est, en effet, au centre de l’administration des questions de nationalité[54]. Ce droit à être enregistré est, en principe, assuré par les services publics d’état civil dont le fonctionnement connait des problèmes avérés. Cette déficience de l’état civil notamment celui africain, peut s’expliquer aussi bien par des facteurs endogènes que par des facteurs exogènes.
Dans le premier aspect, l’objectif premier du système d’état civil est de nature juridique et administrative, lequel vise à enregistrer les événements qui jalonnent la vie de chaque personne[55]. En principe, le système d’état civil fournit des documents juridiques dont les individus ont absolument besoin pour garantir leur identité, leur nationalité, leurs droits civils et l’accès aux services sociaux. Un système d’enregistrement des faits d’état civil et d’établissement des statistiques de l’état civil efficace est capital pour instaurer des sociétés inclusives, assurer des services publics de qualité et pour garantir et protéger les droits humains fondamentaux de tous les individus[56] Malheureusement, selon les enquêtes menées par l’UNICEF et le Fonds des Nations Unies pour l’enfance, « les taux d’enregistrement des naissances dans les pays de la CEDEAO varient de plus de 90 pour cent de toutes les naissances (Cap-Vert) à moins de dix pour cent (Libéria). Même lorsque les naissances sont enregistrées correctement, la tenue de registres et leur préservation peuvent être entreprises de manière ineffective, ce qui signifie qu’une personne qui cherche à obtenir un extrait d’acte de naissance après plusieurs années peut se trouver dans l’impossibilité de le faire. Dans certains cas, les dossiers ont été détruits. Les taux d’enregistrement des naissances peuvent chuter de façon spectaculaire pendant les périodes de conflit : en Côte d’Ivoire, le taux d’enregistrement des naissances a diminué de 72 pour cent en 2000 à 55 pour cent en 2006 »[57].
L’on remarque que dans la plupart des États d’Afrique noire, le service public de l’état civil est resté presque statique depuis ses débuts dans les périodes coloniales et d’indépendance pour la majorité. On y déplore des méthodes vieilles en déphasage avec les réalités des temps modernes. Aux problèmes de méthodes d’établissement archaïque des actes d’état civil, s’ajoutent les méthodes inadaptées de conservation des archives. La conséquence sur la transparence et la fiabilité de l’état civil est assez lourde.
En outre, au-delà des difficultés de ressources financières et matérielles souvent évoquées, les ressources humaines sont elles aussi problématiques aussi bien quantitativement que qualitativement. L’accessibilité et la qualité des prestations de l’état civil constituent une gageure pour la population.
Le temps est donc aux réformes du système de l’état civil en Afrique, avec l’adoption de la dématérialisation indispensable du système d’enregistrement, qui permettra de réduire considérablement les facteurs endogènes de son dysfonctionnement. La biométrie[58] parait donc être la réponse et la modalité appropriées à cette dématérialisation. Dans cette logique, quelques États dont le Togo, ont amorcé le système biométrique, avec la mise en place d’une architecture juridique[59]. Cette architecture juridique qui a pour objet de créer un système d’identification et d’authentification des personnes physiques, établissent une méthodologie sûre et fiable permettant d’obtenir, de maintenir, de conserver et de mettre à jour les données sur l’identité des personnes physiques inscrites[60].
S’agissant des causes exogènes du disfonctionnement de l’état civil, s’il est vrai que des millions de femmes, d’hommes, de garçons et de filles se voient refuser l’accès aux services de base en raison de systèmes d’enregistrement et de statistiques de l’État civil faibles[61], il n’en demeure pas moins vrai que ces personnes sont dans une mesure, volontairement ou involontairement complices des défaillances dans l’enregistrement des naissances. Cette complicité s’observe aussi bien en amont dans la déclaration des naissances, ou en aval dans le retrait des certificats de naissance.
En effet, le constat est partagé quoi qu’il peut être de plus en plus relativisé, que la culture de la déclaration des naissances n’est pas encore encrée au sein des sociétés africaines, surtout celles de l’Afrique noire. Les raisons d’une telle négligence sont multiples. Au niveau de la communauté sensée déclarer ses naissances, l’on note l’ignorance de l’importance d’un acte de naissance et la procédure requise, surtout au sein des populations analphabètes. Au-delà de l’ignorance de l’importance des actes d’état civil malgré quelques sensibilisations, il existe, comme soulignait l’UNICEF, le désir de réduire l’âge de l’enfant, les discriminations basées sur le sexe, les conflits autour du nom de l’enfant dans le cas des naissances hors mariage ou même l’ignorance du nom du père de l’enfant et la perception même du service public[62].
En outre, en tentant de comprendre les causes exogènes liées à l’attitude des administrés au service public de l’état civil, une étude réalisée par l’UNICEF sur le système d’enregistrement des nouveaux nés au Togo montre que « plusieurs villages ne disposent pas toujours de service d’état civil accessible aux populations. C’est ainsi que les habitants des localités rurales sont obligés de se rendre dans les centres d’état civil éloignés de leur domicile pour l’enregistrement d’une naissance »[63]. Cet éloignement des centres d’état civil constitue sans doute un handicap non moins essentiel qui explique en partie que « beaucoup d’africains naissent, vivent et meurent sans laisser de traces dans un registre juridique ou statistique, parce que la plupart des pays africains ne disposent pas de systèmes efficaces, pour l’enregistrement des naissances, de mariages et des divorces », comme le constatait la Conférence des ministres africains en charge de l’état civil[64].
Sans doute, ce disfonctionnement de l’état civil rend compliquée, l’obtention des certificats de naissance pouvant attester des liens d’origines des individus. Ceci a un impact sur l’établissement des documents de nationalité dont les services en charge connaissent elles même des difficultés.
2.Les insuffisances dans la délivrance des documents de preuve de la nationalité
La formule d’Ihering est bien ancrée en droit : « la preuve est la rançon des droits ». Prouver, c’est établir l’existence d’un droit, d’une situation juridique dont on se prévaut. Prouver sa nationalité, c’est justifier que l’on a un lien avec un État. Ainsi, la problématique de la preuve du lien de nationalité entre un individu et un État se traduit par les documents d’identité et d’attestation.
Dans cette logique, il convient tout d’abord de relever que la nature des documents servant de preuve ou d’attestation de la nationalité n’est pas uniforme et varie surtout selon que l’on se retrouve dans le système de droit civil ou dans le système du Commonwealth.
Dans les pays au système de droit civil, plusieurs législations ne citent pas les cartes d’identité comme preuve de nationalité[65], alors même que « beaucoup, peut-être même la plupart, des gens pensent que cela se fait grâce au système d’établissement des cartes nationales d’identité, rendues obligatoires pour les adultes depuis les années 1960 »[66]. En revanche, dans les pays du Commonwealth, bien qu’il existe en théorie des dispositions sur le certificat de nationalité délivré, celui-ci est inconnu en pratique. En réalité, on peut constater qu’une variété de documents est acceptée comme preuve de nationalité, en fonction des circonstances. Au Nigéria, par exemple, « il n’y a pas dans la législation de document ou processus spécifique permettant de prouver, de façon irréfutable, sa nationalité. Les dispositions constitutionnelles relatives à l’appartenance à une « communauté autochtone » pour ce qui concerne la nationalité de ceux qui sont nés avant l’indépendance renforcée par le cadre. Par conséquent, un « certificate of indigeneity » (« certificat d’autochtonie »), délivré par le Chef du gouvernement local de la zone « d’origine » d’une personne déterminée comme étant la communauté d’origine du père, est nécessaire à de nombreuses fins »[67].
En outre, les administrations qui sont chargées de la délivrance des certificats de nationalité connaissaient plusieurs handicaps liés au disfonctionnement des administrations africaines en général, et à la sensibilité des questions dont elles ont la charge en particulier. Selon une étude de l’OIM et de l’UNHCR sur l’Afrique de l’Ouest, l’institution compétente de délivrer les certificats servant de preuve de nationalité, est généralement située dans la capitale du pays, d’un département ou d’une région, et peut être assez éloignée des zones où de nombreuses personnes vivent. Aussi, on remarque qu’à l’extérieur de tout tribunal ou de tout autre bureau chargé du traitement des justificatifs de nationalité, il y a une file d’attente de personnes espérant parler à quelqu’un pour résoudre leur cas ; certains d’entre eux reviennent plusieurs fois au même endroit pendant plusieurs mois. Les demandeurs peuvent aussi passer de nombreuses heures à régler les problèmes liés aux irrégularités contenues dans leurs extraits de naissance ou d’autres documents lorsque, par exemple, les noms sur les différents documents officiels n’ont pas les mêmes orthographes[68].
Ainsi, les dysfonctionnements structurels impactant la jouissance de la nationalité sont réels. Ces aléas à l’effectivité du droit à la nationalité couvrent principalement les institutions qui s’impliquent dans le processus de délivrance des documents de preuve de nationalité. Ces difficultés sont accentuées par des problèmes d’ordre conjoncturel.
B.La répercussion des aléas conjoncturels
Nous entendons par aléas conjoncturels à l’effectivité du droit à la nationalité, les facteurs qui résultent d’évènements et/ou de pratiques circonstanciels[69], mais qui peuvent affecter négativement la jouissance du droit à la nationalité. Ces aléas sont aussi diversifiés que ceux déjà évoqués, c’est-à-dire, les aléas structurels. Les plus remarqués dans le contexte africain, sont les risques de mutations territoriales résultant des différends frontaliers (2) et, surtout, les flux migratoires mixtes qui sont récurrents (1).
1.La récurrence des flux migratoires mixtes
Les migrations mixtes font référence à des mouvements de population complexes constitués de personnes qui suivent les mêmes itinéraires et utilisent les mêmes moyens de transport, mais qui se déplacent pour des raisons différentes. Ces mouvements mixtes peuvent inclure des migrants dont certains peuvent avoir des besoins spécifiques, des réfugiés, des enfants non accompagnés et séparés, ou encore des victimes de traite[70]. On retient que toutes ces différentes formes de migrations ont des impacts sur l’effectivité de la nationalité des personnes concernées. Il est d’ailleurs établi qu’il existe un double lien entre les migrations mixtes et les problèmes de nationalité, à la fois une cause et une conséquence[71]. En effet, « les phénomènes migratoires se caractérisent par le fait que des individus, pour des raisons diverses, traversent des frontières. Par leur importance démographique, ils modifient la morphologie sociale et contestent le principe de territorialité des règles. À travers les déplacements volontaires ou non des individus se posent à la fois la question du maintien de leur identité et celle de leur influence sur l’identité des personnes déjà présentes sur le territoire »[72]. Cette vérité est d’autant plus vraie pour les migrations contemporaines, dans la mesure où les migrations forcées se sont accrues et les migrations volontaires facilitées, surtout dans le contexte africain.
En réalité, la problématique des migrations, surtout forcées comme le cas des demandeurs d’asile, des réfugiés et des déplacés internes impactant l’effectivité de la nationalité parait évidente sur plusieurs aspects. D’abord en amont, en ayant à l’esprit les différentes causes[73] de ce phénomène dans ses différentes dimensions précédemment évoquées, le risque pour les personnes concernées d’une rupture avec leur État d’origine est très élevé. Le contexte difficile de départ de leur territoire implique souvent la perte de documents officiels et essentiels pouvant établir à long terme, leur identité. La rupture des relations familiales avec le temps peut aussi compliquer le maintien de la preuve de nationalité, surtout pour la progéniture de ces personnes. .Ensuite en aval, dans le pays d’accueil, aucune garantie suffisante ne permet d’être considéré comme un citoyen à part entière ; si ce n’est souvent par le mécanisme restreint de naturalisation, avec des conditions généralement assez draconiennes. Enfin, il convient de noter que l’impact du phénomène migratoire sur l’identité des individus est particulièrement observable chez les enfants-migrants. L’ONUDC relève d’ailleurs à cet effet, que « l’identification et l’enregistrement des enfants devraient avoir lieu dès qu’un enfant, ou une personne soupçonnée d’être un enfant est identifié. Les enfants, en particulier ceux qui ne sont pas accompagnés ou séparés, devraient avoir la priorité. Les autorités frontalières et les fonctionnaires. Les enfants devraient être enregistrés individuellement dans une base de données centrale et orientés vers les systèmes de protection de l’enfance correspondants »[74].
Ainsi, il parait certain que les migrations mixtes constituent un réel défi à la jouissance du droit à la nationalité. Elles favoriser généralement sa perte et son ineffectivité, comme probablement, le cas des mutations territoriales.
2.Les risques liés aux mutations territoriales
« L’effet d’un changement de souveraineté sur la nationalité des habitants [du territoire intéressé] est l’un des problèmes les plus difficiles du droit de la succession ».[75] Le territoire de l’État et sa mutation constituent en effet un chapitre important du droit international public et de la théorie générale de l’État. De ce fait, les États accordent une importance particulière à tout ce qui concerne leur territoire. Les nombreux traités internationaux relatifs à la délimitation des territoires emportent témoignage[76]. Par mutations territoriales, « il faut entendre les changements qui peuvent survenir sur l’un des éléments constitutifs de l’État qu’est le territoire. Elles peuvent résulter d’une succession d’État, d’un conflit frontalier ou d’un changement climatique »[77].
Tel que défini, la doctrine s’accorde sur le fait qu’il existe un lien étroit entre les mutations territoriales en droit international reconnues à travers du principe des nationalités et du principe de l’autodétermination en droit international[78], et les problèmes de nationalité affectant la population de l’État. En effet, toutes les hypothèses de mutations territoriales[79] ont pour dénominateur commun, d’affecter la nationalité des populations par le changement de la souveraineté.[80] En principe, l’État successeur donne sa nationalité aux habitants du territoire faisant l’objet de la succession[81]. Cependant, les individus peuvent rencontrer des difficultés pour obtenir cette nouvelle nationalité. Même si dans certains cas les États prévoient des mesures transitoires pour éviter des situations aussi dramatiques, il faut reconnaitre que d’autres introduisent des critères discriminatoires pour acquérir la nouvelle nationalité ; ce qui peut exclure les populations non autochtones ou qui ne sont pas nées sur le territoire. C’est notamment le cas des Nubiens vivant au kenyan, victimes de discriminations de la part du gouvernement kenyan qui ne leur reconnait pas la nationalité kenyane malgré plus d’un siècle de résidence dans cet État[82].
Ces difficultés signalées sont facilitées, reconnaissons-le, par l’absence d’un lege lata en matière de succession d’États en Afrique[83], en dehors de l’article 10 de la convention de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie. Il n’est donc pas contestable que les successions d’États ont des effets sur la nationalité des personnes physiques[84]. L’on comprend, dès lors, pourquoi la question de nationalité est prégnante au sein du droit de la succession d’États[85]
En effet, l’Afrique n’est pas exempte d’hypothèses de mutations territoriales affectant la nationalité des populations. Ce continent est d’ailleurs le théâtre de plusieurs cas de différends frontaliers[86] Il est important que soit pris en compte la nationalité des populations vivant sur les territoires objet de différends. Dans ce sens, on retiendra à titre d’exemple, l’accord de Greentree intervenu le 12 juin 2006 suite à la décision de la CIJ consacrant le transfèrement de l’autorité du Nigéria au Cameroun sur la péninsule de Bakassi, pour faciliter sa mise en œuvre[87]. Cet accord prend en compte le sort des populations vivant sur la péninsule de Bakassi à travers les dispositions de son article 3 qui dispose que « le Cameroun, après que le Nigeria, lui aura transféré l’autorité, garantit aux ressortissants nigérians vivant dans la presqu’ile de Bakassi l’exercice des libertés et droits fondamentaux consacrés par le droit international des droits de l’homme et les autres règles pertinentes du droit international. En particulier, il s’engage à ne pas forcer les ressortissants nigérians vivant dans la presqu’île de Bakassi à quitter la zone ou à changer de nationalité ».
De telles dispositions dans les accords portant mutations territoriales doivent préoccuper les États africains. Sans un texte régional relatif à la nationalité des personnes physiques en lien avec les successions d’États[88], le futur protocole à la Charte africaine précédemment évoqué, devra mettre en évidence cet aspect important affectant le droit à la nationalité de l’Homme africain. Le Programme frontière de l’union africaine peut être à cet égard, très pertinent. Plus efficace seront les accords bilatéraux entre pays parties aux différents frontaliers, ou affectés par le cas de mutation territoriale.
Conclusion
Au total, la nationalité comme un droit de l’Homme en Afrique est théoriquement affirmée et poursuit sa consolidation. Mais ce droit est dans sa mise en œuvre soumis à des défis de diverse nature[89]. Ces deux dimensions ayant principalement préoccupé la présente réflexion aboutissent à considérer le droit à la nationalité en Afrique comme un géant au pied d’argile. Par conséquent, les efforts doivent être soutenus et soutenables, car, comme le constate Charles Brocher, « il manquerait quelque chose à notre existence morale, si nous devions rester sans liens personnels avec ces grandes personnes qui s’appellent les États et dont la vie supérieure doit élever et agrandir les nôtres »[90].
Par Lotiyé BALLE
Doctorant en droit public
Courriel : essolotiye@gmail.com/
Tél : +228 90355516/ 96364071
[1] GELLNER (Ernest), Nations et Nationalisme, version française traduite par Bénédicte PINEAU, Paris, Payot, 1989, page 208.
[2] Sur la question, Mohamed Bennouna au Colloque international de la SFDI sur la nationalité faisait observer que « l’interrogation sur le droit à la nationalité, au plan international, revêt une certaine gravité car elle rejoint, sur le plan philosophique, la question existentielle de l’être et du non être …». BENNOUNA (Mohamed), « De la reconnaissance d’un « droit à la nationalité » en droit international », in SFDI, Droit international et nationalité, Colloque de Poitiers, Paris, Ed. A. Pedone, 2012, page 119.
[3]AHADZI-NONOU(Koffi), « Propos synthétique du panel », Actes du colloque international de Lomé, le droit au secours de l’apatride, 9 -10 décembre 2015.
[4] BROOHM (Nicoué Octave), « Nationalité et citoyenneté: défis et enjeux dans les États pluriethniques africains aujourd’hui », Mosaïque, (2003) n° 001, Lomé, pages 47-64.
[5] JAHN (Fréderic), Recherche sur la nationalité ; l’esprit des peuples allemands et les institutions en harmonie avec leurs mœurs et leur caractère, Bossanges Frères, Paris, 1825, aux pages 19-20. Voir aussi ZEBALLOS (Estanislao Severo), La nationalité au point de la législation comparée et du droit privé humain, Librairie de la société du recueil Sirey, ¨Paris, 1914, page 141. L’auteur affirme que la nationalité ne peut être définie, car c’est une institution complexe, naturelle ; sociale, et politique à la fois, qui se manifeste sous différentes formes théoriques et positives, comme un seul but supérieur à atteindre : le perfectionnement de l’individu et la société.
[6] SOTO MOYA (Mercedes), « Plurinacionalidad y suficiencia de las soluciones previstas por el legislador en el artículo 9.9 CC », Plurinacionalidad y Derecho Internacional Privado de la familia y sucesiones, Valencia, Tirant Lo Blanch, 2021, pages 229-277.
[7] Il est admis que le terme « nationalité » est apparu en 1807 à travers l’œuvre romanesque de Madame de Staël. L’auteure emploie ce terme pour désigner la liaison entre la vie passée et présente de l’héroïne, avec le sentiment personnel qui en résulte. Voir HOLSTEN (De Staël), Corinne ou l’Italie, Peltier, Londres, 1807. Nouvelle édition publiée par Garnier Frères, Paris, 1860, 505 pages.
[8] CORNU (Gérard) et al, Vocabulaire juridique, Paris, PUF, 12e édition mise à jour, 2018, page. 678.
[9] BATTIFOL (Henry), LAGARDE (Paul), Traité de droit international privé, Paris, LGDJ, Tome 1, 8e édition, 1993, page 95. Voir également James Fox, Dictionary of international and comparative law, Oceana Publications, 1992.
[10] Affaire Nottebohm-2e phase (Liechtenstein c. Guatemala), CIJ, arrêt du 6 avril 1955, Rec1955.
[11] BATTIFOL (Henry, Aspects philosophiques du droit international privé, Paris ; Dalloz, 2e éd. 2002, page 211.
[12] SALMON (Jean), Dictionnaire de droit international, Bruxelles, Bruylant, 2001, page 723.
[13] Voir Avis consultatif Décret de nationalité promulgué en Tunisie et au Maroc ; CPJI, 7 Fév. 1923.
[14] À travers l’avis de la CPJI cité
[15] À travers des Conventions internationales dont la première fut le Convention de la Haye de 1930 précitée.
[16] Voir DIONISI-PEYRUSSE (Amélie), Essai sur une nouvelle conception de la nationalité, Paris, Éditions Défrenois, Lextenso éditions, 2008, pages 436.
[17] Aux termes des dispositions de cet article 24, paragraphe 3, « tout enfant a le droit d’acquérir une nationalité ».
[18] L’article 24-3 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques dispose : « Tout enfant a le droit d’acquérir une nationalité ».
[19] LEVINET (Michel), Théorie générale des droits et libertés, Bruxelles, Bruylant, 2006, à la page 163.
[20] DOUMBÉ-BILLÉ (Stéphane), La régionalisation du droit international, (dir.), Bruxelles, Bruylant, 2012, 418 pages.
[21] Entre autres contributions, les études de Bronwen Manby sur la nationalité en Afrique qui serviront de références à nos développements.
[22] FALL (Alioune Badara), « La charte africaine des droits de l’homme et des peuples : entre universalisme et régionalisme », (2009), Pouvoirs/le Seuil/2, n° 129, à la page 87.
[23] Préambule au protocole à la charte des droits de l’homme et des peuples, relatif aux droits des femmes. Ces discriminations concernaient aussi le domaine de la nationalité, notamment dans la transmission de la nationalité par les mères et les épouses.
[24] À propos des discriminations en matière de nationalité, voir l’étude de la rapporteuse spéciale pour l’Union Africaine sur la nationalité, MANBY (Bronwen), La nationalité en Afrique, Paris, Karthala, Open society Foundations, 2011, 242 pages.
[25] L’organisation de Coopération Islamique est une organisation intergouvernementale après les Nations Unies, qui a l’adhésion de 57 États, répartis sur quatre continents dont plusieurs pays africains. L’OCI est le porte-voix du monde musulman dont elle assure la sauvegarde et la protection de leurs intérêts dans l’esprit des zones économiques, sociologiques et politiques. L’OCI a des institutions qui mettent en œuvre ses programmes dont les sièges sociaux se trouvent à Djeddah, dans le Royaume de l’Arabie Saoudite
[26] La Charte arabe est l’œuvre de la Ligue arabe fondée en 1945. Dans sa version de 2004, la Charte arabe, est entrée en vigueur le 15 mars 2008.
[27] Voir notamment les différentes études réalisées par Bronwen Manby citées dans la présente réflexion. Voir aussi YAKITE (Charles Lasserre), La nationalité et l’apatridie en Afrique, Paris, l’Harmattan, 2018, 145 pages.
[28] Résolution 234 sur le droit à la nationalité.
[29] La Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, réunie pour sa 53e session ordinaire tenue à Banjul, en Gambie, du 09 au 22 avril 2013
[30] Tels que la race, l’ethnie, la langue, la religion, l’opinion politique ou toute autre opinion, l’origine nationale ou sociale, la fortune, la naissance ou toute autre situation.
[31] Voir les termes de la résolution, disponible sur https://www.refworld.org, consulté le 07 février 2022.
[32] Idem.
[33] Convention adopté dans le cadre du Conseil de l’Europe le 06 novembre 1997 et entrée en vigueur le 1er mars 2000.
[34] Ce projet en cours dont le draft a été obtenu du bureau régional de l’UNHCR pour son analyse dans le cadre de cette étude, comporte à plusieurs égards, des dispositions encourageantes en ce qui concerne le droit à la nationalité.
[35] https://au.int/sites/default/files/newsevents/workingdocuments/35139-wd
[36] Inspirée de la célèbre formule de RABELAIS (François), « science sans conscience n’est que ruine de l’âme », tirée de son roman Pantagruel, 1532.
[37] OUMBA (Parfait), Les mécanismes de contrôle et de garantie des droits de l’homme. Master, Droit international des droits de l’homme, Cameroun. 2016, page, 21.Consulté le 21/10/2020 sur https://hal.archives-ouvertes.fr/
[38]John K. Modise v Botswana, Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, Communication n° 97/93(2000),
[39] Amnesty International c/ Zambie, Com ADHP 212/98 (1999),
[40] Il avait déjà une action judiciaire en instance devant un tribunal du Botswana concernant un permis de travail temporaire, mais suite à sa déportation, il n’a pas pu poursuivre le procès.. Revenu au Botswana, il a de nouveau été arrêté et déporté sans jugement. Après sa troisième tentative de retour, il a été inculpé, condamné pour entrée illégale et déclaré immigré indésirable. Il purgeait une peine d’emprisonnement de dix mois et avait interjeté appel lorsqu’il a été déporté pour la quatrième fois vers l’Afrique du Sud, avant que la procédure n’aboutisse. 5. Le requérant n’ayant pas la nationalité sud-africaine, a été obligé de s’établir dans le « homeland » du Baphutatswana. Il y a vécu pendant sept ans jusqu’à ce que le gouvernement du Baphutatswana émette à son encontre un ordre de déportation et qu’il se retrouve dans un no man’s land entre le Baphutatswana et le Botswana où il est resté pendant cinq semaines avant d’être admis au Botswana sur une base humanitaire. Il a obtenu un permis de séjours d’une durée de trois mois renouvelable à l’entière discrétion du Ministère compétent, jusqu’au mois de juin 1995. 6. Le demandeur ne possède pas et n’a jamais été en possession ni du passeport sud-africain, ni de la nationalité du Baphutatswana.
[41] Les articles 3(2), 5, 7.1(a), 12. (1) et (2), 13(1) et (2), 14, 16(1) et (2) et (1) de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples.
[42] Voir toute la procédure et les arguments des parties. Il convient de signaler qu’entre temps, suite aux actions de la Commission, le gouvernement botswanais a accordé la nationalité par naturalisation à M. John Modise pour un règlement à l’amiable, nationalité que le requérant a refusée et contestée devant la Commission.
[43] Confère les faits de l’affaire.
[44] La Commission a relevé en effet que l’expulsion forcée de Banda et de Chinula par l’État zambien a inévitablement cassé l’unité familiale qui est la base de la société, ce qui est un manquement à ses obligations de protéger et d’assister la famille tel que stipulé à l’article 18 (1) et (2) de la Charte africaine.
[45] Voir aussi AVLESSI (Renaud Fiacre), « La prévention de l’apatridie dans le système africain des droits de l’homme », Annuaire africain des droits de l’homme, 2019-3, pages. 276-297.
[46] Institué par le Protocole relatif à la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples, portant création d’une Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, adopté à Ouagadougou, Burkina Faso, le 10 juin 1998 ; Ce protocole est entré en vigueur le 25 janvier 2004. Sur la Cour africaine des droits de l’Homme et des peules, voir la contribution de Jean-Louis AMOUGOU (Atangana), « avancée et limites du système africain de protection des droits de l’Homme, la naissance de la Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples, Droits fondamentaux, n° 3, janvier-décembre 2003 [en ligne], décembre 2003, https://www.crdh.fr/wp.
[47] AVLESSI (Renaud Fiacre), « La prévention de l’apatridie dans le système africain des droits de l’homme », op.cit., page 294.
[48]Affaire Anudo Ochieng Anudo Contre la République Unie de Tanzanie, Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, arrêt du 22 mars 2018.
[49] Idem.
[50] L’État défendeur dans cette affaire à l’encontre duquel le requérant Anudo Ochieng Anudo a dirigé la plainte.
[51] Entre autres, le requérant affirme qu’en tant que victime directe de la privation du droit à la nationalité, il a souffert de troubles émotionnels et psychologiques après son expulsion. Il ajoute avoir perdu sa fiancée, qui s’est ensuite mariée à un autre homme. Il affirme en outre avoir souffert de troubles psychologiques à l’issue d’une crise dépressive majeure due à son éloignement quatre (4) années durant. Il soutient également qu’il a éprouvé des douleurs physiques extrêmes du fait des actes de torture subis et demande des réparations à hauteur de cinquante mille (50 000) dollars des États-Unis. 61. Le Requérant affirme qu’il est le seul soutien de sa famille nucléaire, à savoir ses « épouses » et ses enfants, mais aussi de sa famille élargie. Il affirme que depuis son expulsion forcée du territoire de l’État défendeur, il est en situation de détresse car il se demande si les membres de sa famille ont de quoi subvenir à leurs besoins alimentaires et vestimentaires ou s’ils ont accès aux services de santé.
[52]UNICEF, « L’enregistrement à la naissance, un droit pour commencer », Digest innocenti, 2009, n° 09, à la page 1.
[53] Article 7 de la Convention relative aux droits de l’enfant, article ; Article 6 de la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant. Voir également l’Observation générale sur l’article 6 par le Comité africain d’experts, extrait à l’annexe 8.1.
[54] L’acte de naissance établit en termes juridiques le lieu de naissance d’une personne et la filiation parentale, qui à son tour sert de preuve documentaire de l’acquisition de la nationalité des parents (jus sanguinis), ou de la nationalité de l’État où l’enfant est né (jus soli). Dans cette logique, « l’enregistrement des naissances, bien que ne conférant pas la nationalité, est généralement essentiel pour la reconnaissance de la nationalité, et donc de tous les autres droits qui en découlent ». Voir MANBY(Bronwen), La nationalité, la migration et l’apatridie en Afrique de l’Ouest, une étude pour le compte du HCR et l’OIM, op.cit. page. 36.
[55] Notamment les naissances, les mariages et les décès. « Lorsque les systèmes de CRVS fonctionnent bien, toutes les naissances et les décès sont enregistrés, les causes de décès sont répertoriées, les certificats sont émis et les statistiques d’État civil sont produites ». À contrario, « la faiblesse des systèmes de CRVS compromet les progrès et a un impact négatif sur la disponibilité régulière des données nationales et infranationales nécessaires à une planification et à un suivi efficace du gouvernement. Les femmes, les enfants et les adolescents en sont particulièrement affectés. Par exemple, le Niger présente le taux le plus élevé de mariages précoces dans le monde, alors que 77 pour cent des femmes âgées de 25 à 49 ans ont été mariées avant l’âge de 18 ans et 28 pour cent dès l’âge de 15 ans, la couverture de l’enregistrement des mariages n’est estimée qu’à 4 pour cent, avec une majorité de mariages relevant encore du droit coutumier. Voir https://www.globalfinancingfacility.org/fr/lutter-contre-le-faible-taux-denregistrement-des-naissances-en-afrique-les-certificats-de-naissance.
[56] ONU, Commission économique pour l’Afrique, « Rapport sur la situation de l’enregistrement des faits d’état civil et des statistiques de l’état civil en Afrique », novembre 2017, consulté le 30/12/2020 sur www.uneca.org.
[57] UNICEF, Every Child’s Birth Right: Inequities and trends in birth registration, 2013 ; voir sur l’exemple de la Côte d’ivoire, le « Rapport conjoint de l’équipe pays Côte d’Ivoire pour l’Examen Périodique Universel (EPU) », Nations Unies, 2009.
[58] DALBERTO (Séverine Awenengo) ; BANEGAS (Richard); CUTOLO (Armando), « Biomaîtriser les identités ? État documentaire et citoyenneté au tournant biométrique », Politique africaine 2018/4, n° 152, pages 5-29.
[59] On citera ici, la loi sur l’identification biométrique des personnes physiques au Togo, adoptée par l’Assemblée nationale togolaise, le du 3 septembre 2020. L’Agence nationale d’identification (ANID) sera en charge de l’opérationnalisation de ce système.
[60] Voir l’article 1 de la loi togolaise sur l’identification biométrique des personnes physiques précitée.
[61] « Actuellement, 15 pays soutenus par le GFF ont introduit le CRVS à leur dossier d’investissement et neuf d’entre eux se sont vu allouer des fonds spécifiquement dédiés au renforcement de leur système. Au cours de la dernière année, des pays tels que l’Ouganda et le Libéria ont réalisé des progrès dans le renforcement de leurs systèmes de CRVS, tout particulièrement en matière d’enregistrement des naissances », consulté le 08/01/2021 sur https://www.globalfinancingfacility.org/fr/lutter-contre-le-faible-taux-denregistrement-des-naissances-en-afrique-les-certificats-de-naissance.
[62] UNICEF-TOGO, Analyse du système d’enregistrement des naissances au Togo, 2011, page 2.
[63] Ibidem, pages 2-3.
[64] Conférence des ministres africains en charge de l’état civil, organisée à Addis-Abeba en Éthiopie le 14 août 2010 sur le thème : « Vers une amélioration des systèmes d’information des faits d’état civil en vue d’une production de statistiques efficaces pour le développement et le suivi des OMD en Afrique ».
[65] Ibidem, page 48. « Les autorités gouvernementales sont clairement d’accord sur le fait que la détention d’une carte d’identité n’est pas une preuve de nationalité, même dans les pays où elle n’est obligatoire que pour les ressortissants ».
[66] MANBY(Bronwen), La nationalité, la migration et l’apatridie en Afrique de l’Ouest, une étude pour le compte du HCR et l’OIM, op.cit., page 48.
[67] MANBY (Bronwen), La nationalité, la migration et l’apatridie en Afrique de l’Ouest, une étude pour le compte du HCR et l’OIM, op.cit., pages 50-51.
[68] Idem. « Une personne illettrée peut absolument ne pas se rendre compte de l’importance pour les autorités judiciaires de faire la différence entre Mohamad et Mohammed. Les intermédiaires qui aident ces personnes peuvent percevoir des frais non officiels importants. Les statistiques sur les certificats délivrés ne sont pas publiées, mais les chiffres obtenus à partir du nombre limité de juridictions visitées pour les besoins de cette étude étaient bien en dessous de ce que l’on pourrait s’attendre si la plupart devaient avoir une preuve de nationalité. Par exemple, à Ziguinchor, capitale départementale dans la région de la Casamance au Sénégal, le tribunal départemental a délivré quelques 1 895 certificats de nationalité en 2013 ; au tribunal de grande instance de Niamey, la capitale du Niger (une ville d’au moins un million d’habitants), quelques 21 692 certificats de nationalité ont été délivrés d’octobre 2012 à septembre 2013.
[69] Valerie Soma/Kabore « Les causes et conséquences de l’apatridie », op.cit., p. 183. Voir aussi, Romuald Likibi, Le droit de l’apatridie, pratiques et controverses, op.cit., page182.
[70] OIM, Migrations mixtes et protection des migrants en Afrique de l’Ouest, Consulté le 22 Février 2020 sur https://rodakar.iom.int/sites/default/files/MixedMigration_FR.pdf. « Une métaphore éclairante pour comprendre la migration mixte est celle d’un véhicule avec différents migrants à bord, qui traverse une frontière. Dans les conceptions antérieures de la migration, chaque migrant appartenait à une catégorie spécifique : migrant économique, victime de la traite, demandeur d’asile, mineur non accompagné, etc. Sous la perspective de la migration mixte, au sein d’un groupe de migrants, chaque individu peut appartenir à une ou plusieurs des catégories susmentionnées. En réalité, il ne s’agit pas de catégories juridiques figées. Elles dépendent de la capacité de chaque migrant à faire face aux difficultés auxquelles il/elle est confrontée tout au long de son parcours migratoire. Présenté en ces termes, il est évident que le réseau de protection et l’accès aux services d’assistance jouent un rôle clé pour le bien-être des migrants dans un contexte migratoire mixte ».
[71] NONNENMACHER (Sophie), CHOLEWINSKI (Ryszard), « The nexus between statlessness and migration », in EDWARDS (Alice) , WAAS (Laura Van) (dir.), Nationality and statelessness under international law, op.cit., pages 247-263.
[72] Jacques AMAR, « Les migrations contemporaines entre droits de l’Homme, liberté de circulation et droit au retour », Revue française de référence sur les dynamiques migratoires, n°1306, 2014, page 2.
[73] Au titre de ces causes, on rappellera ici les principales, notamment les guerres, les conflits socio-politiques…
[74] Voir https://www.unodc.org/documents/e4j/tip-som/Module_12_-_E4J_TiP-SoM-FR_final.pdf; consulté le 16/02/2022.
[75] O’CONNELL (Daniel Patrick), The Law of State Succession, Cambridge, Cambridge University Press, 1956, page 245.
[76] Voir BARBERIS (Julio), Les liens juridiques entre l’État et son territoire, Annuaire français de droit international, vol. 45, 1999, page 133.
[77] SOMA/KABORE (Valérie) « Les causes et conséquences de l’apatridie », op.cit., p. 183. Voir aussi, LIKIBI (Romuald), Le droit de l’apatridie, pratiques et controverses, Paris, éditions Publibook, 2013, op.cit., page 183.
[78] Le droit à l’autodétermination a été consacré par la résolution 1514 (XV) du 14 décembre 1960 intitulé « Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux ». Ce droit à suscité plusieurs rections et fait l’objet de plusieurs contributions scientifiques. Voir DUPUY (Pierre-marie), KERBRAT (Yann), Droit international public, Paris, Dalloz, 15e édition, 2020, page 35 ; DAILLIER(Patrick), PELLET (Alain), Droit international public, Paris ; 8e éd., LGDJ, 2009, page. 587 ; CHRISTAKIS (Théodore), Le droit à l’autodétermination en dehors des situations de décolonisation, Paris, CERIC, La Documentation française, 1999, page 316.
[79] Les mutations territoriales peuvent en effet résulter des cas Succession d’États, d’un conflit frontalier ou d’un changement climatique.
[80] LAGARDE (Paul), « Succession d’États, apatridie et nationalité : développements récents », in Le monde du Droit, Écrits rédigés en l’honneur de Jacques Foyer, Paris, Economica, 2008, pages 619 et s.
[81] SOMA/KABORE (Valérie) « Les causes et conséquences de l’apatridie », op.cit., p. 183. Voir aussi, LIKIBI (Romuald), (Le droit de l’apatridie, pratiques et controverses, op.cit., pages 79-80.
[82] Communauté nubienne au Kenya c. Kenya, 29, Commission africaine des droits de l’homme et des Peuples, octobre 2010, communication 317/06.
[83] Sauf à se référer à la Convention sur la succession d’États en matière de traités du 23 août 1978, article 2, § 1er, et à la Convention sur la succession d’États en matière de biens, archives et dettes d’État du 8 avril 1983, article 2, § 1er
[84] ECONOMIDES (Constantin), « Les effets de la succession d’États sur la nationalité des personnes physiques », RGDIP, 1999, page 577.
[85] AUMOND (Florian), « Nationalité des personnes physiques et successions d’États », in SFDI, Droit international et nationalité, op.cit., page p.384.
[86] Voir TOLLIMI (Abakar), Le règlement des conflits frontaliers en Afrique : les limites des instruments juridiques de l’OUA (UA), Thèse de doctorat, Université de Paris 1, 2005. Voir aussi, Commission de l’Union Africaine, Démarcation et délimitation des frontières en Afrique. Considération générale et études de cas, Addis-Abeba, Septembre 2013, 318 pages.
[87] Différend frontalier entre le Cameroun et le Nigéria., CIJ, 20 Octobre 2002.
[88] À l’image de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention des cas d’apatridie en relation avec la succession d’États du 19 mai 2006.
[89] Plusieurs autres défis ont fait l’objet d’études. Les manipulations politiques des lois nationales relatives à la nationalité à de fins électorales en constituent un des aspects majeurs.
[90] BROCHER (Charles), Nouveau traité de droit international privé : au double point de vue de la théorie et de la pratique, Paris, Hachette, 1876, page 166.