Un panel scientifique en célébration des 30 ans de la constitution burkinabè de juin 1991


Le 02 juin 1991, le Burkina Faso se dotait d’une nouvelle loi fondamentale :« la constitution du 11 juin 1991 ». L’entrée en vigueur de cette constitution marquera le début de la IV ème république. Alors que cette loi fondamentale est sur le point de tirer sa révérence, la Société burkinabè de Droit Constitutionnel a initié un panel de réflexion autour de ses acquis et faiblesses à l’occasion de ses trente ans d’existence. En effet, juin 1991, juin 2021 marque le trentenaire de la constitution de la IVème république.

Cette célébration a eu lieu le samedi 19 juin dans la salle 1 de l’UFR/SJP de l’université Thomas Sankara. Des acteurs majeurs de l’avènement de cette constitution étaient au rendez-vous, notamment maitre Alidou OUEDRAOGO, membre de la commission constitutionnelle de la constitution de la IVème république, le juge constitutionnel Moctar TALL. Le professeur LUC Marius IBRIGA, le professeur Abdoulaye SOMA, le Dr Abdoul Karim Saidou étaient les panélistes. La modération du Panel a été assurée par le Dr Vincent ZAKANE.

Dans son propos, maitre Alidou est largement revenu sur la genèse de cette constitution. A ce sujet il a laissé entendre que la constitution a été adoptée par référendum à la majorité de 93% avec un taux d’abstention de 51%. Elle tire ses origines du front populaire. La commission constitutionnelle a débuté ses travaux le 08 mai 1990. Mais indique-t-il, le premier problème à résoudre par la commission  était la détermination de l’objet de cette constitution. D’après lui, pour le Président du Faso à l’époque, l’objet de cette loi fondamentale était de conserver les organes directoires de la révolution, ce qui n’était pas du goût de la commission. De toutes ces divergences, difficultés, le texte édité fut le produit d’un important compromis entre ces différents acteurs en présence et ce, après presque six mois de travail. Elle remettra son avant-projet le 14 octobre 1990. Ce projet sera adopté le 02 juin 1991 et la promulgation de la constitution de la IV république est intervenue le 11 juin de la même année.

Elle connaitra 09 modifications par voie parlementaire respectivement la loi 002/97/ADP du 27 janvier 1997, la loi 003-2000/AN du 11 avril 2000, la loi 001-2002/AN du 22 janvier 2002, la loi 015/AN du 30 avril 2009, la loi 023-2012 du 18 mai 2012, la loi 033-AN du 11 juin 2012, la loi 035-2013 du 12 novembre 2013 et enfin la loi 072-2015/CNT du 05 novembre 2015.  Elle fera bientôt place à la constitution de la Vème république. Evoquant les particularités de la future loi fondamentale, maitre Alidou OUEDRAOGO a laissé entendre que les nouvelles tendances de la constitution de la Vème République sont entre autre : l’établissement d’un régime semi présidentiel,le renforcement des  droits et libertés des citoyens l’abolition de la peine de mort,l’institutionnalisation du droit de saisine de la Cour constitutionnelle par le citoyen.

La constitution du Burkina Faso de juin 1991 face aux crises socio-politiques  de 1991 à 2021

C’est le thème qui a intéressé le contrôleur d’Etat, Dr Luc Marius IBRIGA .Dans sa communication il est ressorti que la constitution à travers ses institutions n’a pas pu régler  les différentes crises socio-politiques que le pays a connu, cela au regard du fait que les acteurs ont le plus souvent eu recours aux procédés non juridiques, notamment en ayant recours aux chefs traditionnels. Par exemple, la crise de 2015 a vu l’intervention du Mogho Naaba.

Le juge constitutionnel Moctar TALL est intervenu sur le sort de la protection des droits et libertés fondamentaux sous la constitution de 1991. D’emblée le panéliste a précisé que le sujet peut être envisagé sous le prisme du contentieux des droits de l’homme et des libertés fondamentaux. Il a rappelé que la constitution burkinabè a consacré dans son titre I l’affirmation des droits et devoirs fondamentaux. Son intervention a été consacrée dans un premier temps à la nature juridictionnelle du CC et dans un second temps à la manière dont les droits sont protégés par le CC. Sur le premier point, il est parvenu à indiquer que la doctrine dominante soutient la nature juridictionnelle du Conseil constitutionnel. Cela au regard des arguments suivants :

D’abord, le conseil a pour fonction de statuer en droit sur des litiges de nature juridique. Ensuite, ses décisions sont revêtues de l’autorité de la chose jugée.

Juge par excellence de la protection des droits  et libertés fondamentaux, le conseil assure sa mission   par le biais du contrôle a priori des lois et celui a posteriori par voie d’exception. A cela s’ajoute son pouvoir d’auto-saisine prévu à l’article 157 alinéa 3 de la constitution.

Les forces et faiblesses de la constitution de la IV ème république : regard du professeur Abdoulaye SOMA.

D’entrée de jeu, le professeur a déclaré que s’il est question aujourd’hui de changer de constitution au Burkina Faso, de passer donc de la 4 ème à la 5 ème république c’est parce que les faiblesses de celles-ci ont pris le dessus sur ses forces. Il a estimé que la constitution comporte des péchés originels. Le premier est lié à l’adoption même de la constitution. Le fait est que le président du Faso avait le contrôle de la commission constitutionnelle. En effet, non seulement il contrôlait les membres de la commission, mais aussi ceux-ci travaillaient sur les matériaux du front populaire. Aussi le texte qui devait en résulter devait être adopté par le front populaire. Le deuxième péché originel est relatif au mécanisme de contrôle des pouvoirs. A ce sujet, il a relevé la mise en place d’un seul organe chargé de la protection des droits et libertés fondamentaux. En effet, le conseil constitutionnel suivant l’article 152 est l’institution chargée de la protection des droits et libertés fondamentaux, à l’exclusion donc des juridictions ordinaires.

Comme faiblesses il a relevé le déséquilibre institutionnel que comporte la loi fondamentale burkinabè. Le fait est que pour le panéliste la constitution n’a pas intégré suffisamment la conception de la séparation des pouvoirs comme l’avait recommandé Montesquieu. Cela parce que la répartition des pouvoirs dans la constitution est largement en faveur de l’exécutif au détriment des autres pouvoirs institutionnels.  Par ailleurs, l’exception d’inconstitutionnalité telle qu’instituée dans la constitution est imparfaite car les juridictions ordinaires sont incompétentes pour connaitre du contentieux constitutionnel. Le citoyen est même privé de la possibilité de saisir directement le juge constitutionnel eu égard à la lecture du conseil constitutionnel de la disposition de l’article 157 alinéa 2.

Le professeur n’a pas été tendre avec le projet de constitution de la 5ème me république car dit-il le projet de constitution en l’état n’est pas bon. Cela parce que le déséquilibre institutionnel subsiste.

ZOROME Noufou

Revue Juridique du Faso

Un commentaire sur “Un panel scientifique en célébration des 30 ans de la constitution burkinabè de juin 1991”

  1. OUATTARA dit :

    Merci bien. Seulement
    l’intervention du Dr Luc M. Ibriga est très brève par ici.
    Et celle du Dr. Abdoul K. Saidou n’y figure pas…et pourtant..!!!

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