C’est le thème développé par le Dr Claver MILLOGO. Après avoir rappelé brièvement la genèse et les caractères de la CPI, le Dr a indiqué que la CPI fait l’objet d’une méfiance de la part des pays africains. Cela parce que « parmi les pays qui ont fait l’objet d’une procédure devant la CPI, la plupart est située en Afrique ». Il s’agit du Soudan (Darfour), l’Ouganda, la République démocratique du Congo, la République centrafricaine, le Kenya, la Libye, la Côte d’Ivoire et le Mali. Pour le communicateur « cette liste explique à elle seule les attaques répétées de l’Union africaine contre la Cour depuis plusieurs années : alors que la CPI est censée être universelle, elle ne poursuit de fait que des Africains ; alors qu’elle est censée être internationale, elle serait en réalité une « Cour pénale africaine ». Cette méfiance explique le fait que la cour subit depuis 2005 des propagandes négatives. Les diverses critiques formulées à l’encontre de la juridiction de la Cour mettent en cause la partialité de celle-ci.
La communication de Docteur MILLOGO visait à répondre à la question de savoir s’il s’agit réellement d’une juridiction partiale ?
Traitant de cette question, le communicateur a indiqué que bien que certains faits laissent penser que la Cour est très active lorsqu’il s’agit des faits commis en Afrique qu’ailleurs, un regard objectif invite à relativiser. En effet, plusieurs arguments montrent que les africains ou du moins l’Afrique y sont pour quelque chose. Autrement dit, ce ne serait pas véritablement la faute de la Cour si la plupart des dossiers que la cour a instruit concernent l’Afrique.
Cela pour les raisons suivantes :
« En premier lieu, il importe de souligner que les États africains constituent aujourd’hui près d’un tiers des États parties au statut de Rome, reconnaissant et acceptant ainsi la compétence de la CPI sur leur territoire ou contre leurs ressortissants (le Sénégal a été le premier État à ratifier le statut, en 1999) ».
« En second lieu, c’est parce qu’ils avaient ratifié le statut de la CPI et donc accepté sa juridiction que trois des quatre États actuellement devant la Cour ont eux-mêmes saisi la Cour et demandé au procureur d’ouvrir une enquête sur les crimes perpétrés sur leur territoire, reconnaissant par là même leur absence de capacité à mener à bien des enquêtes et poursuites sur ces crimes. Concernant la situation au Darfour, l’intervention du Conseil de sécurité des Nations unies s’est justifiée par la situation très grave dans cette région soudanaise depuis 2003, avec plus de deux millions de déplacés et des centaines de milliers de victimes de crimes internationaux, menaçant la paix et la sécurité au sein de la région ».
« Enfin, la gravité des crimes est un critère déterminant pour l’ouverture des enquêtes au niveau de la CPI. De nombreux rapports internationaux permettent d’affirmer que des crimes parmi les plus graves ont été perpétrés de manière systématique dans ces quatre pays ».
Pour le communicateur « c’est la saisine par ces États, la gravité des crimes commis et l’incapacité avérée des juridictions nationales à rendre justice qui ont motivé l’ouverture de ces enquêtes ». Sur le sujet, le bureau du procureur avait indiqué que « l’équilibre régional ne figure pas parmi les critères de sélection d’une affaire dans le statut. »
Il a par ailleurs relevé que si certains chefs d’États et représentants d’organisations régionales ont attaqué la CPI parce qu’elle se concentrerait uniquement sur l’Afrique, le fait est que se sont « les victimes, dans l’ensemble des situations traitées, réclament, de leur côté, l’action de la Cour, qui constitue pour elles le seul recours possible et utile ».
Toutefois, le communicateur a indiqué que bien que le bureau du procureur analyse la situation de pays situés sur d’autres continents, il n’en reste pas moins qu’on puisse penser que la CPI représente l’instrument d’une justice internationale à deux vitesses, privilégiant les pays les plus puissants et asservissant les pays faibles militairement et politiquement. Le fait est que lorsqu’il s’agit de crimes commis par des ressortissants des pays puissants comme les USA, le bureau du procureur passe sous silence. Par exemple, les crimes commis par les Américains en Irak ont été passés sous silence.
La seconde partie de son exposé a porté sur les critiques du « deux-poids, deux mesures » et de la « chasse raciale. Sur ce point il a relevé que sur les dix affaires actuellement instruites par la Cour en 2019, neuf concernent l’Afrique. Ce qui témoigne du « deux-poids, deux mesures » d’une cour « néocolonialiste » dénoncé par les dirigeants africains. Mais sur la question de savoir s’il faut « désafricaniser » la Cour, le communicateur estime que ce n’est pas la solution car souligne-t-il « ce n’est pas ‟l’Afrique” qui est contre la CPI, ce n’est pas la population, mais certains chefs d’État qui, à travers le porte-voix de l’Union africaine, ont exprimé leur solidarité avec el-Béchir, Gbagbo et, aujourd’hui, Kenyatta et Ruto »
Lire aussi:https://revuejuris.net/2021/06/21/les-vibrants-hommages-rendu-aux-professeurs-ahmed-tidiane-ba-et-salif-yonaba/
La rédaction