Le mardi 30 Mars 2021 s’est poursuivi à l’UFR/SJP de l’Université Thomas SANKARA la première vague de soutenance de la promotion du Master II en Droit privé fondamental, promotion 2019-2020. Et c’était au tour de Monsieur SIBE D. Ibrahim, comme les autres étudiants, de présenter son document de Mémoire portant sur le thème suivant : « La liberté d’expression et la protection de l’honneur ou de la réputation ».
L’étudiant a présenté, à l’entame, l’actualité juridique burkinabè de ces dernières années comme ayant été marquée par de nombreuses références aux droits humains. L’un de ces droits, particulièrement important, est le droit à la liberté d’expression. Ce droit incessamment revendiqué par les amoureux de la démocratie et du libéralisme a vu l’un de ses plus ardents défenseurs, à savoir Norbert ZONGO, périr tragiquement dans des circonstances qu’il n’est plus nécessaire de rappeler. D’autres se sont vu, par contre, condamner à des peines privatives de liberté ou à des amendes et dommages-intérêts excessifs pour des supposées atteintes à l’honneur et à la bonne réputation [l’affaire Ladji BAMA contre le parti politique MPP et celle opposant Issa Lohé Konaté à Placide Nikiéma sont de véritables illustrations]. Toutes ces affaires qui défraient la chronique conduisent à prêter une attention particulière sur les possibles limites de la liberté d’expression.
Le débat sur les limites de cette liberté reste houleux. Il est ininterrompu depuis plus de deux siècles, constate monsieur SIBE. En effet, permettre à chacun d’exprimer librement ses opinions et ses pensées mais, dans le même temps, vouloir empêcher les abus toujours possibles constitue une vraie quadrature du cercle. Porter dès lors une réflexion sur la liberté d’expression et la protection de l’honneur ou de la réputation ne saurait être superflu surtout à une époque marquée par l’accroissement de nouvelles formes de transmission d’idées et d’opinions.
La liberté d’expression et l’honneur ou la réputation sont des droits qui entrent fréquemment en conflit. Plusieurs raisons justifient cette tension. Une première raison réside dans l’existence de plusieurs instruments normatifs rendant par conséquent une protection uniforme des droits en présence difficile. La seconde raison du conflit entre la liberté d’expression et l’honneur ou la réputation réside dans le fait que les Etats font face à deux obligations contradictoires, à savoir la protection simultanée de deux droits opposés. En effet, en refusant de restreindre la liberté d’expression, l’Etat respecte son obligation négative de ne pas heurter ladite liberté et aura par conséquent échoué dans la protection de l’honneur ou de la réputation des personnes.
Monsieur SIBE pose comme problème que soulève le sujet à travers la difficile conciliation entre la liberté d’expression et la protection de l’honneur ou de la réputation dans la mesure où ces droits méritent a priori un égal respect.
La conciliation entre la liberté d’expression et l’honneur ou la réputation peut s’opérer de deux manières. La première qui est textuelle se fait, tout en respectant les conditions restrictives de la liberté d’expression, à travers l’édiction des lois de diffamation, d’injure ou d’outrage. Bien que le législateur Burkinabè ait fourni un effort ô combien appréciable, suite à sa condamnation par la Cour africaine des droits de l’homme des peuples, il demeure que la conciliation opérée reste insuffisante. Cette insuffisance s’observe tant au niveau de la condition de la nécessité des restrictions qu’au niveau de la condition de la proportionnalité des sanctions. Concernant la condition de la nécessité des restrictions, l’insuffisance se traduit non seulement par le maintien des lois de diffamation dépourvues d’un objectif de protection de l’honneur ou de la réputation, mais aussi par l’inadéquation des moyens de défense existants. Au niveau de la condition de la proportionnalité des sanctions, l’insuffisance se manifeste tant par la partielle dépénalisation des délits de presse que par le maintien des amendes excessives.
La seconde qui est judiciaire, s’opère de manière pragmatique au moyen d’un contrôle concret de proportionnalité qui consiste à pondérer, in fine, les intérêts en conflit. La conciliation opérée ici s’avère également insuffisante. L’insuffisance ici est liée à la subjectivité du juge, dont l’intervention est déterminante pour équilibrer la liberté d’expression et l’honneur ou de la réputation. Cette subjectivité du juge est sans doute causée par l’incommensurabilité des droits en conflit.
En conclusion, pour parvenir à un équilibre plus ou moins adéquat, le législateur burkinabè doit fournir encore un effort afin d’échapper par conséquent à une éventuelle condamnation de la Cour africaine.
Au niveau judiciaire, les juridictions doivent opter comme méthode de conciliation, la balance des intérêts.
A la fin de la présentation, ce fut un jury conquis qui a apprécié la présentation parfaite d’un document en la forme et un travail fait avec pédagogie. Le travail a été jugé bien fourni avec une analyse très intéressante et sanctionné par la note de 16/20.
Michel ZOMA
La rédaction
Toutes les félicitations mon grand In
Toutes mes félicitations cher aîné !