La juridictionnalisation du droit international humanitaire


Si le droit international est, d’une certaine manière, à la limite de l’évanescence du droit, le droit international humanitaire (DIH) est, peut-être encore plus certainement, à la limite de l’évanescence du droit international1. Cette célèbre observation de Sir Hersch Lauterpactht, nous situe au cœur de la problématique de l’effectivité du DIH, dont l’ambition est d’articuler et de réaliser le droit, dans un domaine où la violence est la règle de jeu.

BURKINA FASO

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UNITÉ-PROGRÈS-JUSTICE

MINISTÈRE DE L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR, DE LA RECHERCHE

SCIENTIFIQUE ET DE L’INNOVATION

UNIVERSITÉ OUAGA 2

=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=

UNITÉ DE FORMATION ET DE RECHERCHE EN SCIENCES JURIDIQUES ET POLITIQUES

Année académique 2017-2018

MÉMOIRE

Présenté et soutenu publiquement par :GUIGEMDE Pierre

Pour l’obtention du Diplôme de Master II de recherche en Droit International Public

Directeur de Mémoire

Dr Vincent ZAKANE                  Maître-assistant à  L’UFR/S.J.P

AVRIL 2019

AVERTISSEMENT

  • L’Unité de Formation et de Recherche en Sciences Juridiques et Politiques de l’Université Ouaga II, n’entend donner aucune approbation, ni improbation aux opinions émises dans les

mémoires, qui doivent être considérées comme propres à leurs auteurs ».

i.DÉDICACE

À

BONKOUNGOU Zimass

iii.ÉPIGRAPHE

  • L’espoir pour les États, jaloux comme jamais de leur souveraineté, parfois chèrement et

récemment acquise, est que le droit international ne soit point fait par des juristes, irrécupérables faiseurs de système, mais bien par des diplomates et des politiques, pour lesquels, la notion de compromis est bien plus précieuse que celle de la clarté des normes juridiques ».

KARAGIANNIS Syméon, « la multiplication des juridictions internationales, un système archaïque ? » in SFDI, La juridictionnalisation du droit international, Colloque de Lille, Paris, Pedone, 2003, p. 161

iv.REMERCIEMENTS

Je remercie chaleureusement le Professeur Vincent ZAKANE d’avoir accepté de diriger mes recherches. Son soutien constant et ses conseils avisés ont joué un rôle déterminant dans la rédaction de ce mémoire. Merci de m’avoir transmis la passion du droit international et de la recherche.

Je tiens également à remercier ma famille qui, par la confiance qu’elle m’a témoignée, m’a permis de mener à bien ce passionnant projet d’étude.

Mes remerciements les plus sincères s’adressent enfin à toutes les personnes qui ont su, au fil du temps et dans les moments les plus délicats, m’apporter leurs soutiens

v.LISTE DES SIGLES ET ABRÉVIATIONS

AFDI : Annuaire Français de Droit International
AFRI : Annuaire Français de Relations Internationales
APSA : Architecture Africaine de Paix et de Sécurité
ART. : Article
ATNUTO : Administration Transitoire des Nations Unies au Timor Oriental
CAE : Chambres Africaines Extraordinaires au sein des juridictions
sénégalaises
CAI : Conflit Armé International
CAJDHP : Cour Africaine de Justice, des Droits de l’Homme et des Peuples
CANI : Conflit Armé Non International
CEDEAO : Communauté Économique des États d’Afrique de l’Ouest
CETC : Chambres Extraordinaires au sein des Tribunaux Cambodgiens
CG I : Convention (I) de Genève pour l’amélioration du sort des blessés et des
malades dans les forces armées en campagne, Genève, 12 août 1949 ;
CG II : Convention (II) de Genève pour l’amélioration du sort des blessés des
malades et des naufragés des forces armées sur mer, Genève, 12 août
1949 ;
CG III : Convention (III) de Genève relative au traitement des prisonniers de
guerre, Genève, 12 août 1949 ;
CG IV : Convention (IV) de Genève relative à la protection des personnes civiles
en temps de guerre, Genève, 12 août 1949 ;
CICR : Comité International de la Croix-Rouge
CIJ. : Cour Internationale de Justice
CPI : Cour Pénale Internationale
vi
DIH : Droit International Humanitaire
DIHC : Droit International Humanitaire Coutumier
Dir. : (Sous la) Direction
Éd. : Edition
Ibid. : (Ibidem) au même endroit/ dans le même texte
MINUK : Mission d’Administration Intérimaire des Nations Unies au Kosovo
MINUSIL : Mission des Nations Unies en Sierra Leone
MLC : Mouvement de Libération du Congo
MPTI : Mécanisme pour les Tribunaux Pénaux Internationaux
: Numéro
ONG : Organisation Non Gouvernementale
ONU : Organisation des Nations Unies
Op. cit. : (Opere Citado) ouvrage déjà cité
P. : Page
PP. : Pages
Prot.Add. I : Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 aout 1949 relatif
  • la protection des victimes des conflits armés internationaux (Protocole I), 8 juin 1977
Prot.Add.II : Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 aout 1949
relatif à la protection des victimes des conflits armés non internationaux
(Protocole II), 8 juin 1977
PUF : Presses Universitaires de France
RDC : République Démocratique du Congo
RBD : Revue Burkinabè de Droit
RCADI : Recueil des Cours de l’Académie de Droit International de La Haye
RGDIP : Revue Générale de Droit International Public
vii
RICR : Revue Internationale de la Croix-Rouge
RQDI : Revue Québécoise de Droit International
SFDI : Société Française de Droit International
SS. : (Pages) Suivantes
Statut de Rome : Statut de Rome de la Cour Pénale Internationale
TPIR : Tribunal Pénal International pour le Rwanda
TPIY : Tribunal Pénal International pour l’ex-Yougoslavie
TSSL : Tribunal Spécial pour la Sierra Leone
UA : Union Africaine
Vol. : Volume

viii

SOMMAIRE

INTRODUCTION GÉNÉRALE………………………………………………………………………………. 1

TITRE   I/    UN   MOYEN    DE   RÉALISATION   DU   DROIT     INTERNATIONAL

HUMANITAIRE………………………………………………………………………………………………………. 7

CHAPITRE 1 : LA MISE EN ŒUVRE DU DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIRE

PAR LES JURIDICTIONS INTERNATIONALES…………………………………………………… 8

Section 1 : La répression effective des crimes de droit international humanitaire…………. 8

Section 2 : La réalisation des objectifs du droit international humanitaire…………………. 18

CHAPITRE 2 : LE DÉVELOPPEMENT PROGRESSIF DU DROIT INTERNATIONAL

HUMANITAIRE PAR LES JURIDICTIONS INTERNATIONALES………………………. 28

Section  1 :  Le  développement  progressif  du  droit  international  humanitaire  par  la

clarification normative………………………………………………………………………………………… 28

Section  2 :  Le  développement  progressif  du  droit  international  humanitaire  par  la

détermination des normes……………………………………………………………………………………. 39

TITRE II/ UN FACTEUR DE REMISE EN CAUSE DU DROIT INTERNATIONAL

HUMANITAIRE…………………………………………………………………………………………………….. 48

CHAPITRE   1 :     LA    REMISE    EN    CAUSE    DU    DROIT    INTERNATIONAL

HUMANITAIRE À TRAVERS SON APPLICATION……………………………………………. 49

Section 1 : Une application discriminatoire du droit international humanitaire…………… 49

Section 2 : Une application inefficace du droit international humanitaire………………….. 58

CHAPITRE 2 : LA REMISE EN CAUSE DE L’UNITÉ DU DROIT INTERNATIONAL

HUMANITAIRE………………………………………………………………………………………………….. 68

Section 1 : Les risques de remise en cause de l’unité du droit international humanitaire 68

Section 2 : Les efforts de préservation de la cohérence du droit international humanitaire

76

CONCLUSION GÉNÉRALE…………………………………………………………………………………. 84

INTRODUCTION GÉNÉRALE

Si le droit international est, d’une certaine manière, à la limite de l’évanescence du droit, le droit international humanitaire (DIH) est, peut-être encore plus certainement, à la limite de l’évanescence du droit international[1]. Cette célèbre observation de Sir Hersch Lauterpactht, nous situe au cœur de la problématique de l’effectivité du DIH, dont l’ambition est d’articuler et de réaliser le droit, dans un domaine où la violence est la règle de jeu.

La mise en œuvre du DIH constitue, à cet égard, un grand défi, car laissée à la discrétion des États dont la souveraineté apparaît parfois comme un obstacle à sa réalisation. Toutefois, ce défi peut être relevé en grande partie par le contrôle et la répression juridictionnels des violations des règles du droit international humanitaire.  C’est dans cette dynamique que les conventions du droit international humanitaire, dans le but de promouvoir le respect du DIH, invitent les États à prendre les mesures législatives nécessaires à l’incrimination et à la répression des infractions commises dans le cadre des conflits armés[2]. À cet égard, chaque État dispose d’une compétencelorsque ces infractions ont été perpétrées sur son territoire, par ses ressortissants ou contre ses ressortissants.

Cependant, ce mécanisme décentralisé prévu par ces conventions pour assurer le respect et sanctionner les violations du droit international humanitaire demeure encore peu satisfaisant en raison de son inefficacité[3]. Les causes fondamentales de cette situation sont au nombre de deux : d’une part, les États sont parfois les premiers acteurs des violations du droit international humanitaire à travers leurs forces armées et, d’autre part, ces États maintiennent jalousement leur souveraineté en matière de justice pénale. Les États étaient peu disposés à réprimer leurs nationaux et/ou à accepter l’extradition de leurs nationaux vers d’autres Pays pour des poursuites pénales[4]. Le contexte historique, marqué par cette attitude des États, empêchait également l’établissement au plan international de mécanismes de mise en œuvre centralisés et organisés du droit international humanitaire[5].

Le vingtième siècle, marqué par la diversification et l’intensification des relations internationales[6], a conduit la communauté internationale vers un besoin plus grand « d’universalisation du droit et du règne du droit »[7]. Ce besoin s’est manifesté par une extension du champ d’application du droit international tant au plan matériel, par la conquête de nouveaux espaces, qu’au plan personnel, par l’acceptation dans son ordre juridique de nouveaux sujets de droit. Cette évolution du droit international, qui est liée aux réalités contemporaines des transformations sociales[8], a permis au DIH en particulier de s’enrichir en complexité et en efficacité. C’est dans ce contexte mondial favorisé par la fin de la guerre froide que l’ordre juridique international va connaître une multitude de juridictions répressives.

La multiplication des organes juridictionnels et la tendance des États à recourir à ces derniers pour le règlement de leurs contentieux de droit international humanitaire nous a conduit à choisir comme thème d’étude « la juridictionnalisation du droit international humanitaire ».Cependant, pour mieux cerner les contours de ce phénomène, il sied de définir les éléments clés que sont le droit international humanitaire et la juridictionnalisation.

 Le droit international humanitaire encore appelé droit des conflits armés, droit de la guerre ou jus in bello, doit être distingué du jus ad bellum qui signifie le droit à la guerre. Avec l’adoption de la Charte de l’ONU en 1945, le droit à la guerre a été interdit pour tous les pays membres des Nations Unies avec quelques exceptions[9]. Le DIH est, selon le dictionnaire de droit international, constitué par une partie du corpus des règles appelées traditionnellement droit de la guerre et des normes visant la protection de la personne humaine pendant un conflit armé. Cet ensemble comprend les règles sur la licéité des méthodes et des moyens de guerre et les règles portant sur le traitement et la protection des personnes touchées par les combats[10]. Le DIH vise à limiter les effets des conflits armés et, pour cela, il restreint le choix des belligérants quant aux moyens et méthodes de guerre et protège les personnes qui ne participent pas ou ne participent plus aux hostilités.

Dans le cadre du développement de cette étude, nous utiliserons indifféremment les notions de DIH, de droit de la guerre et de droit des conflits armés à titre de synonymes malgré les distinctions mineures que certains auteurs établissent entre ces notions[11].

Le terme ‘‘juridictionnalisation’’ est un néologisme construit à partir de la notion de juridiction[12]. Elle consiste selon Christine LAZERGES, à « soumettre une situation non seulement au contrôle d’une juridiction, mais aussi et surtout à offrir aux plaideurs des garanties procédurales à caractère juridictionnel »[13].Elle se distingue,non seulement de la juridicisation qui est le phénomène d’extension du droit et des processus juridiques à un nombre croissant de domaines de la vie économique et sociale, mais aussi de la judiciarisation qui traduit la tendance des justiciables à confier au système judiciaire la gestion de leurs différends et le règlement de leurs problèmes sociaux[14].

En droit international,la juridictionnalisation implique deux idées fortes qui sont d’une part, l’existence d’une multiplicité de juridictions et, d’autre part, l’acceptation des acteurs du droit international de la procédure juridictionnelle comme moyen de règlement du contentieux de droit international. La juridictionnalisation du DIH renvoie donc à la prolifération des juridictions internationales chargées de réprimer les crimes du DIH et à la tendance des États à recourir à de telles juridictions pour régler leurs différends de DIH.

La juridictionnalisation du DIH résulte de l’intérêt grandissant de la communauté internationale pour la répression des crimes internationaux.Elle est intimement liée au développement du droit international pénale qui est l’ensemble des règles gouvernant l’incrimination et la répression des infractions qui soit présentent un élément d’extranéité, soit sont d’origine internationale[15]. En tant que branche autonome du droit international, le droit international pénal permet une mise en œuvre juridictionnelle du DIH dans la mesure où il sanctionne la violation des normes fondamentales du DIH en plus des autres crimes du droit international. Il s’agira dans cette étude de présenter le rôle joué par les juridictions pénales internationales dans l’affermissement du DIH.  La juridictionnalisation du DIH, en tant que phénomène, se trouve donc au cœur du développement du droit international pénal.

En effet,La recrudescence des crimes internationaux commis à l’occasion des conflits armés a conduit la communauté internationale, sous l’impulsion de l’Organisation des Nations Unies (ONU), à engager une lutte drastique contre l’impunité des crimes graves afin de contribuer, par cette même occasion, à la pacification des territoires touchés par les conflits armés et ce, conformément à la mission première de l’Organisation. Les États ayant été peu réceptifs aux conventions du droit international humanitaire sur l’internalisation de la répression des violations des normes du droit international humanitaire, l’attention fut tournée vers la répression internationale par des juridictions internationales[16]. L’activisme de la communauté internationale en la matière a permis la création de diverses juridictions dont la mission est la répression des auteurs des crimes graves du DIH. Ainsi, ont été conçues des juridictions pénales ad hoc de degré d’internalisation variable[17]et des juridictions pénales internationales permanentes de caractère universel ou régional. Cet activisme se justifie, d’une part, par le fait que la communauté internationale n’a pas pu empêcher effectivement les conflits armés et, d’autre part, par les multiples violations des droits fondamentaux de la personne humaine à l’occasion de ces conflits armés.

Cette tendance à la création de juridictions répressives internationales est liée à l’universalisation des incriminations des violations du droit international humanitaire et à la volonté affirmée de la communauté internationale de rendre plus effectif ce droit en organisant la sanction de ses violations au plan international[18]. La répression des grands criminels de guerre est ainsi au centre de cette profusion de juridictions internationales que le droit international humanitaire connaît. Il s’agira pour nous de centrer la réflexion sur les juridictions répressives internationales créées avec le concours des organisations internationales à vocation mondiale ou régionale pour juger les grands criminels de guerre. Notre étude sera orientée sur l’incidence de cette multiplication de juridictions sur l’harmonie institutionnelle et normative du droit international humanitaire.

C’est également le lieu pour nous de préciser que l’on s’en tiendra, dans le cadre de ce travail, à l’étude de la responsabilité pénale individuelle devant les juridictions internationales répressives créées depuis la fin de la guerre froide. Si, aujourd’hui, la mise en œuvre de la responsabilité étatique pour violation du DIH demeure difficile en raison de la souveraineté étatique, en revanche, la responsabilité pénale individuelle est plus aisée à mettre en œuvre. C’est pourquoi, il faut développer les mécanismes de mise en œuvre de la responsabilité pénale individuelle car à défaut d’engager la responsabilité de l’État à l’égard du comportement de ses agents, on pourra mettre en œuvre la responsabilité pénale individuelle de ses agents en vue de sanctionner les différentes violations du DIH. Ce sont ces considérations qui justifient la délimitation matérielle de notre étude.

L’analyse de la juridictionnalisation du droit international humanitaire soulève un certain nombre de questions essentielles dont l’analyse s’avère nécessaire pour la compréhension du phénomène. La mise en œuvre juridictionnelle du DIH soulève des questions à la fois juridiques, techniques et politiques. En effet, la justice pénale internationale doit être non seulement en mesure de concilier les besoins souverainistes et la lutte effective contre l’impunité, mais aussi à même de pouvoir assurer la crédibilité et l’harmonie du DIH face aux répercussions de sa juridictionnalisation. Quels sont les effets de la juridictionnalisation du droit international humanitaire sur le contenu et l’efficacité de celui-ci ? Quelles sont les conséquences de la prolifération des juridictions pénales internationales sur la cohérence du droit international humanitaire ?

L’analyse de la question de la juridictionnalisation du droit international humanitaire est d’une grande importance pour un droit jugé inutile, vain et inefficace[19], soumis aux caprices de la souveraineté étatique et à la technicité des conflits armés. Elle nous permettra de pénétrer au cœur des potentiels problèmes d’articulation normative et de coordination institutionnelle que soulève cette juridictionnalisation du droit international humanitaire. À cet égard, l’étude d’une telle question revêt un intérêt double. D’une part, sur le plan scientifique, elle permet d’apprécier l’efficacité du mécanisme juridictionnel en tant que mécanisme de mise en œuvre du droit international humanitaire et sa contribution au perfectionnement de ce droit. D’autre part, sur le plan pratique, l’étude de la juridictionnalisation du droit international humanitaire permet de comprendre son apport à la pacification des régions touchées par les violents combats meurtriers.

La question de la juridictionnalisation est également d’une actualité à la fois permanente et brûlante. Elle est permanente dans la mesure où la dynamique enclenchée par les tribunaux pénaux internationaux de Nuremberg et de Tokyo, n’a cessé d’inspirer la communauté internationale, à jamais déterminée à combattre l’impunité des crimes graves, allant jusqu’à la mise en place d’une juridiction pénale permanente de caractère universel, la Cour Pénale Internationale (CPI). Enfin, elle est brûlante, au moins en Afrique, au regard de la volonté manifestée par les États africains de régionaliser la répression des crimes graves de DIH commis sur le continent africain.

Cette multiplication de juridictions en droit international humanitaire, tout en permettant une pénalisation progressive du droit international humanitaire, se veut être un moyen de prévention et de dissuasion des conflits armés de notre époque marquée par l’utilisation des armes de destruction massive [20]. Il faut non seulement s’opposer à ce que « les lois se taisent en temps de guerre »[21], mais il faut également permettre que le droit soit dit, lorsque les lois qui s’appliquent en période de guerre, sont violées.

Ainsi, si la juridictionnalisation du DIH suscite des espoirs quant à l’effectivité et à l’efficacité du DIH, elle suscite aussi des craintes quant à l’unité et à la cohésion du DIH. Cette situation conduit à deux constats majeurs : d’une part, la juridictionnalisation du DIH apparaît comme un moyen de réalisation du DIH (TITRE I) et, d’autre part, la juridictionnalisation du DIH s’analyse comme un facteur de remise en cause du DIH (TITRE II).

TITRE I/ UN MOYEN DE RÉALISATION DU DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIRE

 Deux critiques majeures sont traditionnellement formulées à l’encontre du DIH, à savoir, qu’il est toujours en retard par rapport à l’évolution des techniques de combats et qu’il est inefficace à sanctionner les actes individuels de violation de ce droit[22]. Le DIH est, à cet égard, jugé, d’une part, inutile parce qu’il est construit sur l’expérience des guerres passées et, d’autre part, vain et inefficace parce que dans la pratique, « il n’impressionne pas les belligérants qui l’ont toujours violé lors de toutes les guerres »[23]. En effet, c’est avec l’avènement des juridictions pénales internationales que le respect du caractère erga omnes des obligations imposées par le DIH connaîtra davantage un plein effet. Ces juridictions pénales internationales, dans leur diversité, contribuent à relever ce défi séculaire, qui constitue une faiblesse intrinsèque de droit international humanitaire. Force est, en effet, de constater que les juridictions pénales internationales contribuent grandement à l’effectivité du DIH à travers la mise en œuvre juridictionnelle de ce droit (Chapitre 1). Mais, au-delà de la répression effective des crimes du DIH, les juridictions pénales internationales concourent au développement progressif de ce droit, notamment en comblant ses lacunes et en corrigeant ses faiblesses (Chapitre 2).

CHAPITRE 1 : LA MISE EN ŒUVRE DU DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIRE PAR LES JURIDICTIONS INTERNATIONALES

L’essor de la mise en œuvre du DIH par les juridictions pénales internationales est la conséquence de l’échec des principaux mécanismes prévus par les conventions du DIH à savoir la Commission Internationale Humanitaire d’Établissement des Faits (CIHEF)[24]et la mise en œuvre de la responsabilité pénale au plan national pour violation du DIH[25]. Ces juridictions internationales sont des organes qui ont été habilités à réprimer les crimes de droit international humanitaire au plan international[26]. Ce faisant, elles concourent à la mise en œuvre du DIH. Cette mise en œuvre juridictionnelle du DIH se fait à travers, d’une part, la poursuite et la répression effective des personnes accusées de violations des crimes graves du DIH (Section 1) et, d’autre part, la réalisation des objectifs du DIH (Section 2).

Section 1 : La répression effective des crimes de droit international humanitaire

L’universalisation des prohibitions et des incriminations en DIH et la volonté affirmée de la communauté internationale de rendre plus effectif ce droit en organisant la sanction de sa violation au plan international sont le fondement de la multiplication des juridictions répressives internationales. Les juridictions pénales internationales mises en place à cet effet sont de deux ordres : les instances juridictionnelles ad hoc dont la durée de vie est liée à la résolution des problèmes de DIH (§ 1), et les instances juridictionnelles permanentes dont l’existence n’est pas liée à un conflit spécifique (§ 2). Chaque catégorie de juridiction est l’expression de la volonté des États de répondre efficacement au besoin de répression tout en prenant en compte la spécificité de chaque situation.

§ 1. La répression des crimes par les juridictions pénales ad hoc

Les juridictions pénales ad hoc sont des instances pénales internationales établies pour régler les litiges qui ont justifié leur création. Le contexte de leur création est généralement lié à l’existence d’un conflit armé. De ce fait, elles participent à la pacification du territoire éprouvé par le conflit armé. Elles n’ont donc pas vocation à la permanence et disparaissent à l’issue de la condamnation des principaux acteurs des violations graves du DIH. Certaines de ces instances juridictionnelles ont été créées par l’ONU (A), tandis que d’autres ont été créées en dehors du système des Nations Unies (B).

A.  Le rôle des juridictions pénales ad hoc établies par l’ONU

L’ONU, dans sa mission fondamentale de maintien de la paix et de la sécurité internationales[27], a manifesté un intérêt particulier pour la lutte contre l’impunité des présumés auteurs des violations des crimes graves du DIH et ce, à travers l’établissement de tribunaux pénaux internationaux ad hoc dans des situations post-conflictuelles. Cette attitude de l’Organisation se justifie, non seulement par le leadership qu’elle joue en matière de maintien de paix et de sécurité internationales, mais aussi par la volonté de la communauté internationale, à travers elle, de dissuader les conflits de notre époque marqués par le caractère inouï de certains crimes[28].

Ces juridictions pénales internationales ont la particularité d’avoir été créées dans des contextes spécifiques de conflits armés. Si les caractéristiques de ces juridictions diffèrent en raison de leurs actes fondateurs ou de leurs fondements juridiques, elles demeurent toutefois sous l’autorité de l’ONU, s’insèrent dans son architecture institutionnelle et émargent à son budget.

Les premiers modèles de juridictions, ont été créés sur le fondement du chapitre VII de la Charte des Nations Unies. Le Tribunal Pénal International pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), le Tribunal Pénal international pour le Rwanda (TPIR), créés respectivement par les résolutions 827 du 25 mai 1993 et 955 du 8 novembre 1994 sont, à ce titre, deux organes subsidiaires du Conseil de Sécurité des Nations Unies, chargés de l’accompagner dans sa mission de règlement pacifique des différends. Ces tribunaux pénaux internationaux ont été créés par des résolutions du Conseil de sécurité et non par voie de traité, en raison de la rapidité qu’offrent les résolutions du Conseil de sécurité et de la possibilité d’obliger les États à la coopération qu’elles permettent[29].

Ces deux tribunaux, dont la compétence était rétroactive, ont été créés à la même époque et dans des contextes similaires. La République Fédérale de Yougoslavie, longtemps maintenue par le régime autoritaire socialiste du Général Tito, connaîtra une « guerre civile » à la faveur de la chute du régime et de la montée du nationalisme dans les États fédérés qui conduira à leur indépendance. Les différentes confrontations entre l’armée fédérale et les États indépendantistes ainsi que les confrontations entre les différents peuples vont plonger le pays dans des combats sanglants et particulièrement longs.  Au Rwanda, le pays a connu de graves tensions politiques depuis les attaques des forces du Front Patriotique Rwandais (FPR) en 1990. Ces crises se sont intensifiées et ont abouti à des massacres ethniques à grande échelle suite à l’assassinat du président HABYARIMANA le 6 avril 1994. Ces massacres, qualifiés par la suite de génocide, ont marqué les esprits par leur ampleur et leur intensité : environ un million de personnes ont été tuées entre avril et juillet 1994[30]. Ces différentes exactions commises dans ces pays ont amené la communauté internationale, à travers l’ONU à réagir par l’établissement des mécanismes internationaux pour sanctionner les violations graves du droit international humanitaire.

Les deux juridictions pénales internationales, créées pour connaitre des exactions commises dans ces deux pays, avaient pour mission conformément à leurs statuts, de poursuivre et de juger les personnes accusées de crimes graves du DIH[31]. La compétence matérielle de ces juridictions s’étendait à trois catégories de crimes : le crime de génocide, tel que défini dans la Convention des Nations Unies de 1948 sur la prévention et la répression du crime génocide, le crime contre l’humanité et le crime de guerre. Elles ont permis de poursuivre et de réprimer les grands criminels des conflits armés qui ont sévi dans les deux pays.

Au 31 décembre 2017, à la fermeture des portes du TPIY, son bilan était le suivant : 161 actes d’accusation ont été émis, 123 arrestations ont été effectuées, 111 procès ont pu être achevés, 90 personnes ont été condamnées, 19 personnes ont été acquittées et deux comparutions ont été renvoyées devant le Mécanisme pour les Tribunaux Pénaux Internationaux (MTPI) qui est l’institution chargée d’exercer les fonctions résiduelles des Tribunaux pénaux internationaux (TPIY et TPIR)[32]. Le TPIY a eu le mérite, pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, de dresser un acte d’accusation contre un président en exercice, Slobodan MILOSEVIC Président nationaliste serbe. Il a, en outre, permis d’éprouver le DIH en occasionnant un développement important de ce droit. Le TPIR a, pour sa part, au 31 décembre 2017, permis la mise en accusation de 93 personnes, la condamnation de 62 personnes, l’acquittement de 14 personnes, le transfert de 10 personnes vers les juridictions nationales[33]. Le TPIR a aussi renvoyé devant le MTPI[34]  le cas de 3 fugitifs. Il a également permis un développement jurisprudentiel sur la notion du crime de génocide.

La création des Chambres spéciales au Timor-Leste et la nomination des magistrats internationaux dans les juridictions au Kossovo ont été faites par les administrations provisoires des Nations Unies : l’Administration Transitoire des Nations Unies au Timor Oriental (ATNUTO) et la Mission d’administration Intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK). Les Chambres spéciales au Timor-Leste ont été créées par le règlement 2000/15 du 6 juin 2000, tandis que la nomination des magistrats internationaux dans les juridictions du KOSSOVO  a été faite par le règlement 2000/6 de la MINUK du 15 février 2000.  Ces deux juridictions hybrides ont été mises en place à la fois pour éviter la création d’une juridiction totalement nouvelle, à l’image des tribunaux pénaux ad hoc et également pour garantir une justice conforme aux standards internationaux du procès équitable. Les Chambres Spéciales au Timor-Leste ont permis l’inculpation d’environ 400 personnes et le jugement d’une cinquantaine de personnes. L’établissement des magistrats internationaux au Kossovo, a été institué en complément de l’activité du TPIY pour juger les responsables présumés de violations du droit international humanitaire, commises durant le conflit qui a ravagé l’ex-Yougoslavie.

Si la création des juridictions ad hoc du TPIY et du TPIR ont été l’expression de la toute-puissance du Conseil de sécurité des Nation Unies, la création des autres juridictions spéciales était justifiée, d’une part, par le souci de respecter la souveraineté de l’État principalement concerné et, d’autre part, par le besoin de mieux enraciner les tribunaux dans un contexte juridique adapté à la répression[35]. C’est ce qui a davantage justifié la création des juridictions pénales ad hoc en dehors du système des Nations Unies.

B. Le rôle des juridictions pénales ad hoc établies en dehors de l’ONU

Les critiques adressées au Conseil de sécurité sur la légitimité[36] des deux premiers tribunaux internationaux (TPIY et TPIR) et les différents débats soulevés sur la question de leur légalité [37] ont amené l’ONU à repenser ses modes de création des juridictions pénales internationales. Convaincu que l’établissement des juridictions pénales internationales devrait favoriser la participation des États aux efforts de restauration de la paix et de la sécurité internationales, le Conseil de sécurité des Nations Unies a, à partir des années 2002, facilité la création de nouvelles instances juridictionnelles dont le degré d’internationalité varie d’une juridiction à une autre[38].

D’abord, il y a le Tribunal Spécial pour la Sierra Leone (TSSL), créé par un traité international entre le Gouvernement de Sierra Leone et l’ONU le 16 janvier 2002. Il a permis de juger les chefs rebelles de la AFRC (Armed Forces Revolutionnary Council) et du RUF (Revolutionnary United Front) ainsi que l’ancien Président du Liberia Charles TAYLOR pour les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité commis en territoire sierra-léonais depuis le 30 novembre 1996. Ce tribunal spécial a permis, pour la première fois, la répression du recrutement des enfants dans le rang des combattants et le développement d’un régime juridique de protection applicable aux forces de maintien de la paix dans les situations de conflit armé à travers sa jurisprudence.

Ensuite, les Chambres extraordinaires au sein des tribunaux Cambodgiens constituent un modèle atypique de juridiction internationalisée. Elles ont été créées par une loi du 10 août 2001, révisée le 27 octobre 2004 conformément à la résolution 55/228B de l’Assemblée générale des Nations Unies du 13 mai 2003. Ces Chambres ont été créées au sein du système judiciaire cambodgien et ont permis de juger les crimes commis au cours du régime communiste Khmer rouge depuis leur arrivée au pouvoir le 17 avril 1975. La création de cette juridiction n’est pas intrinsèquement liée à un conflit armé, mais elle dénote de la volonté de réconcilier et d’apaiser les populations avec leur passé ensanglanté (1975-1979).

Par ailleurs, c’est sous l’impulsion de l’Union Africaine (UA) qu’ont été créées les Chambres africaines extraordinaires au sein des tribunaux sénégalais par un accord du 22 août 2012, conclu entre l’Union et le gouvernement sénégalais[39]. Leur création est une réponse à l’impunité des crimes commis sur le territoire tchadien sous la présidence de Hissène HABRE de 1982 à 1990.  Celui-ci a, par la Direction de la Documentation et de la Sécurité (DDS) une police politique et majoritairement composée des personnes de son ethnie, soumis sa population à des violences qui ont conduit à des pertes en vies humaines d’environ 40 000 personnes[40]. Cette juridiction hybride, classée dans la catégorie des tribunaux pénaux internationaux [41], se justifie selon Raymond Ouigou SAVADOGO,par les « différents enjeux, en ce qu’il déjouerait à la fois l’impérialisme judiciaire tant décrié, le risque de politisation interne (les règlements de compte, notamment), mais aussi la politisation internationale à en croire le refus collectif d’une justice qui serait incarnée par le colon d’hier »[42].Les Chambres africaines extraordinaires ont eu pour mission la poursuite des «principaux responsables des crimes et violations graves du droit international, de la coutume internationale et des conventions internationales ratifiées par le Tchad, commis sur le territoire tchadien durant la période allant du 7 juin 1982 au 1er décembre 1990»[43].

Le 30 mai 2016, les Chambres africaines extraordinaires ont déclaré Habre coupable de crimes contre l’humanité, crimes de guerre et actes de torture, y compris de viol et d’esclavage sexuel, et l’ont condamné à la prison à perpétuité[44]. Cette décision sera confirmée dans sa quasi-totalité par la Chambre d’appel desdites Chambres africaines le 17 avril 2017 avec une réparation civile de 82 290 000 000 FCFA[45].

Tout compte fait, le travail des juridictions ad hoc a permis non seulement la mise en œuvre du DIH, mais en outre l’affermissement de la justice pénale internationale. Cependant, les limites autant politiques que pratiques, ont démontré à chacune des occasions, la nécessité d’une juridiction pénale permanente[46]. En plus de ces juridictions ad hoc, il y a aujourd’hui une tendance à la création de juridictions permanentes pour assurer une plus grande effectivité de la répression des crimes internationaux.

§ 2. La répression des crimes par des juridictions pénales permanentes

Les juridictions pénales permanentes sont celles dont la création n’est pas directement liée à l’existence d’un conflit armé. Elles sont établies   pour lutter contre l’impunité des crimes internationaux perpétrés lors des conflits armés et les situations de troubles intérieurs. Elles sont aussi l’expression du besoin d’institutionnalisation de la justice pénale internationale et de développement du droit international pénal de façon générale. La présente analyse est centrée sur les crimes de DIH dontla répression est, actuellement, organisée à deux niveaux : au plan universel par la CPI (A) et au plan régional par la Section du droit international pénal de la future Cour Africaine de Justice, des Droits de l’Homme et des Peuples (CAJDHP)(B).

A. Le rôle de la Cour Pénale Internationale

Le projet onusien d’une instance pénale internationale date des années 1948. En effet, avec la résolution n° A/Rés.260 (III) B du 9 décembre 1948, l’Assemblée générale de l’ONU avait donné mission à la Commission du droit international de se pencher sur la question de l’opportunité de la création d’une chambre pénale de la Cour international de justice[47].   Cette idée d’une juridiction pénale internationale se trouve d’ailleurs dans la convention des Nations Unies sur la prévention et la répression du crime de génocide en son article IV[48]. Cependant, en raison de la guerre froide, ce projet ne connaîtra une lueur d’espoir qu’en 1990 lorsque l’Assemblée Générale de l’ONU confiera à la Commission du Droit International (CDI) l’élaboration d’un projet de code des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité[49]. C’est au cours de la conférence diplomatique ténue du 15 juin au 17 juillet 1998 à Rome que la CPI a été créée par un traité international établissant son statut et connu sous la dénomination de Statut de Rome. Contrairement aux autres juridictions pénales internationales, la CPI a une compétence complémentaire à celle des juridictions nationales qui s’étend au crime de génocide, aux crimes contre l’humanité, aux crimes de guerre et au crime d’agression[50]. Cette compétence qu’elle exerce depuis sa mise en place le 1er janvier 2002, a permis de juger de grands criminels de guerre qui bénéficiaient d’une certaine impunité au plan national. Les activités de la CPI lui ont, en effet, permis de connaître, à ce jour, plusieurs situations. D’abord, la situation de la RDC est la première à être prise en charge par la CPI. Elle a permis l’inculpation de Thomas LUBANGA DYILO, dirigeant de l’Union des Patriotes du Congo (UPC), ainsi que celle de Germain KATANGA, Mathieu NGUDJOLO et Bosco NTAGANDA.

Elle a, en outre, été saisie par le gouvernement de l’Ouganda qui a déféré, le 16 avril 2013, la situation conflictuelle qui prévalait sur son territoire depuis les années 1986. C’est ainsi que, le 8 juillet 2005, un mandat d’arrêt a été décerné à Cinq responsables de l’Armée de Résistance du Seigneur à savoir Joseph KONY, Vincent OTTI, Raska LUKIWIYA, Okot ODHIAMBO et Dominique ONGWEN qui ont été poursuivis pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre.

De plus, les exactions commises en République Centrafricaine d’octobre 2002 à mars 2003 lors du conflit armé opposant la rébellion de BOZOZIE aux forces nationales du Président Ange Felix PATASSÉ, aux côtés duquel a combattu le Mouvement de Libération du Congo (MLC) de Jean Pierre BEMBA GOMBO, a amené le gouvernement centrafricain à déférer, le 7 janvier 2005, la situation au procureur de la CPI. Jean-Pierre BEMBA GOMBO, présumé d’avoir commis des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre, a été transféré à la Cour qui l’a jugé et finalement acquitté.

Indépendamment des situations déférées à la CPI par les États concernés, le Conseil de sécurité des Nations Unies a parfois été à l’origine de la saisine de la CPI. La première situation déférée par le Conseil de sécurité à la Cour a été celle du Soudan faite par la résolution 1593 du 31 mars 2005. Le Procureur, après plusieurs mois d’enquête, a obtenu de la Chambre préliminaire l’autorisation de délivrance d’un mandat d’arrêt à l’encontre Ahmad HARUN et Ali KUSHAYB pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité et, à l’encontre du Président AL-BASHIR pour crime de génocide, crimes de guerre et crimes contre l’humanité en 2009.

D’autres situations sont actuellement encore sous enquête devant cette Cour. Il s’agit, d’abord, de celle du Kenya où le procureur de la Cour, proprio muto, a initié une enquête sur les violences post-électorales de 2008. Il y a également celles de la Côte d’ivoire, de la Lybie, du Mali, de la Géorgie et de la Burundi.

Néanmoins, plusieurs obstacles freinent le plein exercice du mandat de cette juridiction pénale à vocation mondiale dans la répression des crimes internationaux. Il s’agit de la non-adhésion à son statut de nombreux États, ce qui réduit sa compétence ratione personae[51]. En effet, le statut de la Cour ne permet de poursuivre que les crimes commis par les nationaux de l’État partie au statut de Rome ou ceux commis sur le territoire d’un État partie[52]. Par ailleurs, la compétence de la Cour n’est pas rétroactive et ne peut s’exercer que pour les crimes commis depuis le 1er janvier 2002 concernant les États partie à cette date, ou à partir de la date de ratification concernant les États qui ont adhéré ultérieurement au statut de Rome[53].

La CPI présente, toutefois, un avenir riche de certaines potentialités qui réside, d’une part, dans les possibilités de saisine par le Conseil de sécurité qui permet de faire fi des conditions dégagées par l’article 12 du Statut et, d’autre part, dans le développement substantiel du droit international pénal[54]. Elle doit, cependant, faire face à de nombreuses critiques notamment des États africains qui voient en elle un outil de néocolonialisme et ont décidé de la contourner en mettant en place une Section de droit international pénal au sein de la future Cour africaine de justice, des droits de l’homme et des peuples.

B. Le rôle de la Section pénale de la Cour Africaine de Justice, des Droits de l’Homme et des Peuples (CAJDHP)

L’adoption, en 2014, du Protocole portant amendements au Protocole portant statut de la Cour Africaine de Justice et des Droits de l’Homme, appelé Protocole de Malabo élargit le champ de compétence de la juridiction régionale africaine. Créée par le Protocole de Sharm-El-Sheikh du 1er juillet 2008 et préalablement composée d’une Section des affaires générales et d’une Section des droits de l’Homme, la CAJDHP dispose désormais, conformément à l’article 16 du Protocole de Malabo, d’une troisième section, la Section du droit international pénal. Cette section est composée de trois chambres, dont une chambre préliminaire, une chambre de première instance et une chambre d’appel. La création de cette section, qui étend la compétence ratione materiae de la Cour au droit international pénal, lui permet de connaître de quatorze crimes internationaux dont les crimes de DIH. Ce sont, précisément, le génocide, le crime contre l’humanité et le crime de guerre respectivement définis aux articles 28B, 28C et 28D du Protocole de Malabo.

La création de cette instance pénale internationale est la résultante des tensions qui existent entre le continent africain et la CPI. L’exercice abusif du mécanisme de compétence universelle par les pays occidentaux, le ‘harcèlement’ de Chefs d’États africains par la CPI et la concentration de ses poursuites sur le continent ont justifié la baisse de l’enthousiasme des pays africains dans la promotion de la justice pénale internationale apparue depuis la création du TPIR en 1994. Comme l’affirme Pacifique MANIRAKIZA, « l’Afrique se croit victime d’une sorte de complot international dans la mesure où le système judiciaire international vise uniquement les criminels de guerre africains alors que d’autres se ‘la coulent douce’ chez eux »[55].  Ce sentiment de frustration à l’égard de la CPI a engendré des tensions dans ses relations avec l’UA et les États africains. Cependant, pour ne pas faire du continent un ‘‘paradis’’ de l’impunité, les États africains ont imaginé un mécanisme qui privilégie, selon le professeur Abdoulaye SOMA, « la répression pénale internationale des criminels africains par des juridictions africaines pour le compte des victimes africaines »[56].

Le continent africain s’est ainsi doté d’une juridiction permanente à l’instar de la CPI, compétente pour connaître des crimes internationaux commis sur le sol africain. Il s’agit donc de donner des solutions africaines aux problèmes africains. La création d’une telle juridiction pourrait contribuer à la lutte contre l’impunité sur le continent africain en associant les instances de l’UA à cette cause. Cette initiative s’avère importante dans la mesure où elle s’insère dans l’Architecture Africaine de Paix et de Sécurité (APSA) mise en place au sein de l’UA en vue de la résolution des multiples crises et conflits qui minent le continent africain[57].  Elle pourrait également permettre d’atténuer les critiques précédemment dressées à l’encontre de la CPI, soupçonnée d’acharnement à l’égard des seuls africains.

S’il est vrai que la création d’une telle juridiction peut s’avérer avantageuse dans la répression des crimes internationaux perpétrés en Afrique, elle n’est pas sans inconvénient.  Selon Pacifique MANIRAKIZA, elle comporte un risque d’instrumentalisation politique de la juridiction. Les gouvernements des États africains pourraient, en effet, faire de cette Cour, un forum répressif des opposants politiques ou des rebelles[58]. Ces inconvénients pourraient cependant se révéler mineurs, si les États font preuve de maturité démocratique et de détermination dans le rejet de l’impunité des crimes internationaux.

Ainsi, la multiplication des juridictions pénales internationales, favorise la mise en œuvre du DIH à travers la répression des crimes perpétrés lors des conflits armés. Cependant, la lutte contre l’impunité n’est efficace que si elle permet d’atteindre les objectifs du DIH.

Section 2 : La réalisation des objectifs du droit international humanitaire

Le CICR définit le DIH comme « l’ensemble des règles internationales d’origine conventionnelle ou coutumière, qui sont spécifiquement destinées à régler les problèmes humanitaires, découlant directement des conflits armés internationaux ou non, et restreignant pour des raisons humanitaires, le droit des parties en conflit d’utiliser les méthodes et les moyens de guerre de leur choix, ou protégeant les personnes et les biens affectés ou pouvant être affectés par les conflits »[59]. Au regard de cette définition, le DIH vise deux objectifs majeurs à savoir : le respect des règles relatives à la conduite des hostilités (§1) et la protection des personnes qui ne participent pas ou qui ne participent plus aux hostilités (§2). En réprimant les crimes internationaux, les juridictions pénales internationales contribuent à la réalisation ces objectifs.

§ 1. La garantie du respect des règles relatives à la conduite des hostilités

Dans le Jus in bello, les règles régissant la conduite des hostilités sont fondées sur un équilibre entre la nécessité militaire et le principe d’humanité[60]. En effet, la nécessité militaire n’offre pas aux belligérants carte blanche pour mener la guerre sans aucune contrainte. Elle est limitée par le principe d’humanité qui impose un certain nombre de règles aux belligérants. Ces règles sont d’une part, les règles relatives aux moyens de guerre (A) et, d’autre part, celles relatives aux techniques de guerre (B).

A. Les règles relatives aux moyens de guerre

On entend par moyens de guerre les armes que les belligérants d’un conflit utilisent. Le DIH, qui a pour ambition d’humaniser les conflits armés, pose des garanties visant à limiter le choix des moyens autorisés pour mener la guerre. Il s’agit de garde-fous juridiques posés pour empêcher que les belligérants puissent recourir à n’importe quel moyen pour nuire à l’ennemi et pour préserver la vie humaine durant les hostilités[61].   Il a donc été développé un ensemble de règles qui interdisent ou règlementent la mise au point, la possession et l’emploi de certaines armes. Il s’agit, entre autres, des armes qui créent des maux superflus[62], des armes frappant sans distinction[63], des armes qui causent un dommage étendu à l’environnement naturel[64]. C’est sur cette base que certaines armes font l’objet d’une réglementation spécifique. Il s’agit notamment du poison[65], des balles explosives, des armes dont les éclats sont non localisables par rayon X dans le corps[66], des pièges et autres dispositifs commandés à distance ou déclenchés automatiquement après un certain temps, des mines[67], des armes incendiaires[68], des armes à laser aveuglantes[69], des armes à sous-munitions, des restes explosifs de guerre[70], des armes chimiques[71] et des armes biologiques[72]. Elles sont règlementées à la fois par le droit coutumier et par le droit conventionnel.

La violation de ces normes constitue des infractions graves du DIH qualifiées comme telles et réprimées par les statuts des juridictions pénales internationales au titre des crimes de guerre[73]. Les juridictions pénales internationales peuvent jouer un rôle essentiel dans l’atteinte de ces objectifs à deux niveaux. D’une part, ces juridictions peuvent contribuer à la clarification du régime juridique des moyens de guerre prohibés. Dans l’affaire Dusko TADIC telle que jugée par la Chambre d’appel du TPIY le 2 octobre 1995, les juges ont dans un souci humanitaire étendu les prohibitions de certains moyens de guerre aux Conflits Armés Non Internationaux (CANI), en déclarant qu’était absurde « le fait que les États puissent employer des armes prohibées dans des conflits armés non internationaux quand ils essayent de réprimer une rébellion de leurs propres citoyens sur leur propre territoire »[74]. Ils ont, par la suite, reconnu qu’un consensus général s’est progressivement dégagé dans la communauté internationale sur le principe que l’utilisation de ces armes est également interdite dans les conflits armés internes[75]. Il s’agit, pour les juridictions pénales internationales, d’accorder une plus grande protection aux personnes quel que soit le type de conflits armés, par-delà les limites du dispositif normatif.

D’autre part, les juridictions pénales internationales n’ont pas manqué de punir les personnes ayant utilisé une arme interdite. Dans l’affaire Milan MARTIC du 12 juin 2007, la Chambre de première instance du TPIY a affirmé qu’au regard de ces caractéristiques, « le lance-roquettes Orkan M-87 est une arme d’emploi aveugle dont l’utilisation dans les zones à forte densité de population civile telles que Zagreb ne pouvait que faire de nombreuses victimes »[76]. La répression de l’utilisation des armes interdites par les juridictions pénales internationales permet non seulement de dissuader l’utilisation de ces armes pendant les conflits armés et de décourager leur fabrication, mais aussi de veiller au respect des règles du DIH. L’activité d’interprétation et de qualification des juridictions pénales internationales constitue en partie une assurance du respect de la limitation des moyens de guerre utilisés par les parties belligérantes, dans la mesure où les précédents de ces juridictions participent à l’universalisation de la prohibition de certaines armes dans les conflits armés. Elle produit un effet de contrainte juridique et morale sur les producteurs et les utilisateurs de ces armes interdites.

La limitation des moyens de guerre constitue une part substantielle des règles de la conduite des hostilités. Cependant, elle demeurait, selon Nils MELZER, inefficace à humaniser la guerre, si elle n’était pas accompagnée d’un ensemble de règles qui interdisent ou restreignent les manières dont ces armes peuvent être employées[77].

B. Les règles relatives aux méthodes de guerre

Les règles relatives aux méthodes de guerre trouvent leur inspiration dans le préambule de la Déclaration de Saint-Pétersbourg du 11 décembre 1868 qui affirme que « le seul but de la guerre est l’affaiblissement des forces militaires de l’ennemi »[78]. Les ‘‘méthodes de guerre’’ désignent les techniques d’utilisation des armes lors des conflits armés. Selon Marco SASSOLI Antoine A. BOUVIER et Anne QUINTIN, elles comprennent aussi tous « les procédés tactiques ou stratégiques – indépendamment des armes elles-mêmes – destinés à dominer et affaiblir l’adversaire, tel que le bombardement et les tactiques d’attaque spécifiques, comme le bombardement à haute altitude »[79].

Pour Nils MELZER, on a deux catégories de méthodes de guerre interdites. Il s’agit, d’une part, des méthodes de guerre qui touchent, en premier lieu, la population civile et les biens de caractère civil et, d’autre part, des méthodes de guerre associées essentiellement à la relation entre combattants[80].  Dans la première catégorie, il y a l’interdiction des attaques directes contre les personnes civiles et les biens de caractère civil, les biens culturels et les installations contenant des forces dangereuses[81]; l’interdiction des attaques sans discrimination[82]; l’interdiction d’utiliser les personnes civiles ou les autres personnes protégées comme des boucliers humains[83] ; l’interdiction des actes ou menaces de violence dont le but principal est de répandre la terreur parmi la population civile[84]; l’interdiction des méthodes causant des dommages étendus, durables et graves a l’environnement naturel ou manipulant l’environnement naturel à des fins hostiles[85] ; l’interdiction d’utiliser contre les civils la famine comme méthode de guerre[86]. Dans la seconde catégorie, se trouvent les règles sur la protection des personnes hors de combat, les règles sur les interdictions du refus de quartier, les règles sur la perfidie et l’usage abusif des emblèmes, signes et uniformes[87].  Ces différentes interdictions et restrictions sont non seulement contenues dans le droit de la Haye et de Genève, mais se trouvent aussi incriminées dans les actes fondateurs des juridictions pénales internationales. Elles sont, de nos jours, considérées comme faisant partie des normes coutumières du DIH[88].

Ainsi, les juridictions pénales internationales apparaissent comme des garants de l’atteinte des objectifs du DIH. À cet effet, elles répriment les comportements des belligérants contraires aux règles relatives à la conduite des hostilités notamment celles portant sur les méthodes de guerre. C’est à ce titre que dans l’affaire Tihomir BASIC du 3 mars 2000, la Chambre de première instance du TPIY a condamné ce dernier pour les attaques contre des villes et des villages ; les meurtres et les atteintes graves à l’intégrité physique ; la destruction et le pillage de biens, des traitements cruels ou inhumains à l’égard de civils…[89].

En plus des règles sur la conduite des hostilités visant la protection des personnes civiles, il existe de nombreuses règles destinées à protéger les personnes vulnérables contre l’arbitraire de l’ennemi quelle que soit leur situation.

§ 2. La garantie du respect des règles de protection des personnes vulnérables

Le but de la réglementation applicable aux conflits armés est de donner, un tant soit peu, un visage humain à la guerre. L’objectif de la guerre n’étant pas l’anéantissement physique de l’ennemi, mais plutôt son affaiblissement du point de vue militaire, la conduite des hostilités doit garantir la protection des personnes qui ne sont pas activement engagées dans le conflit. C’est dans cette vision que le DIH a développé un arsenal normatif visant la protection des personnes vulnérables, c’est-à-dire, des personnes qui ne participent pas ou ne participent plus au conflit. À cet égard, le DIH établit un régime de protection générale des personnes vulnérables (A) et un régime de garanties spécifiques protégeant des catégories de personnes en raison de leur situation particulière (B). En réprimant les manquements à ces règles, les juridictions pénales internationales contribuent à les rendre effectives dans les conflits armés.

A. Les règles relatives à la protection générale des non-combattants

Le DIH accorde une protection générale à toutes les personnes qui ne participent pas activement au conflit. Cette protection concerne, en premier, les personnes civiles. Ces personnes sont définies comme toutes les personnes qui ne sont ni des membres des forces armées d’une partie au conflit, ni des participants à une levée en masse. Elles ont droit à « la protection contre les attaques directes, sauf si elles participent directement aux hostilités et pendant la durée de cette participation »[90].  Avant l’adoption des conventions de Genève de 1949, la population civile ne faisait pas l’objet d’une importante réglementation en DIH. Un régime de protection existait dans les lois et coutumes de la guerre mais demeurait rudimentaire. Cette situation s’expliquait par le fait que ces personnes n’étaient pas censées participer aux conflits armés. Cependant, les conflits armés contemporains ont montré qu’elles étaient davantage victimes de la conduite des hostilités que les combattants eux-mêmes. Les horreurs laissées par les bombes atomiques larguées en 1945 par les Etats-Unis au Japon ont convaincu les États, sous l’égide du CICR, d’adopter une convention propre en matière de la protection des populations civiles[91] en plus des garanties interdisant des comportements portant atteinte au bien-être physique et à la dignité des personnes contenues dans le Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux (Protocole I)  du 8 juin 1977 et le Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés non internationaux (Protocole II) du 8 juin 1977. La protection des populations civiles a alors été prise en compte dans le droit de Genève.

Les juridictions pénales internationales dont la mission est d’assurer la mise en œuvre du DIH, sont garantes du respect de l’interdiction d’attaque directe contre les civiles et du principe de la distinction entre combattants et populations civiles et entre objectifs militaires et biens à caractère civil. Devant la Chambre d’appel du TPIY dans l’affaire Pavle STRUGAR du 22 novembre 2002, les juges ont affirmé que « la violation des principes qui proscrivent les attaques contre des civils et les attaques illégales contre des biens de caractère civil, constitue des violations du droit international coutumier et engage la responsabilité pénale individuelle »[92].  De même, la population civile ne doit pas être utilisée pour mettre certains points ou certaines zones à l’abri d’opérations militaires, notamment pour tenter de mettre des objectifs militaires à l’abri d’attaques ou de couvrir, favoriser ou gêner des opérations militaires. Les Parties en conflit ne doivent pas diriger les mouvements de la population civile ou des personnes civiles pour tenter de mettre des objectifs militaires à l’abri des attaques ou de couvrir des opérations militaires[93].

Par ailleurs, les combattants mis hors de combat, ainsi que les personnes qui ne participent pas directement aux hostilités ne doivent pas être l’objet d’attaques. Les juridictions pénales internationales garantissent également une protection à ceux-ci. Dans l’affaire Milan MARTIC du 8 octobre 2008, la Chambre d’appel du TPIY affirmait qu’« une personne hors de combat peut donc être victime d’un acte constituant un crime contre l’humanité, dès lors que toutes les autres conditions requises sont remplies, notamment que l’acte en question s’inscrit dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique contre une population civile, quelle qu’elle soit »[94].  De même, dans l’affaire Blaskic du 29 juillet 2004, la Chambre d’appel du TPIY a affirmé que « les prisonniers de guerre ne doivent pas constituer un bouclier humain »[95].

La protection de personnes vulnérables est aussi assurée à travers la répression des autres crimes du DIH à savoir les crimes contre l’humanité et le crime de génocide. À ce titre, la Chambre d’appel du TPIY dans l’affaire Dusko TADIC a admis que « les attaques généralisées contre la population civile constituent même en l’absence d’un conflit armé, un crime contre l’humanité »[96].

En réprimant la violation des règles relatives à la protection générale des non-combattants et en développant le régime de protection de ceux-ci, les juridictions pénales internationales veillent à l’application effective des règles relatives à la protection des personnes qui ne participent pas activement au conflit armé. Elles assurent, à ce titre, la promotion du respect des règles du DIH et l’atteinte de ses objectifs.

À côté de la protection générale de la population civile, il y a des garanties spécifiques de protection qui sont destinées à certaines catégories de personnes.

B. Les règles relatives à des protections spécifiques de certaines personnes

Le DIH accorde des garanties pour la protection des personnes présentant une vulnérabilité particulière. Ce sont un ensemble de normes visant la protection d’une catégorie de personnes en raison de leurs conditions physiques ou en raison de leurs activités. Les catégories de personnes concernées par cette protection sont, entre autres, les femmes, les enfants, le personnel de maintien de la paix, le personnel religieux, le personnel des organisations humanitaires etc.

Les conflits armés sont très souvent des occasions d’atteintes graves à l’intégrité et aux droits des femmes. En raison de leurs conditions physiques, elles sont constamment exposées et souvent victimes de viol, d’agression sexuelle et d’autres formes d’atteintes à la pudeur. L’affaire Anto FURUNDIJA du 10 décembre 1999, devant Chambre de première instance du TPIY, a permis d’importants développements sur la question du viol. Après avoir dégagé un principe général de droit permettant de réprimer ces atteintes, la Chambre de première instance a étendu cette protection à toutes les autres formes de violences sexuelles telles que les pénétrations orales[97].

Les enfants sont très souvent victimes et auteurs de violations des crimes graves de DIH. Ils en sont victimes dans la mesure où ils sont les premiers à ressentir les conséquences de la dégradation des conditions de vie des populations lors des hostilités militaires. Les enfants sont parfois des auteurs de crimes de DIH lorsqu’ils participent aux combats. Ils ont également prouvé une grande capacité de brutalité lorsqu’ils participent activement à la conduite des hostilités. Les conflits qui se sont déroulés en Sierra Léone de mars 1991 à janvier 2002 et en République Démocratique de Congo en 2002, ont été le théâtre d’agissement des enfants soldats. Les juridictions pénales internationales, à travers leurs décisions ont développé le régime de répression du recrutement volontaire et involontaire des enfants dans les rangs des combattants.

Le personnel de maintien de la paix, qui fait l’objet d’attaques à l’occasion des conflits armés connaît, de nos jours, une protection grâce aux statuts des tribunaux et leur jurisprudence. Ce personnel est assimilé à la population civile toutes les fois qu’il n’est pas activement engagé dans les conflits et, à ce titre, bénéficie de la même protection[98].

L’activité des juridictions pénales internationales permet, à travers l’examen des situations et les condamnations des criminels, de rendre effectives les règles du DIH et, partant, de contribuer à la réalisation des objectifs de celui-ci. Toutefois, cela demeure insuffisant pour assurer la mise œuvre du DIH en raison des lacunes que comporte le système répressif. De ce point de vue, les juridictions pénales internationales contribuent également au développement progressif du DIH.

CHAPITRE 2 : LE DÉVELOPPEMENT PROGRESSIF DU DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIRE PAR LES JURIDICTIONS INTERNATIONALES

Dans leur mission de mise en œuvre du DIH, les juridictions pénales internationales comblent ses lacunes qui l’empêchaient autrefois d’être un droit effectif. Il s’agit, pour ces juridictions pénales internationales, de résoudre les difficultés liées à la clarté des notions du DIH et à l’insuffisance des normes conventionnelles du DIH pour permettre une répression effective des crimes commis pendant les situations de conflits armés.  L’intérêt croissant des États pour la création de ces juridictions s’est donc justifié par la capacité de ces dernières à résoudre les problèmes de DIH. Cette contribution des juridictions internationales au développement progressif se réalise à travers la clarification de certaines normes du DIH (Section 1) et la détermination de nouvelles normes applicables aux conflits armés (Section 2).

Section 1 : Le développement progressif du droit international humanitaire par la clarification normative

Avant le phénomène de la multiplication des juridictions pénales internationales, deux critiques majeures étaient faites à l’encontre du DIH.  D’une part, celui-ci était jugé inutile, parce qu’il était toujours en retard face à l’évolution des conflits armés et, d’autre part, il était qualifié de vain et inefficace, parce qu’il n’était ni en mesure de résoudre les problèmes juridiques issues des conflits armés, ni en mesure de les empêcher[99]. Conscients des caractéristiques de la matière, les juges, par leur travail acharné, ont contribué à la clarification des définitions des crimes du DIH (§1) et ont favorisé l’émergence de certaines notions du DIH (§2).

§ 1. La clarification de la définition des crimes du droit international humanitaire

Par clarification de la définition des cimes du DIH, il faut entendre les précisions apportées par les tribunaux pénaux internationaux à la définition des crimes de DIH contenue dans les textes internationaux et la détermination des conditions d’application de ces crimes. Les crimes du DIH sont les crimes internationaux ayant un caractère collectif, portant atteinte à des valeurs fondamentales d’ordre universel[100]. Ce sont précisément les crimes visés par les résolutions 808 du 22 février 1993 et 827 du 25 mai 1993 du Conseil de sécurité des Nations Unies sur la situation de conflit qui prévalait en ex-Yougoslavie, et qualifiés comme les violations graves du DIH dans les statuts du TPIY et du TPIR. Il s’agit du crime de guerre, du crime contre l’humanité et du crime de génocide. Les normes qui prohibent ces crimes sont, de nos jours, considérées comme des normes impératives du droit international c’est-à-dire des normes de jus cogens[101]. Cette clarification jurisprudentielle de la définition des crimes du DIH concerne aussi bien le crime de guerre (A) que le crime de génocide et le crime contre l’humanité (B).

A. La définition des crimes de guerre

La notion de crime de guerre est une notion évolutive. Selon Henri D. BOSLY et Damien VANDERMEERSCH, cette notion était préalablement entendue comme un acte commis pendant un conflit armé international et qualifié d’infraction grave par les conventions du droit international humanitaire[102].  Ce sont les différentes violations pour lesquelles les conventions du DIH organisaient un régime de responsabilité pénale. Ce sont entre autres« l’homicide intentionnel, la torture ou les traitements inhumains, y compris les expériences biologiques, le fait de causer intentionnellement de grandes souffrances ou de porter des atteintes graves à l’intégrité physique ou à la santé, la destruction et l’appropriation de biens, non justifiées par des nécessités militaires et exécutées sur une grande échelle de façon illicite et arbitraire »[103].

 Pour pouvoir aboutir à cette qualification d’infraction grave aux conventions de Genève, la Chambre d’appel du TPIY dans l’affaire Dusko TADIC, a dégagé quatre éléments essentiels : Il s’agit de l’existence d’un conflit armé, du caractère international du conflit, de l’atteinte des personnes et biens protégés, de l’existence d’un lien entre les violations et le conflit armé[104].

 La notion de crime de guerre a été développée par ce même arrêt et a été consolidée par la jurisprudence des autres juridictions pénales internationales. Pour la Chambre d’appel du TPIY, le crime s’étend, de nos jours, aux crimes commis dans le cadre des conflits armés non internationaux et prend en compte les violations des lois et coutumes de la guerre[105]. Pour aboutir à cette opération, la chambre d’appel du TPIY a, d’abord, rappelé la nature coutumière de l’article 3 commun aux conventions de Genève de 1949 et a dégagé les conditions nécessaires pour prouver le caractère coutumier d’une incrimination. Ce sont les conditions suivantes : « i) la violation doit porter atteinte à une règle du droit international humanitaire ; ii) la règle doit être de caractère coutumier ou, si elle relève du droit conventionnel, les conditions requises doivent être remplies ; iii) la violation doit être grave, c’est-à-dire qu’elle doit constituer une infraction aux règles protégeant des valeurs importantes et cette infraction doit entraîner de graves conséquences pour la victime.[..] iv) la violation de la règle doit entraîner, aux termes du droit international coutumier ou conventionnel, la responsabilité pénale individuelle de son auteur »[106].

Le crime de guerre est défini comme toute violation grave du DIH et qui est susceptible d’engager la responsabilité pénale de leur auteur indépendamment de la nature du conflit[107]. Cette définition a été stabilisée grâce l’activité des juridictions pénales internationales.

On assiste, de nos jours, à un affaiblissement de l’incrimination du crime de guerre au profit au profit du crime contre l’humanité et du crime de génocide[108].

B. La définition du crime contre l’humanité et du crime de génocide

Le crime contre l’humanité et le crime de génocide sont, avec les crimes de guerre, les crimes internationaux dont la répression suscite l’intérêt de la communauté internationale.

Le crime contre l’humanité, contrairement aux autres crimes du DIH, n’est contenu dans aucune convention de droit international. Il a été conçu dans les statuts des premières juridictions pénales internationales[109]. Il a, par la suite, été modelé sous l’activité des juridictions pénales internationales ad hoc avant de se stabiliser dans le Statut de Rome de la CPI comme le résultat de toute l’activité de réflexion sur la notion. La notion de crime contre l’humanité a donc eu un contenu variable au cours du temps.

Le crime contre l’humanité est un acte qui vise l’humanité de l’individu et du groupe auquel il appartient ou auquel le criminel le rattache. Il transcende l’individu puisque l’auteur de l’acte, en s’attaquant à l’homme, nie son Humanité[110]. Selon Florent BUSSY, le crime contre l’humanité se distingue des autres formes de crimes par son caractère massif et systématique et par son mobile qui n’est pas extérieur au crime, mais réside dans le crime lui-même[111]. Il est également dirigé contre une population civile.

Le contexte de la commission du crime contre l’humanité, qui était autrefois lié à l’existence d’un conflit armé, a connu une importante évolution avec la jurisprudence du TPIY. Dans l’affaire Dusko TADIC du 2 octobre 1995, les juges de la Chambre d’appel du TPIY ont déterminé que l’absence de lien entre le crime contre l’humanité et un conflit armé est maintenant une règle établie du droit international coutumier. Pour la chambre d’appel du TPIY, l’exigence selon laquelle un crime contre l’humanité doit être commis lors d’un conflit armé a été progressivement abandonnée[112].  Cette jurisprudence a trouvé écho dans les statuts des juridictions pénales internationales qui ont créées après le TPIY : ces juridictions pénales internationales n’ont pas reconduit la condition de l’existence d’un conflit armé dans la définition du crime contre l’humanité. La Chambre de première instance du TPIR dans l’affaire Jean-Paul AKAYESU du 2 septembre 1998, a dégagé quatre conditions permettant de reconnaître le crime contre l’humanité. Il s’agit : «  i) l’acte, inhumain par définition et de par sa nature, doit infliger des souffrances graves ou porter gravement atteinte à l’intégrité physique ou à la santé mentale ou physique ; ii) l’acte doit s’inscrire dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique ; iii) l’acte doit être dirigé contre les membres d’une population civile ; iv) l’acte doit être commis pour un ou plusieurs motifs discriminatoires, notamment pour des motifs d’ordre national, politique, ethnique, racial ou religieux » [113]. Selon cette Chambre, pour la définition du crime contre l’humanité, il est requis un contexte particulier qui est une attaque générale ou systématique et cette attaque doit être le résultat d’une politique d’un État ou d’une organisation[114].

Ces différentes précisions ont été reprises dans l’article 7 du statut de Rome de la CPI, relatif aux crimes contre l’humanité. Le crime contre l’humanité est défini comme « l’un quelconque des actes ci-après lorsqu’il est commis dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique lancée contre toute population civile et en connaissance de cette attaque : a) Meurtre; b) Extermination; c) Réduction en esclavage; d) Déportation ou transfert forcé de population; e) Emprisonnement ou autre forme de privation grave de liberté physique en violation des dispositions fondamentales du droit international; f) Torture; g) Viol, esclavage sexuel, prostitution forcée, grossesse forcée, stérilisation forcée ou toute autre forme de violence sexuelle de gravité comparable; h) Persécution de tout groupe ou de toute collectivité identifiable pour des motifs d’ordre politique, racial, national, ethnique, culturel, religieux ou sexiste au sens du paragraphe 3, ou en fonction d’autres critères universellement reconnus comme inadmissibles en droit international, en corrélation avec tout acte visé dans le présent paragraphe ou tout crime relevant de la compétence de la Cour; i) Disparitions forcées de personnes; j) Crime d’apartheid; k) Autres actes inhumains de caractère analogue causant intentionnellement de grandes souffrances ou des atteintes graves à l’intégrité physique ou à la santé physique ou mentale »[115]. Cette définition actualisée du crime contre l’humanité peut aujourd’hui être considérée comme l’aboutissement des différents développements réalisés par les juridictions pénales internationales.

Le crime de génocide, quant à lui, a été défini par la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide du 9 décembre 1948. Selon l’article 2 de cette convention « le génocide s’entend de l’un quelconque des actes ci-après, commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel : a) Meurtre de membres du groupe; b) Atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe; c) Soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle; d) Mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe; e) Transfert forcé d’enfants du groupe à un autre groupe »[116]. Selon Thomas BENAGES, le génocide aboutit au refus du droit à l’existence d’un peuple ou d’une ethnie[117].

C’est avec la jurisprudence du TPIR, que le crime de génocide connaitra un grand développement. Dans l’affaire Jean-Paul AKAYESU devant la Chambre de première instance du TPIR, les juges ont d’abord reconnu le fondement coutumier du crime génocide[118]  et ont ensuite, déterminé ses éléments constitutifs. Ce dernier aspect constitue, selon Roland ADJOVI et Florent MAZERON, la contribution la plus riche de la jurisprudence du TPIR en matière de répression du crime de génocide[119]. Dans cette même l’affaire, les juges ont donc déterminé que le crime de génocide est caractérisé par son dolus specialis, qui réside dans le fait que les actes incriminés sont commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe[120].

Dans l’affaire Ignace BAGILISHEMA devant la Chambre de première instance du TPIR, les juges ont également donné une définition subjective à la notion de groupe. Ils affirment à ce titre que la notion de groupe doit être appréciée au regard du contexte politique, social, historique et culturel. Ils ajoutent que « les auteurs de génocide peuvent définir le groupe visé d’une façon qui ne correspond pas tout à fait à l’idée que l’on fait généralement du groupe ou à celle que s’en font d’autres couches de la société »[121]. Cette conception a permis de considérer les tutsis comme un groupe ethnique au Rwanda.

Cette vision subjective du groupe constitue, avec le refus d’accepter la théorie du cumul d’infraction selon Laurence BURGORGUE-LARSEN, les importantes avancées du TPIR en matière de crime de génocide[122].   La jurisprudence a permis de clarifier la notion de crime de génocide à travers la définition de ses éléments constitutifs.

La juridictionnalisation du DIH a permis non seulement la clarification des éléments constitutifs des crimes du DIH, mais aussi de prendre en compte les tendances émergentes de ce droit afin qu’il puisse répondre aux défis contemporains.

§ 2. La prise en compte des tendances émergentes du droit international humanitaire

L’activité des juridictions pénales internationales, dans l’ambition de réaliser le droit international humanitaire, a bouleversé les conceptions classiques du DIH. Elle a, en effet, pris en compte les tendances émergentes du DIH, dans le but d’humaniser d’avantage les conflits armés. Ainsi, les juridictions pénales internationales ont entériné les nouvelles tendances de la distinction entre CAI et CANI (A) et de la distinction entre combattants et population civile (B).

A. Les nouvelles tendances dans la distinction entre CAI et CANI

Selon Jean COMBACAU et Serges SUR « la guerre, qui était une notion familière au droit international classique […] a aujourd’hui perdu de son sens »[123]. La ‘dissolution de la notion de guerre’ au profit de celle de conflit armé est en partie due à l’effort visant à limiter les recours licites à la violence interétatique et de l’évolution concrète de la violence internationale[124]. La notion de conflit armé a été introduite dans le droit international avec les conventions de Genève de 1949. Ces conventions du DIH visent essentiellement les conflits armés internationaux (CAI). Seulement, l’article 3 commun aux quatre conventions de Genève aménage la conduite des hostilités dans les Conflits Armés Non Internationaux (CANI). Le régime juridique des CANI va cependant connaître une évolution avec l’adoption des premiers instruments des Droits de l’Homme[125]. En effet, certains États préfèrent invoquer le droit des conflits armés non internationaux pour justifier les atteintes à la vie pendant un conflit interne pour éviter l’application des Droits de l’Homme qui protège le droit à la vie. La souveraineté était pendant longtemps un obstacle au développement du régime juridique des CANI. Le protocole additionnel II aux conventions de Genève de 1977, sera une grande concession de la part des États, qui veulent garder le droit de réprimer sans restriction toute rébellion sur leurs territoires. C’est finalement le droit coutumier qui permettra au Droit des conflits armés non internationaux de s’émanciper davantage. Comme l’affirme Frédéric MEGRET, « le régime juridique des CANI a toujours été un régime par défaut ,construit dans l’ombre du régime applicable aux CAI et marqué des craintes souverainistes très spécifiques »[126].

C’est dans l’affaire TADIC devant la Chambre d’appel du TPIY, que l’effacement de la distinction entre CAI et CANI connaîtra un début d’application. Les juges du TPIY, dans leur raisonnement se sont posé l a question de savoir « pourquoi protéger les civils de la violence de la guerre, ou interdire le viol, la torture […] interdire des armes causant des souffrances inutiles quand deux États souverains sont en guerre et, dans le même temps, s’abstenir de décréter les mêmes interdictions ou d’offrir les mêmes protections quand la violence armée éclate « uniquement » sur le territoire d’un État souverain ?»[127] .  Poursuivant leur analyse, ils ont affirmé que si le droit international doit progressivement assurer la protection des êtres humains, l’effacement de la distinction entre CAI et CANI n’est que naturel. Ils ont alors conclu que les règles de droit coutumier applicables aux conflits ne fait pas de distinction entre CAI et CANI dans la protection des personnes et qu’ils sont tenus d’appliquer le droit coutumier et non le droit conventionnel[128].

Ce raisonnement, qui conduit à la relativiser la distinction entre les deux types de conflits armés a trouvé écho dans la jurisprudence et le droit conventionnel. En effet, la Chambre d’appel de TSSL, dans l’affaire Moimina FOFANA du 25 mai 2004, a considéré que la nature interne ou internationale du conflit n’influait pas sur la compétence ratione materiae du tribunal, et qu’en conséquence ils n’avaient pas à le qualifier[129]. Cette tendance à relativiser la distinction entre CAI et CANI été confirmée par l’article 8 le statut de Rome de la CPI dans sa définition des crimes de guerre. En effet, les infractions, qui sont constitutives de crimes de guerre dans les conflits armés internationaux, sont également qualifiées de crime de guerre dans les conflits armés non internationaux[130]. Aussi la Chambre de première instance de la CPI dans l’affaire Thomas LUBANGA affirme-t-elle cette tendance en déclarant que « la portée de la protection accordée par le Statut contre l’enrôlement, la conscription et la participation active à des hostilités d’enfants de moins de quinze ans est similaire, quelle que soit la qualification du conflit armé »[131]. Si l’on peut constater l’effacement de la distinction entre CAI et CANI dans l’action des juridictions internationales, cette distinction demeure toujours une réalité. Les juridictions pénales internationales sont, en effet, souvent obligées de qualifier la nature du conflit afin de pouvoir appliquer leur statut[132]. Cette volonté des juridictions d’« humaniser le droit des conflit armés »[133] les a conduites à relativiser aussi la distinction entre combattants et population civile.

B. Les nouvelles tendances dans la distinction entre combattants et population civile

La DIH coutumier consacre la distinction entre combattants et population civile. Selon un principe bien établi en DIH, les parties au conflit doivent en tout temps faire la distinction entre les civils et les combattants.  Cette distinction vise essentiellement la protection de la population civile en période de conflit armé. Cet objectif de protection de la population civile, selon Nils MELZER, ne peut être atteint que si les notions de personne civile et de combattant sont définies et si la portée et les conditions de la protection accordée aux personnes civiles sont claires[134]. Dans certaines situations, cependant, la frontière entre combattants et population civile est tellement mince qu’il se pose le problème de la reconnaissance des personnes pouvant bénéficier de la protection accordée à la population civile.

 La population civile en DIH se définit négativement par rapport à la notion de combattant. Elle peut être comprise comme l’ensemble des personnes qui ne sont ni membres des forces armées d’une partie au conflit, ni participants à une levée en masse[135]. La reconnaissance des personnes pouvant prétendre au statut de la population civile ne peut être déterminée qu’à partir de la définition de l’ensemble des personnes qui font partie du groupe des combattants dans le cadre d’un conflit armé. Le combattant est entendu comme toute personne faisant partie des catégories suivantes : les membres des forces armés d’une partie au conflit, les membres des autres milices et les membres des autres corps de volontaires, les personnes qui suivent les forces armées, les membres des équipages, les participants à une levée en masse.

Cette définition des combattants permet d’exclure de la population civile toutes les personnes qui ne participent plus à la guerre notamment les blessés, les malades, les démotivés…, ce qui semble contraire aux objectifs du DIH[136]. En effet, l’effacement de la distinction entre combattants et populations civiles répond au besoin d’apporter plus de protection aux personnes qui ne participent pas activement aux conflits-armés. C’est, d’ailleurs dans cet esprit que l’article 3 commun aux quatre conventions de Genève de 1949 et l’article 4 du Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés non internationaux, recommande un traitement humain à toutes les personnes qui ne participent pas ou qui ne participent plus aux hostilités, ce qui inclut les combattants blessés ou ceux ayant déposé leurs armes.

Dans l’affaire Mile MRSKIĆ et autres du 03 avril 1996, la Chambre de première instance du TPIY a considéré que « la notion de « civil », dans l’expression « attaque contre une population civile », devait s’entendre largement comme incluant non seulement les personnes « non-combattantes», mais également les personnes qui, au moment de la commission du crime, ne participaient plus aux hostilités »[137]. Cette vision sera consolidée en 2008 lorsque les juges d’appel de cette même juridiction affirmeront dans l’affaire Milan MARTIĆqu’il était suffisant de montrer que « l’« attaque » avait bien visé une « population civile », mais qu’en revanche, il n’était pas nécessaire de prouver que la victime du crime commis dans le cadre de cette attaque, était elle-même civile »[138]. C’est pourquoi, Olivier DE FROUVILLE et Olivia MARTELLY ont affirmé que, selon la juridiction, un crime contre l’humanité peut être commis à l’encontre de combattants  hors de combat, à condition que l’attaque elle-même ait été dirigée contre une population civile[139].

La Chambre de première instance du TSSL dans l’affaire Sesay, Kallon, Gbao du 2 mars 2009 contribuera également à cette relativisation lorsqu’il examinera la situation des soldats de la paix pour déterminer si ces derniers pouvaient bénéficier de la protection accordée aux populations civiles. Les juges du TSSL ont conclu que les soldats de la MINUSIL ayant fait l’objet d’attaque, ne participaient pas directement et activement aux hostilités. Par conséquent ces derniers bénéficiaient de la protection qui est généralement accordée aux populations civiles[140].

Les nouvelles tendances dans la distinction entre combattants et population civile qui sont marquées par la relativisation de ces deux notions ont pour finalité d’accorder plus de protection aux personnes qui ne sont pas activement engagées dans la conduite des hostilités. Les juridictions pénales internationales, en contribuant cette relativisation, permettent au DIH de se développer afin de pouvoir répondre aux attentes actuelles de la protection des personnes vulnérables pendant les conflits armés.

En plus de l’œuvre de clarification des normes dans l’application du DIH, les juridictions pénales internationales participent directement à la détermination des normes de DIH.

Section 2 : Le développement progressif du droit international humanitaire par la détermination des normes

L’œuvre juridictionnelle des juridictions pénales internationales a contribué au développement quantitatif et qualitatif des normes du DIH. Dans leur mission de mettre en œuvre le DIH, les juridictions pénales internationales doivent surmonter les lacunes que comportent les conventions du DIH afin d’assurer une répression efficace des auteurs des crimes du DIH. Le développement opéré par ces juridictions dans la mise du DIH s’est traduit par la reconnaissance de nouvelles normes applicables aux parties à un conflit armé. Il s’agit de la détermination des normes coutumières du DIH (§1) et de la reconnaissance des principes généraux du DIH (§2).

§ 1 La détermination des normes coutumières de droit international humanitaire

La coutume occupe une place centrale dans le processus de formation du droit international[141]. Elle se trouve dans la typologie des sources du droit international consacrées à l’article 38 du Statut de la CIJ et fait partie du droit international général. Elle est généralement entendue comme le résultat de la conjonction d’une pratique constante et de l’acceptation par les États de son caractère obligatoire[142]. La coutume constitue, aujourd’hui, une source importante pour le DIH. C’est ce qui justifie sans doute l’étude menée en 2005 par le CICR, visant à identifier les normes coutumières du DIH. Dans le cadre de la présente étude, il s’agit pour nous d’étudier la démarche prétorienne de la reconnaissance des normes coutumières en DIH. À cet égard, les juridictions pénales internationales jouent un rôle essentiel dans la détermination des normes coutumières du DIH. Deux méthodes sont fréquemment utilisées par ces juridictions pour la détermination des normes coutumières du DIH. Il s’agit, d’une part, de la méthode inductive (A) et, d’autre part, de la méthode déductive (B).

A. La détermination des normes coutumières par la méthode inductive

La détermination des normes coutumières par la méthode inductive est un processus classique de reconnaissance des normes coutumières par le juge. Selon cette méthode, le juge, dans un premier temps, doit démontrer l’existence de l’élément matériel de la coutume, appelé la consuetudo et, dans un second temps, montrer l’existence de l’élément psychologique, dénommé l’opinio juris sive necessitatis. La réunion de ces deux éléments est une condition à la fois nécessaire et suffisante pour pouvoir dégager une coutume[143].

En DIH en particulier, le juge commence toujours son examen par vérifier la pratique des États et des organisations internationales. Il s’agit des données sur les comportements des États. Jean COMBACAU et Serges SUR disaient à ce propos que la coutume est susceptible de prendre appui sur n’importe quelle manifestation de la vie internationale[144].

La méthode inductive conduit le juge à recenser et à examiner les différents comportements des acteurs concernés pour savoir si cette pratique est continue, générale et si elle s’inscrit dans la durée. Cependant, la pratique ne suffit pas à établir l’existence de la coutume. Pour parvenir à conclure à l’existence d’une norme coutumière, le juge recherche également l’existence d’une conviction des auteurs de ce comportement de se soumettre à une obligation juridique. Selon le professeur René-Jean DUPUY, lorsque dans le processus coutumier, le fait précède le droit, on est en présence d’une coutume sage[145].

Deux applications de cette méthode inductive dans la jurisprudence des juridictions pénales internationales témoignent de son importance dans le DIH. Il s’agit des affaires TADIC et NORMAN respectivement devant le TPIY et le TSSL.

Dans l’affaire TADIC, la Chambre d’appel du TPIY dans son Arrêt du 2 octobre 1995, a procédé à l’examen de l’existence de règles coutumières en matière de CANI. En examinant la pratique de la communauté internationale, elle a conclu que la distinction entre conflits entre États et guerres civiles perd de sa valeur en ce qui concerne la protection des personnes. Elle constate que la pratique est constituée par le comportement non seulement des États belligérants, des gouvernements et des rebelles, mais aussi des organisations telles que l’ONU et le CICR[146].  Elle finit par dégager au regard des communiqués de l’Union européenne et des résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU ainsi que de la réglementation des États, une articulation claire de l’opinion qu’il existe un ensemble de principes et de normes générales relatifs aux conflits armés internes[147].

Dans l’affaire Norman, la Chambre de première instance du TSSL dans son arrêt du 31 mai 2004, a commencé par rappeler que « the formation of custom requires both state practice and a sense of pre-existing obligation (opinio iuris[148]. Poursuivant son analyse, elle a observé qu’en ce qui concerne la pratique, il est montré que presque tous les États interdisent le recrutement ou l’enrôlement des enfants. Pour conclure son raisonnement, elle a affirmé que la reconnaissance et l’acceptation larges de la norme qui interdit le recrutement d’enfants dans le Protocole additionnel II et dans la Convention relative aux droits de l’enfant démontrent de manière  probante que la norme conventionnelle était devenue un principe de droit international coutumier[149]. Pour conforter l’élément subjectif de la norme coutumière, les juges du TSSL ont constaté qu’aucune réserve n’a été formulée pour affaiblir l’obligation légale inscrite à l’article 38 de la Convention relative aux droits de l’enfant[150].

La méthode inductive constitue ainsi la méthode couramment utilisée par les juridictions internationales pour déterminer les règles coutumières du DIH. Cependant, le DIH étant constitué, dans une large mesure, d’un ensemble de règles prohibitives reposant sur des pratiques qui sont, par hypothèse, abstentionnistes[151] et par nature insaisissables et difficiles à prouver, les juges ont parfois recours au raisonnement déductif pour déterminer l’existence et la preuve des règles coutumières de droit international humanitaire.

B. La détermination des normes coutumières par la méthode déductive

Contrairement à l’approche inductive, la méthode déductive détermine les règles coutumières par un raisonnement déductif plutôt que par la preuve empirique d’une pratique générale et son acceptation comme étant le droit (opinio juris). Le raisonnement déductif est celui qui tire d’une ou de plusieurs propositions connues la validité d’une ou de plusieurs propositions inconnues qui en sont la conséquence nécessaire[152]. Les juridictions pénales internationales ont dû faire appel à cette méthode au regard de la particularité du droit des conflits armés. Ainsi, la Chambre d’appel du TPIY, dans l’affaire TADIC du 2 octobre 1995, disait à ce propos : « quand on s’efforce d’évaluer la pratique des États en vue d’établir l’existence d’unerègle coutumière…, il est difficile, pour ne pas dire impossible, de préciser le comportement effectif des troupes sur leterrain dans le but d’établir si elles respectent ou ignorent en fait certaines normes de conduite »[153].

Pour illustrer la méthode déductive, qualifiée de moderne par rapport à la méthode inductive qui est qualifiée de classique, nous évoquerons deux cas tranchés devant le TPIY et devant les Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens. Il s’agit de l’affaire KUPRESKIC et de l’affaire DUCH.

Dans le premier cas, la Chambre d’appel du TPIY dans son arrêt du 14 janvier 2000, a commencé par rappeler qu’en matière de représailles contre les populations civiles, « la pratique récente des États ne semble pas aller uniformément dans le sens de l’émergence d’un des éléments constituant la coutume »[154]. Elle a écarté ainsi le premier élément de la méthode inductive. Elle a poursuivi son raisonnement en déclarant qu’il s’agit d’un domaine où l’opinio juris sive necessitatis joue un rôle plus important en raison de la clause Martens. Elle a ajouté que « la manière dont les États et les juridictions ont appliqué cette clause montre clairement que les principes du droit international humanitaire peuvent, par processus coutumier, naître de la pression des exigences de l’humanité ou de celles de la conscience publique, même lorsque la pratique des États est rare ou contradictoire »[155]. La Chambre a conclu son analyse en affirmant que « les exigences de l’humanité et de la conscience publique, telles qu’elles se manifestent à travers l’opinio juris, ont conduit à la formation d’une règle coutumière qui lie également les quelques États qui, à un certain moment, n’entendaient pas exclure la possibilité juridique théorique de recourir à ce type de représailles »[156].

La seconde illustration de la méthode déductive est fournie par la Chambre d’appel des Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens, dans l’affaire KAlNG Guek Eav alias DUCH du 3 février 2012. Elle a débuté son analyse en adoptant le raisonnement des juges de l’affaire KUPRESKIC sur la détermination des normes coutumières. Elle a affirmé, à ce propos, « qu’en ce qui concerne le droit international coutumier, pour vérifier la survenance d’un principe ou d’une règle générale selon lequel un fait contrevient aux lois de l’humanité ou aux injonctionsde la conscience publique, le critère traditionnel, au regard duquel il faut rapporterla preuve d’une pratique des États largement répandue et pratiquement uniforme, est en réalité moins strict que dans d’autres branches du droit international »[157]. Elle a ajouté que « pour démontrer l’existence d’une règle coutumière, la preuve de la conviction des sujets de droit que l’accomplissement d’un acte est obligatoire parce que le droit l’exige, peut primer sur celle de l’accomplissement effectif de cet acte »[158]. Pour finir, la Chambre a démontré la nécessité de cette méthode dans le domaine du DIH en soutenant que « le fait que des crimes aient fait l’objet de peu de poursuites ne peut être considéré comme démentant automatiquement l’existence d’une pratique des États au regard du droit international coutumier »[159].

Aujourd’hui, en effet, la coutume n’est plus un processus empirique et spontané mais fréquemment, le résultat conscient du recours à des procédures qui canalisent l’expression des vues de la majorité des acteurs du DIH pour leur donner une configuration normative[160].

Si les juridictions pénales internationales contribuent au développement progressif du DIH par la détermination des règles coutumières du DIH, les principes généraux du DIH occupent également une place importante dans leur jurisprudence.

§ 2. La détermination des principes généraux de droit international humanitaire

Les principes généraux de droit font partie des sources formelles du droit international énumérées à l’article 38, § 1, c) du Statut de la CIJ. Ils ont été introduits dans le droit international pour éviter au juge de déclarer un non liquet c’est-à-dire, l’impossibilité pour le juge de statuer au fonds de l’affaire faute de règle existant en droit international[161]. En DIH, ils contribuent à combler les lacunes du DIH et en facilitent les développements futurs en indiquant le chemin à suivre. La controverse doctrinale en matière de définition des principes généraux de droit permet de distinguer les principes issus des systèmes juridiques étatiques et les principes issus du système juridique international. Il convient donc de distinguer le rôle des juridictions pénales internationales dans la détermination des principes généraux de droit en DIH (A) et leur rôle dans la détermination des principes généraux du droit international humanitaire (B).

A. Les principes généraux de droit en droit international humanitaire

Les principes généraux de droit sont assimilés aux principes applicables dans les États inforo domestico et faisant partie de leur droit national et qui sont d’application internationale[162]. Ce sont les principes de droit humanitaire qui se trouvent dans les législations nationales mais qui, du fait de leur généralité, ont été transposés par le juge international au plan international pour pouvoir résoudre un problème de DIH. Leur importance se trouve dans leur capacité de donner au juge le moyen de suppléer les lacunes du DIH en puisant dans les systèmes juridiques nationaux les moyens de résolution des différends.

Les principes généraux de droit en tant que sources subsidiaires du DIH, interviennent dans les situations où il y a un déficit normatif, notamment lorsque, face à une situation, le juge ne trouve ni de normes conventionnelles, ni de normes coutumières applicables à la situation. Selon les professeurs Pierre-Marie DUPUY et Yann KERBAT, le recours à ses principes permet de couvrir en particulier les règles nécessaires à l’administration saine de la justice, mais aussi certaines notions juridiques substantielles[163]. La détermination des principes généraux de droit par les juridictions pénales internationales concourt au perfectionnement du DIH en ce sens qu’ils permettent à ce dernier de s’améliorer et se réaliser. Ils sont essentiels parce qu’en matière de responsabilité pénale internationale, les instruments internationaux sont peu fournis. Les juridictions pénales internationales se sont donc appuyées sur les principes généraux de droit lorsque le droit conventionnel et le droit coutumier sont muets sur la question soumise à leur appréciation. L’abondance du recours aux principes généraux de droit se justifie en grande partie par le fait que le droit international pénal est une matière relativement jeune soumis aux caprices de la souveraineté étatique.

Dans l’affaire FURUNDIJA du 10 décembre 1998, la Chambre de première instance du TPIY, a défini la mission des juridictions internationales, en l’absence de normes conventionnelles et coutumières en affirmant que « les juridictions internationales doivent […] tirer parti des concepts généraux et des institutions juridiques communs à l’ensemble des grands systèmes juridiques. Elles doivent dès lors s’attacher à dégager les dénominateurs communs à ces systèmes »[164]. Cette définition de la mission des juges en cas de carence normative et cet entendement des principes généraux de droit ont permis aux juges cette Chambre de première instance du TPIY, de donner une définition du viol. C’est ainsi qu’après avoir examiné les législations nationales, la Chambre nota « qu’en dépit des disparités inévitables, la plupart des systèmes de la Common law ou de tradition civiliste considèrent le viol comme la pénétration forcée du corps humain par le pénis ou l’introduction d’un autre objet dans le vagin ou l’anus »[165].

Ce raisonnement avait déjà été adopté dans l’affaire ERDEMOVIC du 7 octobre 1997 par les juges de Chambre de première instance du TPIY. Pour déterminer la peine applicable au crime contre l’humanité, ces juges ont constaté que les États qui ont introduit dans leurs législations le crime contre l’humanité ont prévu en cas de commission de ce crime les peines les plus sévères, autorisées par le système juridique[166]. Ils ont alors conclu leur raisonnement en affirmant « qu’il existe dès lors en droit international une norme selon laquelle le crime contre l’humanité est un crime d’extrême gravité qui appelle […] les peines les plus sévères »[167].

Ainsi lorsque le juge, dans sa mission de régler le différend de DIH à lui soumis, se trouve face à une carence de normes conventionnelles ou coutumières, il est tenu, afin d’éviter de prononcer un non liquet, de rechercher dans les systèmes juridiques nationaux les moyens de résolution du problème de droit en recourant aux principes généraux de droit. Dans certains cas cependant, il a recours aux principes inhérents à l’ordre juridique international.

B. Les principes généraux du droit international humanitaire

Les principes généraux du droit international humanitaire sont des règles de portée générale déduites par le juge international de l’esprit des traités internationaux et de la coutume internationale ou qui sont contenus dans des résolutions et autres textes des organisations internationales. Comme le dit le professeur Pierre-Marie DUPUY, ces principes sont propres au droit international et sont le produit de l’action conjuguée du juge international et de la diplomatie normative des États[168]. Bien que leur existence en tant que source autonome du droit international, distincte des principes généraux de droit, soit contestée par une partie de la doctrine, l’analyse de la jurisprudence des juridictions internationales notamment celles compétentes en matière de violation des crimes du DIH, permet de constater que le juge recourt à ces principes qu’il déduit de l’esprit des traités relatif au DIH. Cette utilisation qui est abondante dans les décisions des juges se justifie par l’insuffisance des normes du droit humanitaire pénal et la nécessité de rendre effectif la répression des crimes du DIH.

Dans l’affaire FURUNDIJA, précédemment citée, la Chambre de première instance du TPIY, après avoir constaté l’absence de normes internationales définissant le viol, s’est orienté vers les principes généraux de droit. Ces principes généraux de droit qui ont défini le viol, n’ont cependant pas permis de dégager une unanimité dans l’incrimination de la pénétration buccale. Elle a dû rechercher dans le droit international humanitaire, le principe général du respect de la dignité humaine qui lui a permis d’affirmer « qu’une violence sexuelle aussi grave que la pénétration orale forcée soit qualifiée de viol est dans le fil de ce principe »[169].

Dans l’affaire TADIC, la Chambre d’appel a dégagé un principe à partir des deux résolutions de l’Assemblée générale sur le Respect des droits de l’homme dans le cadre des conflits armés et la Déclaration de Turku sur les normes humanitaires minima adoptée en 1990. Elle a déterminé l’existence d’un principe général du droit international humanitaire selon lequel il est limité le droit des parties à un conflit armé non-international « d’adopter des moyens susceptibles de produire des effets traumatisants sur l’ennemi »[170].

Le développement progressif du DIH par les juridictions pénales internationales   est étroitement lié au besoin d’efficacité dans la mise en œuvre du DIH. À cet égard, l’activité de ces juridictions a permis non seulement de clarifier les normes du DIH, mais aussi, de déterminer des normes coutumières et des principes généraux de DIH.

Conclusion partielle du TITRE I

La multiplication des juridictions internationales chargées de régler le contentieux du droit international humanitaire s’avère être aujourd’hui un moyen efficace de mise œuvre du DIH, longtemps décriée pour son ineffectivité. À travers la répression des crimes du DIH, cette multiplication de juridictions favorise l’atteinte des objectifs du DIH et permet de combler les lacunes de ce droit. À cet égard, l’acceptation des acteurs du DIH de la procédure juridictionnelle comme moyen de règlement de leur contentieux de DIH a permis à celui-ci d’être effectif. Cependant, la multiplication des juridictions pénales internationales n’est pas sans conséquence sur la réalité et la cohérence du DIH.

TITRE II/ UN FACTEUR DE REMISE EN CAUSE DU DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIRE

La multiplication des juridictions pénales internationales constitue, de nos jours, un élément de première importance dans l’évolution de la structure du droit international en général et du droit international humanitaire en particulier[171]. Ce phénomène est d’autant important pour le DIH que celui-ci, apparaît, de nos jours, comme son domaine de prédilection[172]. La structure de l’ordre juridique international, marquée par l’absence de hiérarchie entre les juridictions, peut être un facteur de disparité dans l’articulation du DIH. Cependant, pour assurer sa crédibilité, le DIH doit être appliqué de façon à assurer, d’une part, un traitement impartial et, d’autre part, une cohérence institutionnelle et normative du DIH. Ce défaut d’harmonie se constate non seulement dans l’application du DIH (Chapitre 1) mais aussi, dans la remise en cause de l’unité de ce droit (Chapitre 2).

CHAPITRE 1 : LA REMISE EN CAUSE DU DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIRE À TRAVERS SON APPLICATION

La création des juridictions pénales internationales chargées de réprimer les violations du DIH est très souvent un compromis entre les acteurs de la communauté internationale. C’est la raison pour laquelle, les auteurs Henri D. BOSLY et Damien VANDERMEERSCH soutiennent que l’action des tribunaux n’est pas neutre et obéit parfois à des considérations politiques et diplomatiques[173]. Ces considérations constituent, pour les juridictions pénales internationales, des contraintes qui mettent en doute leur indépendance et leur capacité à appliquer efficacement le DIH. En effet, l’action des tribunaux en raison de ces difficultés, peut conduire à une discrimination dans l’application du DIH (Section 1) et à une inefficacité de fait de celui-ci (Section 2).

Section 1 : Une application discriminatoire du droit international humanitaire

Le DIH, qui ambitionne l’humanisation des conflits armés et la protection des personnes qui ne participent pas ou qui ne participent plus à la guerre, implique que certains comportements interdits soient pénalement sanctionnés, quel que soit le contexte temporel, géographique et culturel. Cette universalité de la répression des violations du DIH n’est cependant pas assurée dans les faits par les juridictions pénales internationales. En effet, l’application du DIH souffre d’une discrimination qui s’observe dans la poursuite des auteurs présumés de crimes de DIH (§1) et dans la répression des crimes du DIH (§1).

§ 1.  La discrimination dans la poursuite des auteurs présumés de crimes de DIH

Selon le professeur Jean SALMON, on parle de discrimination à partir du moment où il existe « une différenciation des personnes ou des situations, sur la base d’un ou plusieurs critère(s) non légitimes »[174]. La poursuite des crimes du DIH est l’ensemble des mesures que les juridictions pénales internationales mettent en œuvre pour exercer l’action publique à l’égard des auteurs présumés de ces crimes. La discrimination dans la poursuite des auteurs présumés des crimes du DIH qui s’observe généralement à travers le traitement différentiel des personnes qui ont participé au même conflit armé, concerne également les auteurs des crimes commis dans les conflits distincts mais analogues. On constate, en effet, qu’il existe une impunité des vainqueurs et des puissants (A) tandis que la poursuite est uniquement orientée vers les vaincus et les faibles (B).

A. L’impunité des vainqueurs et des puissants

Une justice des vainqueurs, ainsi étaient qualifiés les tribunaux de Nuremberg et de Tokyo. Le grand reproche adressé à ce premier modèle de tribunal pénal international est le fait qu’ils étaient établis par les vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale et n’avaient mis en accusation que les vaincus de cette guerre présumés auteurs de crimes internationaux. Même si, aujourd’hui il n’y pas de ‘vainqueurs’ qui établissent des tribunaux pour juger les ‘vaincus’, cette discrimination entre vainqueurs et vaincus constitue une réalité et se traduit par l’impunité des vainqueurs et des puissants devant les juridictions pénales internationales.

La justice pénale internationale semble, en effet, ignorer cette catégorie de personnes, dans les poursuites des présumés auteurs des crimes commis lors des conflits armés. Nous entendons par vainqueurs et puissants présumés auteurs de crimes internationaux, l’ensemble des personnes qui sont intervenues dans le cadre des conflits armés et qui ont pu commettre des crimes mais qui, du fait de leurs positions actuelles, ne sont pas inquiétées par des poursuites des juridictions pénales internationales. Ce sont, entre autres, les membres de la partie victorieuse d’un conflit armé interne et qui dirige actuellement le pouvoir d’État, les membres des forces armés d’un État étranger qui bénéficient de la protection et de la couverture de leur État. Il y a impunité des vainqueurs et des puissants toutes les fois où une personne se réfugie sous cette casquette et échappe illégitimement à la poursuite des tribunaux. L’étude des activités des juridictions pénales internationales montre que le DIH a du mal à s’imposer aux vainqueurs et aux puissants.

Comme nous l’avons affirmé plus haut, l’action des tribunaux n’est pas vierge de toute considération politique et diplomatique. Elle est tributaire de la volonté de plusieurs acteurs tels que les États concernés par le conflit armé, les bailleurs de fonds, les organisations internationales et considère certaines personnes comme intouchables. C’est ce que le professeur Jacques FERIENS exprime lorsqu’il dit que « les procureurs internationaux sont eux-mêmes dépendants de forces internationales, et les décisions de poursuivre répondent encore largement à des préoccupations d’opportunités politiques. Ainsi, la mise en jugement a, jusqu’aujourd’hui, toujours concerné des personnes qui avaient perdu le pouvoir leur ayant permis de commettre les actes prohibés, jamais encore celles qui exercent actuellement un tel pouvoir »[175].

Cette situation malheureuse de discrimination dans la poursuite des auteurs présumés coupables est constante dans l’histoire de la justice pénale internationale. Elle remonte, en effet, jusqu’à l’installation des premiers tribunaux pénaux internationaux établis à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Le Tribunal Militaire International de Nuremberg et le Tribunal Militaire International pour l’Extrême-Orient, qui ont été créés respectivement par l’Accord de Londres du 8 août 1945 et par la Proclamation spéciale du Commandant suprême des Forces alliées en Extrême-Orient du 19 janvier 1946, avaient pour mission de châtier les criminels de guerre. Cependant, aucun membre des vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale ne fut poursuivi devant ces deux tribunaux.

Devant le Tribunal Pénal International pour l’ex-Yougoslavie, les bombardements aveugles sur la Serbie et le Monténégro en 1999, effectués par l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) sont demeurés au bas-côté des préoccupations de Carla Del PONTE, à l’époque procureur du TPIY. Elle a classé les plaintes relatives aux violations du droit de la guerre, en les tenant pour « manifestement non fondées ». Elle conforta ainsi la position du comité créé pour examiner la campagne de bombardement de l’OTAN qui a estimé qu’aucun de ces incidents ne justifie que le Bureau du Procureur ouvre une enquête[176].

De même, dans le traitement judiciaire du génocide rwandais de 1994, la maîtrise par le Gouvernement rwandais du Tribunal d’Arusha a permis d’éviter l’implication des dirigeants du Front Patriotique Rwandais (FPR). C’est ainsi que le TPIR, n’a jamais jugé un accusé des éléments de la mouvance de l’Armée patriotique rwandaise dirigée en son temps par l’actuel président Paul KAGAME. À ce propos, Julian FERNANDEZ affirmait qu’« il n’est pourtant pas déraisonnable de prétendre que ces forces [FPR] se sont également rendues coupables de crimes de guerre »[177].

Dans le cas sierra-léonais, le TSSL, en étendant sa compétence aux membres du personnel du maintien de la paix [178], avait donné l’espoir de mettre un terme à l’impunité qui ternissait l’image des soldats de la paix. Cependant, force est de remarquer qu’aucun de ces soldats ne fut à la barre du TSSL bien qu’il fut établi que « les soldats de l’ECOMOG [soldats nigérians de la force CEDEAO] ne se comportent guère mieux que les rebelles du RUF à l’égard des populations civiles »[179].

Cette impunité des vainqueurs qui a été toujours présente dans l’histoire de la justice pénale internationale est récemment illustrée par les poursuites de la CPI à l’encontre des présumés auteurs des crimes internationaux dans les violences postélectorales de 2010 en Côte d’ivoire. En effet, les membres des forces pro-OUATTARA demeurent jusqu’à présent dans la quiétude pendant que, depuis 2011, des mandats d’arrêt ont été délivrés à l’égard des premiers responsables de la partie vaincue.  Cette impunité des vainqueurs et des puissants exprime l’incapacité de la justice pénale internationale à s’imposer à toutes les personnes présumées auteurs de violations des crimes graves du DIH.

Nous convenons avec Nicolas MICHEL qu’un des défis actuels de la justice pénale internationale « est celui d’assurer l’équité des poursuites lorsqu’elles ont lieu dans un contexte politique sensible »[180]. La justice pénale internationale, tout en évitant de poursuivre les vainqueurs adopte généralement des approches sélectives privilégiant la poursuite des vaincus et des faibles.

B. La poursuite des vaincus et des faibles

Les juridictions pénales établies pour régler les questions relatives aux violations du DIH à la sortie des conflits armés sont-elles des tribunaux destinés à juger les vaincus ? L’analyse des activités de poursuite des tribunaux pénaux dans le point précédant nous convainc de cette triste situation. Les vaincus et faibles sont toutes les personnes qui, à la sortie du conflit armé, se trouvent en position de faiblesse par rapport au pouvoir en place. Autrement dit, il s’agit de toutes les personnes qui ne bénéficient pas de la ‘‘bénédiction’’ des nouvelles autorités étatiques ou des grandes puissances de la communauté internationale.

Dans la procédure pénale, c’est au procureur qu’incombe la responsabilité d’enquêter, d’instruire les dossiers et d’exercer la poursuite à l’égard des personnes présumées auteurs de crimes internationaux. Selon Jacques FIERENS, un tel choix comporte une dimension politique indéniable[181]. En effet, les procureurs internationaux ont généralement besoin de la collaboration des autorités étatiques pour exercer efficacement les poursuites à l’encontre des présumés auteurs des crimes internationaux. Pour favoriser cette ‘bonne entente’ entre gouvernement et organe de poursuite, les procureurs internationaux sont contraints de ne diriger les poursuites qu’à l’endroit des personnes présumés auteurs de crimes qui n’ont pas de bons rapports avec le pouvoir en place. Il s’agit généralement des personnes de la partie belligérante qui ont perdu le conflit. Une récente illustration de cette discrimination de la justice pénale internationale dans la poursuite des présumés auteurs de crimes de DIH est la situation qui a prévalu en République de Côte d’ivoire en 2010.

En effet, la crise postélectorale qui a suivi les élections présidentielles de 2010 a duré près de six mois. Cette crise qui opposait les pro-GBAGO aux pro-Ouattara a fait plus de trois mille morts et cent cinquante victimes de viols[182]. Cependant, à la suite de son enquête, le Procureur de la CPI n’a délivré que trois mandats d’arrêt à l’endroit de Laurent GBAGBO (25 octobre 2011), de Charles Blé GOUDE (12 décembre 2011) et de Simone GBAGBO (29 février 2012). Laurent GBAGBO était le Président sortant, Charles Blé GOUDE était son ministre de la jeunesse, de la formation professionnelle et de l’emploi et Simone GBAGBO était l’épouse du Président. Aucune personne du camp OUATTARA n’est jusqu’à présent pas poursuivie par la CPI bien qu’il fut établi, selon le rapport l’ONG Human Rights Watch sur la situation, que les forces des deux camps sont toutes deux responsables des exactions qui ont été commises pendant les affrontements[183].

L’incapacité de la justice pénale internationale de poursuivre l’ensemble des présumés auteurs se justifie par les considérations et les pressions politiques qui pèsent sur les procureurs internationaux. En effet, les procureurs internationaux ne peuvent pas poursuivre les personnes qui exercent le pouvoir tant que la collaboration de ces derniers est nécessaire à l’exercice des poursuites. Ce sont généralement les vaincus du conflit armé et ceux qui ne bénéficient pas de la protection des autorités étatiques qui sont poursuivis devant les juridictions pénales internationales. Cette discrimination qui s’observe dans la poursuite exclusive des vaincus et des faibles a toujours jalonné l’histoire de la justice pénale internationale en raison de la souveraineté étatique. L’attitude des États constitue une entrave à l’impartialité des juridictions pénales internationales. Ces derniers ne livrent à la justice pénale internationale que les opposants vaincus.

La discrimination observée dans la poursuite des présumés auteurs des violations des crimes du DIH, caractérisée par l’impunité des vainqueurs et des puissants et la poursuite exclusive des vaincus, est accompagnée d’une discrimination dans la répression des crimes de DIH.

§ 2. La discrimination dans la répression des crimes de DIH

La répression des crimes de DIH est l’action visant à sanctionner les auteurs, les coauteurs et les complices, responsables de la violation des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et des cimes de génocide. L’institution d’une juridiction internationale chargée de réprimer ces violations implique la mise en œuvre d’une justice impartiale et neutre et une poursuite égalitaire de tous les présumés auteurs de crimes internationaux. Ces attentes sont cependant compromises en pratique par la discrimination entre les auteurs présumés de tous les crimes commis dans les mêmes conditions. Il s’ensuit une impunité de fait de certains crimes graves du DIH (A) et la répression sélective des crimes de DIH (B).

A. L’impunité de fait de certains crimes graves du DIH

L’impunité des crimes graves est l’absence de justice pour les personnes victimes des violations des crimes du DIH. Elle se traduit généralement par l’incapacité des juridictions pénales internationales à mettre en œuvre efficacement la responsabilité pénale des personnes, qui ont commis des crimes graves pendant le conflit armé. La lutte contre l’impunité des crimes internationaux est au centre des questions préoccupantes de la communauté internationale depuis la fin de la guerre froide.  La justice pénale internationale, qui refuse le discours politique de l’impunité comme un mal nécessaire, doit assurer sa crédibilité en mobilisant les moyens nécessaires à la manifestation de la vérité et à la satisfaction des victimes des différentes violations. La réussite d’une telle mission de la justice pénale internationale passe nécessairement par une répression effective et efficace de tous les crimes. Aucun crime, dans ce sens, ne devrait demeurer impuni. Malheureusement, dans les faits, de nombreux crimes restent impunis

L’impunité des crimes internationaux peut se justifier par divers facteurs, mais ils sont généralement techniques et juridiques. Dans la plupart des cas, il s’agit de la situation où le procureur n’a pas été en mesure de rassembler les preuves nécessaires pour la condamnation d’un criminel de guerre. Dans cette situation, les juges sont tenus de prononcer l’acquittement. L’acquittement est une décision judicaire qui met fin aux poursuites, en prononçant la mise hors de cause de l’accusé. Deux récentes illustrations sont l’affaire Procureur c. Jean-Pierre BEMBA[184] et l’affaire Procureur c. Laurent GBAGBO et Charles blé GOUDE devant la CPI. Dans la première affaire, Jean-Pierre BEMBA, ancien chef du Mouvement de Libération du Congo (MLC), était accusé devant la CPI d’avoir commis de multiples exactions en Centrafrique. Dans la seconde affaire, Laurent GBAGBO et Charles blé GOUDE, étaient accusé de crimes contre l’humanité perpétrés dans le contexte des violences post-électorales en Côte d’ivoire entre le 16 décembre 2010 et le 12 avril 2011[185]. Ces décisions d’acquittement qui mettent fin à la procédure judicaire, empêchent la mise œuvre de la responsabilité pénale des personnes qui auraient pu commettre des crimes dans des situations.

En effet, l’impunité de fait de certains crimes internationaux est également illustré par les nombreuses situations où des crimes graves sont commis, mais qui ne peuvent être jugés soit parce que les juridictions ne sont pas compétentes soit parce qu’elles ne peuvent pas ouvrir des enquêtes. Les exactions commises dans les conflits armés se déroulant en Syrie et en Afghanistan illustrent ces différents cas d’impunité de fait.

En effet, le conflit armé, qui se déroule en Syrie depuis 2011, opposant les forces gouvernementales du Président Bachar el-Assad à plusieurs groupes armés, s’est manifesté par l’utilisation d’armes interdites et le massacre de plus 370 000 personnes selon l’Observatoire Syrien des droits de l’Homme (OSDH)[186]. Bien que la Syrie ne soit pas un État partie au Statut de Rome, la CPI aurait pu connaître des différentes violations graves du DIH si le Conseil de sécurité des Nations Unies, conformément à l’article 13 du Statut de Rome avait décidé de saisir la CPI[187]. Cependant, cette probabilité demeure pour le moment difficile en raison de l’implication des États unis et de la Russie (deux grandes puissances disposant du droit de veto au sein du Conseil de sécurité) dans le conflit armé.

La seconde situation qui montre l’incapacité de la justice pénale internationale d’assurer la répression des violations du DIH est celle de l’Afghanistan.  En effet, le Procureur de la CPI, Fatou BENSOUDA, a demandé, le 20 novembre 2017, à la Chambre préliminaire III l’autorisation d’ouvrir une enquête sur des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité qui auraient été commis en République Islamique d’Afghanistan depuis le 1er mai 2003 en lien avec le conflit armé qui s’y déroule[188]. Cette enquête de la CPI, qui pourrait mettre en cause des militaires américains, a suscité une vive réaction des États-Unis qui ont menacé ouvertement les juges et les procureurs de la CPI de sanctions s’ils s’en prenaient à des américains. Aujourd’hui, le déroulement de la procédure visant à mettre en œuvre la responsabilité pénale des auteurs de violations des crimes graves du DIH en Afghanistan, se trouve menacé par la révocation du visa du Procureur général de la CPI par les autorités américaines le 5 avril 2019[189]. L’appel du Président de la CPI, lancé aux dirigeants américains le 1er avril 2019, à soutenir la Cour et à « rejoindre leurs plus proches alliés et amis à la table du Statut de Rome » est donc resté sans effet[190]. Cette dernière situation illustre un cas d’impunité de fait lié aux pressions politiques d’une grande puissance économique et militaire.

Pour être crédible et efficace, la justice pénale internationale devrait être en mesure de traiter de façon efficace et impartiale toutes les situations qui sont déférées devant elle. Dans les faits, cependant, la répression des crimes internationaux par les juridictions pénales internationales est souvent très sélective.

B. La répression sélective des crimes de DIH

La répression sélective résulte du fait que la justice pénale internationale ne se préoccupe pas de l’ensemble des violations commises lors d’un même conflit armé. Elle a un intérêt marqué pour certaines violations et relègue d’autres au second plan.  Cette attitude des juridictions pénales internationales pose un problème d’équité. En effet, la répression des crimes internationaux par les juridictions pénales internationales est guidée par une norme directive et sélective en matière de poursuite des criminels de guerre et de transfert des accusés.

La justice pénale internationale est sélective en ce qu’elle constitue une justice pour les ‘‘gros poissons’’. Elle ne recherche que la punition des grands criminels qui auront eu les plus grandes responsabilités dans la conduite des hostilités. Comme le disent des nombreuses sierra-léonais à propos du TSSL, le nombre de procès ne représente guère plus qu’une mesure de justice symbolique[191]. Cette situation s’observe également au regard du nombre des personnes qui ont été jugées par le TPIY, le TPIR et même la CPI. Il s’ensuit que de nombreux crimes commis par ‘les petits poissons’ ou les exécutants échappent à la justice pénale internationale et sont laissés aux bons soins des juridictions nationales où les conditions d’un procès équitable ne sont pas toujours remplies. Par ailleurs, ils bénéficient, dans certaines situations, d’une impunité de fait dans la mesure où ils ne sont ni poursuivi par les juridictions internationales, ni par les juridictions nationales.

La question de la répression des crimes commis par les exécutants s’était notamment posée à l’occasion de la stratégie d’achèvement des travaux du TPIY et du TPIR. En effet, la lourdeur des procédures devant ces juridictions et les conséquences financières qu’elles avaient sur le budget de l’ONU, avaient motivé ces stratégies. Il s’était agi de transférer certains accusés devant les juridictions nationales dans le but de mettre fin aux activités de ces juridictions internationales. En effet, selon Alexandra MARCIL, l’intensité des passions soulevées par le conflit et le caractère délicat des procès pour crimes survenus dans ce contexte rendaient incertaines les perspectives de procès équitables devant les tribunaux nationaux[192]. Les Chambres spéciales de Bosnie se sont substituées au TPIY et ont jugé les accusés à elle transférés. Ce fut également le cas du TPIR qui a transféré des accusés devant les juridictions nationales rwandaises.

Les acteurs de la communauté internationale, précisément ceux de la justice pénale internationale doivent s’intéresser de plus près à la question de l’application discriminatoire du DIH. Pour assurer une promotion efficace de la lutte contre l’impunité des crimes du DIH, la répression des crimes du DIH doit être effective et impartiale. Comme le reconnaît R.H.F AUSTIN, les inconvénients et les difficultés politiques que les États risquent de s’attirer en faisant respecter ces règles valent la peine d’être affrontés, s’ils sont le prix à payer pour que le DIH garde sa crédibilité[193].

L’application discriminatoire du DIH, qui s’est manifesté, d’une part, par une impunité de fait de certains crimes du DIH et, d’autre part, par une répression sélective des crimes de DIH, est renforcée par son application inefficace.

Section 2 : Une application inefficace du droit international humanitaire

L’institution des juridictions pénales internationales traduit la volonté de lutter contre l’impunité des crimes internationaux commis dans le cadre des conflits armés. L’appréciation de l’efficacité de ces tribunaux ne réside pas uniquement dans leurs capacités de condamnation des grands criminels des conflits armés, mais également dans leurs capacités d’être un facteur de dissuasion de la perpétration de tels crimes à l’avenir et de stabilité des relations internationales. Dans les faits, cependant, les juridictions pénales internationales mises en place jusqu’à présent ne se sont pas montrées très efficaces dans la prévention de la commission des crimes (§1) et de dans la pacification des relations internationales (§2).

§ 1.  L’inefficacité dans la prévention des crimes

La création des premières juridictions pénales internationales avait donné l’espoir non seulement d’une efficacité dans la lutte contre l’impunité mais aussi de la dissuasion de la perpétration des crimes graves commis lors des conflits de notre époque. L’application du DIH devant ces juridictions a montré ses limites en matière de prévention des crimes. Cette inefficacité dans la prévention des crimes graves du DIH s’observe à travers la perpétration des crimes en dépit des poursuites (A) et la perpétration des crimes en raison des poursuites (B).

A. La perpétration des crimes en dépit des poursuites

Le premier objectif visé par l’installation d’une juridiction pénale internationale dans une situation de conflit armé, marquée par des violations massives du DIH, est la cessation immédiate de ces violations. Dit autrement, l’exercice des poursuites pénales à l’égard des personnes auteurs des violations a pour vocation première de dissuader la continuation des violations en raison des considérations humanitaires. La dissuasion consiste à décourager la poursuite des violations en cours et la commission de futurs crimes en punissant effectivement les crimes déjà commis. C’est ce que les juges de la Chambre de première instance du TPIY ont rappelé le 30 mars 2004lorsqu’ils ont affirmé dans l’affaire DERONJIĆ qu’« une peine infligée par un tribunal international a également pour but essentiel de sensibiliser les accusés, […] l’opinion publique aux questions de droit et de les rassurer sur la réalité de l’État de droit. Une condamnation vise aussi à rappeler à tout un chacun qu’il doit se plier aux lois et aux règles universellement acceptées »[194].

La contribution de la communauté internationale dans l’atteinte de cet objectif est considérable. Garantes de la paix internationale, l’ONU et les organisations régionales s’investissent pleinement dans la promotion de la paix internationale et la lutte contre l’impunité. C’est pour cette raison que les juridictions pénales internationales ont été conçues pour être un facteur de dissuasion générale dans la commission des crimes internationaux[195]. Cette vision s’inspire de la théorie selon laquelle la condamnation pénale de l’auteur d’une violation du droit dissuade d’autres personnes de commettre des infractions similaires. L’attitude de la communauté internationale, suite au conflit qui se déroulait en ex-Yougoslavie dans les années 1990, traduit bien cette approche. Le Conseil de sécurité des Nations Unies après avoir appelé les parties au conflit au respect du DIH[196], et après avoir constaté que la situation décrite par les informations faisant état de violations généralisées du DIH constituait une menace à la paix, a décidé de mettre sur pieds une juridiction pénale internationale[197]. Elle a alors institué le TPIY pour punir et dissuader la continuation de ces massacres humains.

Cet effet dissuasif attendu de la justice pénale internationale au regard des futures violations du DIH semble cependant inefficace dans les faits. En effet, l’engagement des poursuites n’a pas toujours pu empêcher la poursuite des crimes déjà commis et la perpétration de nouveaux crimes dans les conflits armés. C’est malheureusement le constat opéré avec la création du TPIY en 1993 pour la résolution des conflits armés qui se déroulait en ex-Yougoslavie. Le tribunal est né alors que le conflit sévissait encore en ex-Yougoslavie.  Toutefois, il n’a pas pu empêcher la continuation des massacres qui ont eu lieu en Bosnie-Herzégovine jusqu’en 1995 notamment en Srebrenica et, plus tard, au Kossovo. On a constaté avec regret la montée de l’extrémisme violent sur le terrain : le drame de Srebrenica fut considéré comme le plus grand massacre perpétré sur le sol européen depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, alors même que les atrocités commises au Kosovo sont postérieures à la création du Tribunal[198].

L’histoire de la justice pénale internationale démontre que l’engagement des poursuites pénales n’empêche en rien la continuation des violations. C’est plutôt le déséquilibre de la puissance militaire qui se constate à un moment du conflit, qui marque la fin du conflit. À propos du conflit en ex-Yougoslavie, Julian FERNANDEZ affirme que « la stabilisation en Bosnie-Herzégovine a davantage été le résultat des accords de paix et de la présence des forces multinationales de l’OTAN que de l’œuvre de la justice »[199] .

 La perpétration des crimes en dépit des poursuites pourrait se justifier soit par le manque d’adhésion de l’ensemble des belligérants au processus du règlement juridictionnel des violations du DIH, soit par leur croyance en la légitimité de leur combat. Dans ce cas, au lieu d’être facteur de dissuasion de la perpétration des violations du DIH, l’engagement des poursuites judiciaires peut être un facteur d’amplification des violations du DIH.

B. La perpétration des crimes en raison des poursuites

Comme souligné plus haut, les juridictions pénales internationales sont fondées sur l’idée que la paix ne peut être pérenne sans la justice. Les juridictions pénales internationales recherchent donc à travers les jugements rendus, la promotion du DIH, comme valeur essentielle relevant de la conscience universelle. C’est ce qui justifie le rejet de l’argument politique selon lequel l’impunité permet de pacifier les territoires en conflit, ainsi que l’activisme des procureurs internationaux en matière de poursuite des criminels.

L’administration de la justice en matière pénale est faite avec beaucoup de subtilité. En effet, la procédure pénale doit être en mesure de protéger la société contre les individus censés être dangereux. La poursuite dans la procédure pénale internationale appartient aux procureurs internationaux.  Pour faire face à la sensibilité de certaines situations et pour préserver l’ordre et la quiétude dans les sociétés où vivent les présumés auteurs des crimes, l’appréciation de l’opportunité de poursuite a été imaginée et confiée aux procureurs internationaux. Ce mécanisme permet à ces derniers de déterminer, au regard des circonstances, ce qui est souhaitable. Ils bénéficient à ce titre d’un véritable pouvoir discrétionnaire en matière de poursuite. Après avoir évalué les renseignements, ils se prononcent sur l’opportunité d’engager la poursuite[200].

L’action de la justice ne doit pas elle-même nuire à la justice. Les enquêtes et les poursuites doivent être menées en prenant en considération les intérêts de la communauté internationale. C’est la recherche de ces valeurs qui justifie, selon Anne-Marie LA ROSA, le pouvoir discrétionnaire et d’initiative du procureur[201] .

Malheureusement dans certains cas, au lieu de véhiculer ces valeurs, la justice pénale internationale aboutit à des effets pervers. Ainsi, la saisine de la CPI par le gouvernement de l’Ouganda en 2003 et qui a conduit à la délivrance des mandats d’arrêt à l’encontre des chefs de l’Armée de Résistance du Seigneur (ARS)  à savoir Joseph KONY, Vincent OTTI, Okot ODHIAMBO, Dominic ONGWEN, Raska LUKWIGA, a occasionné de multiples violations dirigées contre la population civile. En effet, après l’échec des négociations de Juba (Soudan 2008) entre le Gouvernement et l’ARS, celle-ci n’ayant pas pu obtenir le retrait des poursuites de la CPI, ses membres ont organisé des représailles pendant des mois contre la population civile, faisant des centaines de morts parmi les civils.

Les juridictions ne perdent-elles pas leur raison d’être quand l’exercice de leurs activités devient un facteur d’accroissement des violations du DIH ? C’est la difficile équation à laquelle font face les défenseurs de la justice pénale internationale. En effet, l’engagement des poursuites peut-être la raison de la perpétration des crimes. Pour réagir contre les poursuites lancées contre eux et contraindre les procureurs à reconsidérer leurs volontés de poursuite, les grands criminels de guerre répliquent par la recrudescence de la violation et de la multiplication des exactions. Les violations, qui sont généralement orientées vers la population civile ont pour objectif d’attirer l’attention de l’opinion internationale sur les risques d’aggravation des conflits que la justice pénale internationale peut indirectement provoquer. L’objectif recherché dans cette situation est double. Les présumés auteurs de crimes internationaux peuvent chercher à discréditer l’action des juridictions pénales internationales aux yeux de l’opinion publique internationale en imputant leurs actes à l’attitude de ces juridictions. Ils espèrent ainsi bénéficier, par la même occasion, de la cessation des poursuites à leur égard.

L’application du DIH a montré qu’il n’était pas en mesure de prévenir efficacement la commission des crimes. L’engagement des poursuites n’a toujours pas empêché la continuation des violations du DIH. Dans certaines situations, les poursuites ont été l’élément déclencheur des violences et des exactions à l’égard de la population. Cette réalité explique en partie l’incapacité du DIH à assurer la pacification des relations internationales.

§ 2. L’inefficacité dans la pacification des relations internationales

Depuis la chute du mur de Berlin, un système de justice pénale internationale se met en place progressivement à travers la prolifération des juridictions internationales. L’installation et l’expansion de ces juridictions sont tributaires de plusieurs facteurs. Au premier rang de ces facteurs qui expliquent cette situation se trouve la fréquence des crimes graves du DIH perpétrés dans le cadre des conflits armés[202]. Cette justice pénale internationale, qui se développe comme la branche incidente du processus de maintien de la paix, tend difficilement à remplir sa mission. L’analyse du bilan de ses activités fournit un résultat mitigé et cela en raison du faible apport des juridictions pénales internationales dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales (A) et dans la prévention des conflits (B).

A. Le faible apport dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales

Le maintien de la paix et de la sécurité internationales est l’ensemble des actions posées par la communauté internationale en vue de prévenir les conflits entre les États et de consolider la paix dans les régions touchées par les conflits. Pour Luigi CONDORELL et Santiago VILLALPANDO, la création des tribunaux pénaux internationaux est le résultat d’un double échec : celui du jus ad bellum dont le Conseil de sécurité est le gardien par excellence et qui n’a pas pu empêcher les conflits en ex-Yougoslavie et au Rwanda et du jus in bello dont les règles n’ont évité les violations massives et systématiques du DIH commises dans ces conflits[203]. En créant les juridictions pénales internationales, la communauté internationale a exprimé sans doute sa conviction que l’action de ces dernières pourrait contribuer au rétablissement et au maintien de la paix dans les territoires touchés par les conflits armés. À cet égard, il est évident qu’en poursuivant les auteurs des violations graves du DIH, les juridictions pénales internationales peuvent participer au maintien de la paix et la sécurité internationales[204].

Les juridictions pénales internationales, quelles que soit leurs différences, participent d’une même volonté politique, qui est le maintien de la paix et de la sécurité internationales, de réconcilier les victimes avec leurs bourreaux et de promouvoir leur vivre ensemble. Elles devraient effacer le désir de vengeance qui pourrait habiter les victimes et créer, à ce titre, un cadre approprié pour les relations communautaires apaisées. En effet, les condamnations issues des différents jugements permettent d’assouvir le désir de vengeance.  La justice pénale internationale peut, notamment dans des situations où il n’existe pas d’alternative locale, canaliser l’aspiration à la vengeance des victimes[205]. Aujourd’hui, au Rwanda, Tutsi et Hutu vivent ensemble sans s’en vouloir. La justice pénale internationale participe également au renforcement de l’État de droit. À cet égard, elle représente une sorte de continuité et de relai de justice pénale interne, dans le cas où celle-ci s’avère défaillante. C’est le rôle que la CPI et la Cours Pénale Spéciale joue actuellement en Centrafrique[206].

Si le lien entre juridictions pénales internationales et maintien de la paix et de la sécurité internationales est ainsi établi, les attentes en matière de maintien de la paix et la sécurité internationales ne sont pas toujours au rendez-vous dans les faits. Comme l’affirme Fréderic MEGRET « la justice pénale internationale ne peut pas éviter de répondre aux interrogations, particulièrement tranchantes, sur le fait qu’elle aurait occasionnellement mené à un renouveau des hostilités et donc aurait été une cause de morts directe »[207]. L’action des juridictions pénales internationales semble en effet souvent saper les efforts de recherche de la paix. En Ouganda, par exemple, le traité de paix de mai 2008, issu des pourparlers entre le gouvernement et l’Armée de Résistance du Seigneur n’est toujours pas signé par Joseph KONY en raison de l’existence du mandat d’arrêt de la CPI contre lui[208]. Cette situation empêche l’obtention d’une paix durable dans la partie Nord du pays, en proie aux violences depuis des décennies.

Il faut bien admettre que la justice pénale internationale participe au maintien de la paix et de la sécurité internationales. Cependant il faut reconnaître que son action est parfois inefficace en matière de maintien de la paix et de la sécurité internationales. Le maintien de la paix relève de la responsabilité du Conseil de sécurité des Nations Unies, organe politique, qui dispose des capacités diplomatiques et militaires pour maintenir la paix et la sécurité internationales. Un organe juridictionnel ne saurait exercer plus efficacement une fonction politique telle que le maintien de la paix[209]. Ce sont par exemple les bombardements de l’OTAN et les accords de Dayton qui ont rétabli la paix et la sécurité internationales en ex-Yougoslavie et non l’établissement du TPIY.

La justice est plus orientée vers le passé dont elle sanctionne les actes pendant que le maintien de la paix est tourné vers l’avenir. Cette différence de nature pourrait également justifier le bilan mitigé dans le domaine du maintien de la paix et de la sécurité internationales. Néanmoins, en sanctionnant les actes passés, la justice pénale internationale apparait comme un facteur de dissuasion de la reproduction des actes réprimés dans l’avenir. Il en va de même de sa contribution à la prévention des conflits qui demeure encore faible.

B. Le faible apport dans la prévention des conflits

L’engagement des Nations Unies dans la promotion du respect des règles du DIH s’est justifié par son incapacité dans la prévention des conflits armés. Son activisme dans le processus de mise en place des juridictions pénales internationales est l’expression de son leadership et de sa ferme volonté de consolider la paix internationale par tous les moyens dont elles disposent. Les juridictions pénales internationales participent, de ce fait, à la politique de l’ONU concernant la prévention des menaces contre la paix internationale. En luttant contre l’impunité des crimes graves commis pendant les conflits armés, la communauté internationale espère obtenir en retour la dissuasion des conflits armés. De prime à bord, le DIH n’a pas pour objet d’empêcher la guerre, mais de prévenir ou tout au moins adoucir les horreurs de la guerre en raison du fait qu’elle ne peut être toujours évitée[210]. Cependant, le dispositif de la responsabilité pénale internationale que les conventions et le droit coutumier aménagent, permet de réprimer durement les criminels de guerre. En effet, tout conflit armé qui se déroule est susceptible d’engendrer de graves violations du DIH susceptibles d’engager la responsabilité pénale internationale des responsables de ces violations. La conscience que ces derniers ont sur la probabilité d’être jugé par les juridictions pénales internationales devrait les conduire à opter pour les négociations au lieu d’utiliser le conflit armé pour la résolution de leurs différends. Carsten STAHN résume cette idée en disant que : « les procès internationaux sont considérés comme ayant un certain effet d’alerte. Ils attirent l’attention sur des faits, des crimes, et provoque une alerte sociale »[211].

La dissuasion a joué un rôle dans le contexte des affaires actuelles de la CPI. Il a été affirmé que les menaces de poursuite du Procureur de la CPI ont empêché en Côte d’ivoire une nouvelle escalade dans le conflit post-électoral de 2010[212].  Cette dissuasion aurait aussi motivé un tant soit peu les négociations en Ouganda entre le Gouvernement et l’Armée de Résistance du Seigneur en 2008. Pour Carsten STAHN, cette théorie de la dissuasion pose un problème particulier. Il part de l’hypothèse que les acteurs du conflit prennent leurs décisions en se basant sur un calcul coût avantage rationnel. À la lumière des contextes politiques sous-jacents, cette hypothèse est souvent une fiction[213]. Les responsables politiques et militaires ne craignent pas la poursuite des juridictions pénales internationales tant qu’ils demeureront dans une position forte.

La justice pénale internationale, avec ses procédures judiciaires complexes et souvent trop longues, a finalement peu d’impact sur le comportement des responsables politiques et militaires. La création du TPIY n’a pas mis fin aux atrocités dans les Balkans : le génocide de Srebrenica a eu lieu deux ans après la création du TPIY et les atrocités au Kossovo ont fait un rebond au cours dans années 1998-1999. D’ailleurs, il faut remarquer que les poursuites de la CPI ont empêché l’aboutissement des négociations en Ouganda et ont été la cause immédiate de la reprise des hostilités.

Le faible apport des juridictions pénales internationales dans la prévention des conflits se justifie par sa capacité réduite en matière de dissuasion. Les délais inhérents aux procédures, la densité des opinions exprimées et la relative légèreté des peines  , entre autres, les facteurs quicontribuent à affaiblir le peu d’effet dissuasif général de la justice pénale internationale[214]. On pourrait également penser aux conditions de détention de ces prisonniers. Les auteurs des crimes internationaux sont pour la plupart issus de classes supérieures et ont occupé des postes importants, ils bénéficient de conditions de détention privilégiées plus confortables que dans les autres prisons[215].

La contribution des juridictions pénales internationales dans la prévention des conflits demeure faible dans la mesure où ils n’arrivent à dissuader les États ou les communautés à recourir au conflit armé pour la résolution de leur différend.

La lutte contre l’impunité des crimes internationaux ne peut être exclusivement menée par les juges internationaux. Ces derniers sont certes un outil indispensable mais doivent faire partie d’une stratégie d’ensemble de promotion de l’État de droit et de la justice[216].

En plus de difficultés éprouvées au niveau de l’application du DIH, la juridictionnalisation du DIH peut être un facteur de remise en cause de son unité.

CHAPITRE 2 : LA REMISE EN CAUSE DE L’UNITÉ DU DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIRE

La multiplication des juridictions pénales internationales chargées de régler les questions de DIH est aujourd’hui un facteur d’importance capitale pour cette matière. Ce phénomène de multiplication de juridictions que connaît le droit international en général, et le DIH en particulier, participe à la diversification des acteurs chargés de la conception et de la mise en œuvre du DIH. Selon Paul TAVERNIER, cette diversification des acteurs constitue avec la diversification des sources, les causes du morcellement actuel du DIH[217]. La multiplication des juridictions, en raison de la configuration de l’ordre juridique international marqué par l’indépendance des juridictions et l’absence de hiérarchie entre elles, comporte des risques de remise en cause de l’unité du DIH (Section 1). Cependant, il existe aussi des efforts visant la préservation de la cohérence du DIH (Section 2).

Section 1 : Les risques de remise en cause de l’unité du droit international humanitaire

Les risques de remise en cause du DIH sont les dangers éventuels plus ou moins prévisibles qui menacent la cohérence du DIH. La juridictionnalisation de ce droit qui offre à la société internationale un nombre important de juridictions pénales internationales chargées de lutte r contre l’impunité des violations graves du DIH n’est pas sans risque. En effet, l’activité de ces juridictions pourrait contribuer à remettre en cause l’harmonie du DIH. Ces risques peuvent se traduire notamment par un émiettement du DIH du fait soit de la divergence jurisprudentielle (§1) soit de la régionalisation du DIH (§2).

§ 1. L’émiettement du droit international humanitaire par la divergence jurisprudentielle

Dans les systèmes de droit interne, l’harmonisation de la jurisprudence est assurée par la hiérarchisation des juridictions. Les affaires sont soumises aux juridictions de première instance qui rendent des jugements susceptibles d’appel devant les juridictions supérieures.  Les juridictions supérieures, en vérifiant si le droit a été bien appliqué, uniformisent l’interprétation du droit.  L’absence d’un tel mécanisme dans l’ordre international pose des difficultés quant à la garantie d’harmonisation du droit international[218]. La prolifération des juridictions pénales internationales, est à cet égard, un facteur sérieux d’incohérence jurisprudentielle[219]. Ces divergences de jurisprudence conduisent dans les faits à un émiettement du DIH qui peut s’observer aussi bien dans la définition des crimes de DIH (A) que dans la répression des crimes de DIH (B).

A. La divergence jurisprudentielle dans la définition des crimes de droit     international humanitaire

La multiplication des juridictions pénales internationales peut conduire à des divergences jurisprudentielles dans la définition des crimes du DIH, notamment en ce qui concerne les éléments constitutifs du crime de guerre, du crime contre l’humanité et du crime de génocide. Si, en effet, la définition des deux premiers crimes fait plus ou moins l’objet d’unanimité, celle du crime de génocide s’est avérée un peu plus complexe.

En, effet les crimes de guerre sont des violations graves des normes coutumières et conventionnelles du DIH. Les développements jurisprudentiels sur la notion, faits par le TPIY, ont été consolidés dans les autres juridictions postérieures, ce qui est de nature à préserver l’unité du DIH.

Si l’appréhension du crime contre l’humanité a pu sensiblement varier d’une juridiction à une autre, c’est en raison de la différence de formulation qui est contenue dans les statuts des différentes juridictions pénales internationales. La notion de crime contre l’humanité a donc eu un contenu variable au cours du temps. La commission du crime contre l’humanité qui était, autrefois, liée à l’existence d’un conflit armé[220], a connu un important développement avec la jurisprudence du TPIY qui a admis son existence en l’absence de conflit armé. Les différents développements jurisprudentiels ont également été consolidés par les autres juridictions postérieures.

Explicitement défini dans la Convention des Nations Unies pour la prévention et la répression du crime de génocide en 1948, le crime de génocide a été appliqué et interprété pour la première fois par le TPIR. C’est à ce dernier qu’il est revenu de définir tous les contours relatifs à ce crime. Si certains points ont été consolidés dans la jurisprudence qui a suivi, d’autres juridictions se sont écartées des points de vue du TPIR. Dans l’affaire Jean-Paul AKAYESU du 2 septembre 1998 par exemple, la Chambre de première instance du TPIR avait, la première, rappelé que l’élément déterminant dans la définition du crime de génocide est le dolus specialis qui est l’intention de détruire tout ou partie du groupe. Pour parvenir à l’incrimination de génocide, ces juges du TPIR ont adopté une définition objective du groupe. Ils ont estimé à cet égard que le crime de génocide a été conçu pour « ne viser que des groupes ‘‘ stables’’ constitués de façon permanente et auxquels on appartient par naissance, à l’exclusion des groupes plus ‘‘mouvants ’’ qu’on rejoint par un engagement volontaire individuel, tels les groupes politiques et économiques »[221].  Cette vision objective du groupe, considérée par certains comme trop rigide ne permet pas la répression du crime[222] ; elle ne sera pas suivie par les décisions suivantes des juridictions pénales internationales.  Dans l’affaire Goran JELISIC du 14 décembre 1999, la Chambre de première instance du TPIY, a estimé que : « définir aujourd’hui un groupe national, ethnique ou religieux ou raciale à partir de critères objectifs […] serait un exercice à la fois périlleux et dont le résultat ne correspondrait pas nécessairement à la perception des personnes concernées par cette catégorisation »[223]. Cette Chambre de première instance du TPIY a choisi, contrairement à sa consœur du TPIR, d’apprécier le groupe à partir d’un critère subjectif.  La divergence jurisprudentielle dans la définition du crime de génocide se manifeste dans les différences observées dans la définition des éléments constitutifs du crime.

Le risque d’émiettement qui s’est observé dans la jurisprudence notamment dans la définition des crimes s’est également observé dans la répression de ces crimes.

B. La divergence jurisprudentielle dans la répression des crimes de droit international humanitaire

Toute violation des normes fondamentales du DIH devrait entraîner nécessairement une sanction devant les juridictions pénales nationales ou internationales. Le refus de l’impunité est l’expression d’une société internationale organisée qui cherche à préserver en son sein un ordre.  Les juridictions pénales internationales, garantes de cet ordre, ont la charge de réprimer les faits ou comportements qui vont à l’encontre des règles protégeant les valeurs communes à toute la communauté internationale et liant les personnes et les États. Toutefois, pour assurer l’efficacité de cette garantie, les juridictions pénales internationales doivent être en mesure d’assurer l’uniformité de la répression, ce qui paraît difficile en l’état actuel du droit international. On observe dans la jurisprudence des juridictions pénales internationales une disparité en matière de répression des crimes du DIH. Cette disparité peut être analysée essentiellement à travers le principe du plaider coupable.

C’est un principe, en vertu duquel l’accusé reconnaît les charges qui sont reconnues contre lui, accepte de plaider coupable, de coopérer avec le procureur et reçoit en contrepartie une diminution de sa peine. Il s’agit, selon Veran MAURIN, d’un marchandage entre le procureur et l’accusé visant à obtenir des avantages en échange d’un aveu de culpabilité[224]. Le TPIY s’est montré favorable à cette procédure, qui lui a permis d’avancer plus rapidement dans ces travaux et de donner des peines moins sévères aux accusés. C’est ce qui ressort des affaires Biljana PLASVIC et Ivica RAJIC devant la Chambre de première instance du TPIY. Dans le premier cas, l’accusé avait été accusé du crime de génocide et de complicité de génocide en plus de six chefs d’accusation pour crimes contre l’humanité, mais finalement tous ces chefs d’accusation ont été abandonnés sauf celui concernant les persécutions[225]. Dans le second cas, en contrepartie du plaidoyer de culpabilité, de sa pleine coopération avec l’Accusation et de son respect de tous les engagements pris dans l’Accord sur le plaidoyer, l’Accusation s’est engagée à requérir devant la Chambre de première instance une peine unique comprise entre 12 et 15 ans d’emprisonnement. Finalement Ivica RAJIĆ fut condamné à 12 années par la Chambre de première instance du TPIY le 8 mai 2006[226].

Le TPIR a adopté une attitude opposée quand il s’est agi de condamner l’ancien ministre rwandais Jean KAMBANDA. Celui-ci avait entamé la procédure de plaider coupable. Il a, à ce titre, fourni de nombreux documents et passé plus de quatre-vingt-dix heures de témoignage. Jean KAMBANDA avait espéré qu’une remise sur sa peine lui sera accordée. Il fut malheureusement, condamné à l’emprisonnement à vie sans autre possibilité d’atténuer sa peine devant la chambre d’appel le 19 octobre 2000[227].

Au regard de cette divergence, il existe une sorte de crainte d’atomisation de la jurisprudence dans laquelle chaque juridiction interprète le DIH dans son propre ordre[228]. Cette remise en cause de l’unité du DIH est également favorisée par la régionalisation de celui-ci.

§ 2. L’émiettement du droit international humanitaire par sa régionalisation

Le régionalisme, selon le professeur Abdoulaye SOMA, peut être conçu comme « le phénomène de développement des normes et des organisations internationales propres à une partie de la communauté internationale. Il se distingue de l’universalisme qui se réfère à l’adoption de règles uniformes et communes destinées à régir les membres et institutions de la communauté internationale dans son ensemble »[229]En droit international humanitaire, le régionalisme s’est traduit par l’adoption de normes de DIH et la mise en place d’institutions chargées d’assurer la répression de la violation de ces normes sur le plan régional. Au cours des dernières années, la régionalisation du DIH s’est essentiellement opérée sur le continent Africain. En effet, l’Afrique connaît depuis quelques années une « prolifération » des juridictions pénales régionales et une tendance marquée à la régionalisation de la justice pénale internationale. Cette régionalisation du DIH se traduit d’abord, par la mise en place de tribunaux pénaux ad hoc régionaux (A) et, ensuite, par la mise en place de tribunaux pénaux permanents régionaux (B).

A. Une régionalisation du DIH à travers la mise en place de tribunaux pénaux ad hoc régionaux

Parlant des difficultés que la juridictionnalisation du DIH soulève, Luigi CONDORELLI et Santiago VILLALPANDO affirmaient que « le ‘ ad hoc-isme’ des juridictions pénales internationales est à la fois un signe de vitalité et de flexibilité de ce domaine du droit et un symptôme de certains maux qui le guettent de l’intérieur »[230]. L’existence d’une régionalisation à travers la mise en place des juridictions ad hoc s’observe travers à une approche régionale de la justice pénale internationale. Il s’agit de la forte implication d’une organisation régionale dans la mise en place de mécanismes normatifs et institutionnels visant à réprimer les auteurs de violations des crimes internationaux. Ces instances juridictionnelles ont généralement une durée de vie limitée et elles disparaissent après la résolution des problèmes qui ont été à l’origine de leur création.

 Le modèle type de juridiction pénale internationale ad hoc est incarné par les Chambres Africaines extraordinaires au sein des juridictions sénégalaises créées par Accord entre le Gouvernement de la République du Sénégal et l’Union africaine à Dakar le 22 août 2012.Les Chambres africaines extraordinaires (CAE) sont une juridiction internationalisée, créée par un traité international pour exercer une compétence universelle sur une base ad hoc. Elles ont reçu le mandat de l’Union africaine de poursuivre et juger le ou les principaux responsables des crimes commis sur le territoire tchadien durant la période du 7 juin 1982 au 1er décembre 1990. Pour les raisons liées aux modalités de leur création et de leur composition, et non les raisons liées à leur compétence, les CAE sont donc bien une juridiction régionale[231]. Elles demeurent, à cet égard, une institution régionale chargée d’accompagner l’Union africaine dans sa mission de promotion de la paix.

La régionalisation pose un problème d’harmonie normative du DIH. En effet, la possibilité reconnue   au système régional de définir les crimes et de les réprimer peut porter atteinte à l’universalité du DIH. Le Statut des CAE illustre ces écarts dans la définition des crimes du droit international humanitaire. D’abord, s’agissant de la définition du crime de génocide[232], elle est une reprise identique de celles des statuts des juridictions pénales internationales. Cependant, elle demeure muette sur l’entente en vue de commettre le génocide, l’incitation directe et publique à commettre le génocide, la tentative de génocide, la complicité dans le génocide, qui sont pourtant consacrées dans le statut du TPIY et du TPIR[233].

Ensuite, la définition du crime contre l’humanité[234] connaît des différences avec les définitions antérieures. Elle n’exige aucunement un lien avec un conflit armé quelconque (statut du TPIY art. 5) et n’inclut pas l’intention discriminatoire (statut du TPIR art. 3).  Elle diffère de la définition contenue dans le statut de la CPI sur quatre points. D’abord, est écartée la connaissance de l’attaque édictée à l’article 7. Ensuite, le crime de persécution n’a pas été expressément mentionné. De plus, la définition des CAE ignore les emprisonnements et les autres formes de privation grave de liberté physique. Enfin, elle se démarque du crime contre l’humanité tel qu’il est criminalisé dans le statut de la CPI dans la mesure où sa liste d’infractions sous-jacentes est strictement délimitée.

Dans sa définition du crime de guerre[235], elle ignore les autres violations graves des lois et coutumes de la guerre.

Cette régionalisation du DIH qui se manifeste par la création d’une juridiction et des normes au plan régional entraine une certaine disparité dans la définition des crimes du DIH. Cette situation porte atteinte à l’harmonie du DIH qui se veut universel.

L’émiettement qu’engendre la régionalisation, n’est pas le seul fait des juridictions pénales régionales ad hoc. Il découle aussi de la mise en place de juridictions pénales régionales permanentes.

B. Une régionalisation du DIH à travers la mise en place de tribunaux pénaux régionaux permanents

Selon Laurence BURGORGUE-LARSEN, les juridictions pénales régionales ont, toute la particularité d’être créées dans un contexte systémique donné. Quel que soit leur type de compétences, leur création s’insère dans le système institutionnel de l’organisation régionale à laquelle elles sont reliées[236]. Elles sont aussi l’expression des intérêts communs propres à une région du monde dont les membres se solidarisent pour défendre leur objectif commun. Une juridiction pénale régionale est donc le produit de la convergence des aspirations propres à une région par opposition à celles supposées être de tous les États extérieurs à ladite région.

Le modèle achevé des tribunaux pénaux régionaux est celui de la Section de droit international pénal de la Cour Africaine de Justice, des Droits de l’Homme et des Peuples (CAJDHP), créée par le Protocole portant amendements au Protocole portant Statut de la Cour africaine de justice et des droits de l’homme (Protocole de Malabo) en 2014. La création de cette instance régionale pour la répression des crimes internationaux résulte des rapports tendus des États africains avec le système universel de répression des crimes internationaux de la CPI et le mécanisme de compétence universelle mise en œuvre par les tribunaux des grandes puissances. Elle exprime la volonté des africains de disposer leur propre système de répression en réaction au mécanisme de compétence universelle des pays occidentaux jugé abusif et à la « suractivité africaine » de la CPI[237] . Cette dernière est perçue comme un outil de néocolonialisme exercé à l’encontre des chefs d’États africains.

L’effritement des relations entre l’Union africaine et la CPI a été causé par deux points majeurs de désaccord. Il s’agit, d’une part, des modes de saisine de la CPI notamment ceux qui échappent au contrôle des États (la saisine par le Conseil de sécurité des Nations Unies et l’ouverture d’une enquête par le procureur de sa propre initiative) et, d’autre part, de la question de l’immunité.

Le désaccord sur le deuxième point est d’un enjeu capital pour le DIH. Dans la jurisprudence des juridictions pénales internationales, l’immunité ne constitue pas un obstacle à la répression des crimes internationaux. Ainsi, elle admet la poursuite et la condamnation des chefs d’États qui seraient responsables de tels crimes[238]. Ce point de vue n’est cependant pas partagé par les États africains. Ils estiment que l’immunité diplomatique des personnes occupant des fonctions officielles au sein des États est un principe bien établi en droit international coutumier et, à ce titre, on ne saurait poursuivre les chefs d’États, surtout ceux qui sont en fonction[239]. Ce point de vue est exprimé dans le statut de la CAJDHP à travers une disposition qui affirme qu’« aucune accusation ne sera déposée devant la Cour contre un chef d’État ou de gouvernement de l’Union africaine en exercice, aucune personne exerçant ou autorisée à exercer ces fonctions, ou tout autre haut représentant de l’État sur la base de leurs fonctions, pendant la durée de leur mandat »[240].  Cette disposition contrevient de manière flagrante au Statut de Rome qui affirme le défaut de pertinence de la qualité officielle en matière de poursuite[241]. Cette situation entraîne inéluctablement des obligations contradictoires pour les États parties au Statut de Rome et au Protocole de Malabo. Elle entraîne également une incohérence pour le DIH, qui se veut universelle en raison des valeurs qu’il défend.

Ainsi, la juridictionnalisation du DIH pose de nombreuses difficultés de cohérence de celui-ci. Les facteurs de cette incohérence sont les divergences de jurisprudence et la régionalisation du DIH qui introduisent certaines disparités dans la conception et l’application du droit. Il est donc important de préserver l’harmonie du DIH à travers des actions précises.

Section 2 : Les efforts de préservation de la cohérence du droit international humanitaire

La quête de la préservation de la cohérence du DIH est, de nos jours, d’une importance capitale pour la lisibilité et le développement de la matière. Il s’agit, pour les acteurs impliqués dans la conception et la mise en œuvre de la justice pénale internationale, de trouver les outils nécessaires pour éviter ou résoudre les contradictions résultant de la multiplicité des juridictions pénales internationales. Les efforts de persévération de la cohérence du DIH pourraient se faire à deux niveaux : à travers le développement du dialogue des juges (§1) et la rationalisation des juridictions pénales internationales (§2).

§ 1. Le développement du dialogue des juges

Pour Bertrand DE LAMY on a « nul besoin de dialogue au sein d’un même ordre juridique dont la cohérence est assurée par les rapports d’autorité, dont les contradictions sont effacées par les institutions qui, au final, assurent l’unité et l’interprétation du droit »[242]. L’ordre juridique international quant à lui, est caractérisé par l’existence d’un nombre important de juridictions aux caractères protéiformes et indépendantes les unes des autres. Il est en outre marqué par une multiplication des normes et la nécessité d’assurer la cohérence jurisprudentielle. Le dialogue des juges désigne les collaborations entre les juges issus de différentes juridictions. Selon Xavier MAGNON, dans un sens littéral, il désigne toutes « les situations concrètes quelles qu’en soient les modalités, au cours desquelles une discussion sur le droit est entamée entre des juges »[243].  Il trouve sa justification en matière de justice pénale internationale dans l’obligation morale des juges d’assurer l’harmonisation du DIH, afin de préserver la crédibilité de la justice qu’ils sont appelés à rendre. Les juges ont donc développé divers cadres de dialogues entre eux : ce sont des cadres de dialogue informel (A) et des cadres de dialogue institutionnel (B).

A. Le développement du dialogue informel

Le dialogue informel des juges est l’ensemble des communications qui s’instaurent entre les juges internationaux et qui ne sont pas organisées de manière officielle et formelle. Il désigne l’échange d’arguments, de concepts et de solutions juridiques[244]. Le dialogue informel, encore appelé dialogue des décisions de justice, suppose que les juges s’inspirent des affaires de leurs homologues qui ont décidé dans des affaires semblables. Ce phénomène permet de prendre acte du progrès du droit permettant ainsi sa consolidation.

En matière de droit international humanitaire, ce dialogue est favorisé par plusieurs facteurs. Il y a, d’abord, la disponibilité des décisions rendues par les juridictions pénales internationales. Elles sont généralement téléchargeables sur les sites Internet officiels de ces juridictions. En outre, il y a la situation géographique des juridictions qui peut aussi en être un facteur. Ainsi la ville de la Haye a abrité le TPIY, la Cour d’appel TPIR et abrite aujourd’hui le siège de la CPI. Enfin, comme l’affirme Benoit FRYDMAN, les juges ne voyagent pas que sur Internet, ils empruntent les trains et les avions pour se rencontrer, dialoguer et nouer des liens d’associations[245]. Ces rencontres réelles ou virtuelles permettent aux juges de mieux se connaître, de communiquer entre eux et de connaître également les décisions de leurs collègues, ce qui favorise la pratique des citations mutuelles.

Le dialogue informel en matière de justice pénale internationale se matérialise par les références faites régulièrement par les juridictions pénales internationales à la jurisprudence d’autres juridictions. Cette pratique a été beaucoup utilisée dans l’articulation de la justice en droit international humanitaire en raison des caractéristiques de cette matière. Les juges sont appelés à combler les lacunes de ce droit, autrefois conçu pour ne régir que les rapports des parties en conflit. Le développement de la responsabilité pénale de l’individu pour les violations du DIH est en grande partie dû aux efforts des juges. C’est donc l’effort des juges, favorisé par le dialogue qui permet le perfectionnement de la matière. Le dialogue permet à chaque génération de juge de poser sa strate pour l’édification d’une justice pénale internationale efficace et dynamique.

Les décisions des juges du TPIY par exemple ont eu une grande influence sur les autres juridictions pénales qui s’y réfèrent fréquemment. À titre d’illustration, l’arrêt TADIC du 2 octobre 1995 est la première décision qui a donné une définition aux conflits armés, et a considéré qu’un crime de guerre pourrait être commis dans un conflit armé non international[246]. Sa jurisprudence continue à être citée par les autres juridictions pénales internationales.

C’est également le cas de la CPI dans son affaire Thomas LUBANGA, qui pour faire la distinction entre enrôlement et conscription des enfants, cite l’opinion individuelle du juge Robertson jointe à l’affaire le Procureur c. Sam Hinga Norman du TSSL[247]. Enfin, la lecture de la décision de l’affaire Hissène HABRE devant les Assises d’appel des Chambres africaines extraordinaires, montre à travers l’abondance des références, qu’un dialogue fort existe entre les juges à travers leurs décisions [248]. Cet arrêt fait appel, à la fois, aux décisions du TPIR, du TPIY, des CETC, et de la CPI pour construire son raisonnement.

Le dialogue informel des juges est, de nos jours, d’une grande importance, en raison de l’harmonisation automatique du DIH qu’il permet. Il demeure toutefois incomplet. Il faut nécessairement évoluer vers le dialogue institutionnel.

B. Le développement du dialogue institutionnel

Le dialogue institutionnel est celui qui se développe dans les cadres plus ou moins officiels, où les institutions judiciaires se reconcentrent dans le but de partager leurs expériences et de contribuer à la cohérence du Droit. Le développement de la justice pénale internationale s’est construit au prix de concessions de la part des États qui auraient aimé maintenir leur souveraineté totale en matière pénale. Aujourd’hui encore, on assiste à des résistances de la part de ces États qui voient en la justice pénale internationale un moyen d’instrumentalisation des grandes puissances. La justice pénale internationale doit donc travailler pour asseoir sa légitimité et sa crédibilité. Les juridictions pénales internationales, conscientes de ce défi, et en tant que premiers acteurs de cette justice, ont initié différentes collaborations entre elles afin de contribuer à la lisibilité du DIH.

Le premier cadre de collaboration et d’uniformisation de l’interprétation du droit applicable aux conflits armés est la création de la Cour d’appel unique et commune pour le TPIY et le TPIR. Bien que ces deux juridictions aient été créées par des résolutions différentes du Conseil de sécurité[249] afin de régir des situations se déroulant sur des continents différents, elles bénéficiaient d’une même et unique instance juridictionnelle d’appel. L’existence d’un tel mécanisme permet d’harmoniser le DIH devant ces deux juridictions et de consolider les principes généraux de droit international pénal consacrés par les tribunaux de Nuremberg et de Tokyo.

Le mécanisme de collaboration institutionnelle a été aussi favorisé par les procureurs que ces deux juridictions avaient en commun : il s’agit de Carlo Del Ponte, de Louise Arbour, de Richard Goldstone. Si du point de vue juridique le TPIY et le TPIR étaient nettement distincts, il faut reconnaître que, techniquement qu’ils avaient des organes communs.

 La collaboration entre les institutions de la justice pénale internationale s’est également manifestée à l’occasion de l’affaire le Procureur contre Charles TAYLOR devant le TSSL. Face aux risques d’insécurité que le jugement de Charles TAYLOR pouvait engendrer en Sierra Leone et au Libéria, il a été décidé de transférer son siège dans les locaux de la CPI. C’est donc par la résolution 1688(2006) que le Conseil de sécurité des Nations Unies a autorisé le transfert de l’ancien Président du Liberia, Charles TAYLOR, à la Haye où il a été jugé pour crimes contre l’humanité par le TSSL, dans les locaux de la CPI[250].

Que ce soit par les mécanismes informels ou par les mécanismes institutionnels, les juges internationaux collaborent dans le but d’assurer la cohérence du DIH. Toutefois, cela demeure insuffisant en raison du risque de contradictions qui est potentiellement élevé. Pour éviter cette situation, il faut également des efforts dans la rationalisation des juridictions pénales internationales.

§2. La rationalisation des juridictions pénales internationales

La prolifération des juridictions pénales internationales demeurera toujours l’épée de Damoclès sur la cohérence du DIH si des efforts ne sont pas consentis pour rationaliser les juridictions pénales internationales. Il s’agit d’organiser les modalités de création et de coopération de ces juridictions, de manière à les rendre plus efficaces en termes de rendement et de cohérence. Cette rationalisation peut s’opérer à travers la limitation des juridictions pénales ad hoc(A) et l’articulation entre les juridictions pénales permanentes (B).

A. La limitation des juridictions pénales ad hoc

L’établissement des deux tribunaux ad hoc par le Conseil de sécurité des Nations Unies a suscité un engouement renouvelé pour la justice pénale circonstancielle et la lutte contre l’impunité.  En l’espace d’une décennie, on a assisté à la création de sept juridictions pénales ad hoc[251].  Ce phénomène qui est signe de vitalité du DIH et de la négation de l’impunité, semble, cependant compromettre, de nos jours, l’harmonie du DIH. La création d’une juridiction pénale internationale permanente avait donné l’espoir d’une résolution de la problématique de la multiplication des juridictions pénales internationales[252]. Cependant, malgré l’entrée en vigueur du Statut de Rome et le début de l’exercice des activités de la CPI, les acteurs de la société internationale ne se sont pas empêchés d’établir de nouvelles juridictions pénales ad hoc ce qui maintient la tendance à la multiplication de ces juridictions. Par ailleurs, certaines juridictions pénales ad hoc auraient été créées pour empêcher la CPI d’exercer la poursuite à l’égard de présumés auteurs de violations graves du DIH. La CPI étant vue par certains pays en voie de développement comme l’incarnation d’une justice du Nord contre le Sud[253], il y a comme une volonté d’échapper à sa compétence pour empêcher l’impérialisme juridique des pays du Nord sur les pays du Sud.

Le problème de la multiplication des juridictions pénales ad hoc n’est donc pas lié à l’absence d’une instance pénale internationale permanente mais à la conséquence d’un problème non résolu. La limitation des juridictions pénales ad hoc passe nécessairement par le rejet des causes qui sont à l’origine du rejet de la CPI par certains pays. Il faut mettre en place des juridictions pénales permanentes qui ne soient pas partisanes, qui refusent toute dépendance et qui soient loin d’être instrumentalisées[254]. Comme le suggèrent Henri D. BOSLY et Damien VANDERMEERSCH, la solution pour limiter les juridictions pénales ad hoc pourrait se situer dans la création de juridictions pénales permanentes de vocation régionale à l’instar de la Section droit international pénal de la CAJDHP [255]. Il faut également, développer les capacités des États en matière de justice pénale, notamment le mécanisme de la compétence universelle. Ces différents mécanismes permettront d’éviter la multiplication des juridictions pénales ad hoc qui sont non seulement coûteuses, mais aussi, menacent l’harmonie du DIH.

S’il est nécessaire de limiter les juridictions pénales internationales ad hoc, il est également nécessaire de prévoir des modalités de fonctionnement et de collaboration entre les juridictions permanentes.

B. L’articulation entre les juridictions pénales permanentes

La limitation des juridictions pénales ad hoc serait un grand pas vers la rationalisation des juridictions pénales internationales. Elle n’est toutefois pas suffisante pour préserver la cohérence entre les juridictions chargées de mettre en œuvre le DIH. Les juridictions permanentes doivent être structurées de sorte à assurer un fonctionnement harmonisé. La cohérence institutionnelle participe à la cohérence normative du DIH. Il faut donc prévenir les conflits de compétences en plus des conflits de jurisprudence.

L’articulation des juridictions pénales permanentes soulève la question de la concurrence de compétences que la coexistence de ces juridictions pourrait engendrer. Les États étant parties aux statuts de ces différentes juridictions, il se pose des problèmes juridiques tels que les risques de forum shoping et de contrariété de jugements selon Gilbert GUILLAUME[256]. Cette situation est actuellement configurée par les États africains dont la plupart ont adhéré au Statut de Rome de la CPI et le Protocole de Malabo relatif au Statut de la CAJDHP.  La répression des crimes internationaux devient complexe : elle devra se répartir entre trois niveaux, à savoir le plan national, le plan régional et le plan universel.

Pour le professeur Abdoulaye SOMA, deux principes du droit international permettent de résoudre cette problématique, à savoir le principe de subsidiarité et le principe de complémentarité[257]. Le principe de subsidiarité, selon Jean SALMON, est « un principe en vertu duquel toute compétence doit être confiée au pouvoir capable de l’exercer efficacement » [258]. Ce principe postule que la juridiction compétente est celle la plus proche des lieux de déroulement des faits. Dans ce cas, la compétence des juridictions régionales primerait sur celle de la juridiction universelle en raison de la proximité. Le principe de complémentarité déjà présent dans le statut de Rome et régissant les rapports entre les juridictions nationales et la CPI, exprime le caractère supplétif de la compétence de la CPI[259]. Cette dernière n’est compétente que lorsque les juridictions internes ne veulent pas ou ne sont pas en mesure de poursuivre les présumés auteurs des violations du DIH. Ces deux principes pourront s’appliquer dans les rapports entre la CPI et les juridictions régionales telle que la CAJDHP (Section du droit international pénal) et entre les juridictions régionales et nationales. Les juridictions régionales doivent se situer entre les deux autres dans l’exercice des compétences. Ces différentes articulations permettront aux juridictions de résoudre au mieux les conflits de compétence.

Conclusion partielle du TITRE 2

La remise en cause de l’unité du DIH pose à la fois un problème substantiel et institutionnel. Si le dialogue des juges à travers les cadres informel et institutionnel permet de contribuer à l’harmonie au plan substantiel, la limitation des juridictions ad hoc et la rationalisation des juridictions permanentes permettent de résorber une éventuelle cacophonie institutionnelle.

La juridictionnalisation du DIH est facteur de remise en cause de celui-ci en raison des conséquences qu’elle a sur la cohérence du DIH. En effet, elle entraine non seulement une application discriminatoire et inefficace du DIH, mais aussi, est source de l’émiettement en raison de la divergence jurisprudentielle et de la régionalisation du DIH.

CONCLUSION GÉNÉRALE

L’étude de la juridictionnalisation du droit international humanitaire révèle toute la complexité du processus de l’édification d’une justice pénale internationale efficiente, capable de concilier les besoins souverainistes des États et la lutte effective contre l’impunité des crimes graves du DIH.

La multiplication des juridictions pénales internationales, depuis les années 1990, a permis de relever le défi de la mise en œuvre du DIH, longtemps laissé aux structures traditionnelles du DIH. À cet égard, la fin de la guerre froide a marqué le début d’une ère nouvelle pour la justice pénale internationale. Le contexte historique et politique était favorable à une prolifération des juridictions pénales internationales. La diversité de genre de ces juridictions répressives est justifiée essentiellement par la quête d’une justice qui puisse efficacement répondre au besoin de la lutte contre l’impunité et à la pacification des territoires touchés par les conflits armés. En effet, les juridictions pénales internationales appartiennent, d’une certaine manière, aux efforts généraux de justice transitionnelle. Elles tiennent, de ce fait, compte des sensibilités particulières des différentes situations de conflit à l’origine des violations du DIH. Une fois qu’elles se sont tues, les armes doivent céder la place à la réconciliation et à la création d’un cadre pour les relations communautaires et la justice pénale internationale se doit d’accompagner ce processus de pacification.

La juridictionnalisation du DIH qui s’est traduite par la multiplication des juridictions pénales internationales et l’adhésion de la communauté internationale à la répression internationale des violations graves du DIH, a permis la réalisation du droit international humanitaire. Cette réalisation du DIH a été acquise grâce à la mise en œuvre et au développement progressif de ce droit par ces juridictions internationales. En effet, les différentes juridictions pénales internationales ont chacune joué un rôle important dans la répression effective des crimes commis dans les différentes situations de conflits armés et, ont contribué à cet égard à l’atteinte des objectifs du DIH. Face aux lacunes et insuffisances du DIH, les juges, parfois, comblent les lacunes de ce droit, en précédant à la clarification des normes du DIH et à la détermination des normes coutumières et des principes généraux de DIH.

L’activité des juridictions pénales internationales permet l’adaptation du DIH. Elle a permis également de résoudre le problème de l’effectivité de ses normes. Désormais, la critique selon laquelle le DIH est en retard par rapport à l’évolution des conflits est à relativiser.  Cette matière fait preuve d’une grande capacité d’adaptation et ce, grâce au travail d’interprétation et de qualification de ces juridictions. Elle a également permis une évolution importante du statut de l’individu en tant que sujet du droit international[260].

Cependant, la juridictionnalisation n’est pas que bénéfique pour le DIH. Elle pose à celui-ci des défis de crédibilité et de cohérence. De prime à abord, l’action de tribunaux pénaux internationaux n’a pas toujours été neutre de toute considération politique ou diplomatique. Les juridictions pénales internationales sont souvent le théâtre du jeu d’intérêts des grandes puissances. Cette situation conduit à la remise en cause du DIH à travers son application. Cette remise en cause se traduit, d’une part, par la discrimination dans la poursuite et la répression des crimes du DIH et, d’autre part, par l’inefficacité dans la prévention des conflits et le maintien de la paix et la sécurité internationales. Le bilan des juridictions pénales internationales dans la pacification des relations internationales demeure donc mitigé.

La juridictionnalisation du DIH pose également à celui-ci un problème d’harmonie institutionnelle et normative. En effet, elle remet en cause l’unité et l’universalité du DIH, à travers notamment les divergences de jurisprudence et la régionalisation du DIH. Celles-ci entraînent certaines contradictions dans la conception et l’application du DIH.

Toutefois, il faut reconnaître que des efforts sont faits pour assurer la cohérence du DIH notamment à travers le développement des cadres informels et institutionnels de dialogue des juges. Ces cadres permettent aux juges d’une juridiction de mieux comprendre les décisions de leurs collègues des autres juridictions afin de favoriser l’harmonisation de leur jurisprudence. En effet, la création du TPIY et du TPIR a été l’occasion de reprendre dans leurs statuts les principes généraux du droit international pénal dégagés par les tribunaux internationaux de Nuremberg et de Tokyo. L’établissement d’une chambre unique d’appel pour ces deux juridictions (TPIY et TPIR) a permis d’harmoniser les décisions des juges de ces deux juridictions. Les autres juridictions pénales internationalisées ont été construites sur le modèle et grâce aux acquis de ces dernières. Aujourd’hui, la CPI regroupe, à elle seule, l’héritage produit par l’ensemble des juridictions pénales internationales en matière de développement et de perfectionnement du DIH.

 En dépit de ces efforts, il ne faut pas perdre de vue la nécessité de rationaliser les juridictions pénales internationales. Si la régionalisation du DIH constitue une réponse aux besoins particuliers d’une région, elle doit tenir compte du mouvement d’ensemble de développement du DIH.

Tous les problèmes résiduels qu’engendre la juridictionnalisation du DIH, notamment les risques de remise en cause de l’unité du DIH, ne doivent pas avoir raison des efforts fournis pour assurer l’humanisation du droit des conflits armés et la réconciliation des citoyens d’un même pays, éprouvé par la guerre. Aussi, en matière de maintien de la paix et de la sécurité internationales, il faut reconnaître avec Frédéric MEGRET que, quel que soit les tares de la justice pénale internationale, le travail de narration judiciaire, même s’il est souvent imparfait, peut malgré tout ouvrir des pistes intéressantes pour la paix, par exemple en démontrant le caractère politique plus que tribal de certains conflits[261].

La multiplication des juridictions n’est pas un phénomène pathologique[262] qu’il faut combattre par des mesures drastiques. En dépit de la nécessité de la rationalisation, il semble préférable de multiplier les moyens de règlement des différends, même si ceux-ci peuvent se chevaucher, plutôt que de s’exposer au risque de ne couvrir que partiellement les différends à venir : le trop plein est préférable au trop vide dans ce domaine[263].

Les défis actuels du DIH qui sont entre autres, la règlementation des nouvelles technologies d’armement, notamment la question des drones téléguidés et de la guerre informatique, soulèvent de nouveaux challenges de la mise en œuvre de ce droit. L’engagement de la responsabilité pénale internationale dans ce cas emportera des questions plus complexes, auxquelles seule la juridictionnalisation sera appelée à faire face. En tant que phénomène dynamique, cette juridictionnalisation du DIH doit donc aller son chemin, en développant un droit plus adapté et plus performant face aux besoins actuels de l’humanisation de la violence armée.

[1] Sir Lauterpactht cité par Antonio CASSESSE in Le droit international dans un monde divisé, Paris, Berger-Levrault, 1986, traduit de l’anglais par P de Gasquet, p. 231.

[2] CG I, art. 49 ; CG II, art. 50 ; CG III, art. 129 ; CG IV, art. 146 ; Prot.Add.I. art. 85 ; Convention de La Haye sur les biens culturels, art. 28.

[3]Marco SASSOLI et autres, Un droit dans la guerre ?, 2 éd, Genève, CICR, vol 1, 2003,  p. 314.

[4] Anne-Lise TEANI.  Formation et développement du droit pénal international : recherche sur la naissance d’un ordre juridique international, Thèse de doctorat en droit, Université de Bourgogne, 2009. p. 35.

[5] Austin RHP, « Le droit des conflits armés internationaux », in Bedjaoui Mohammed, Droit international. Bilan et perspective ; Paris,tome 2, éd A. Pedone, 1991 pp. 849-852.

[6] Julien FOURET et Mario PROST, « La multiplication des juridictions internationales : de la nécessité de remettre quelques pendules à l’heure », in Revue québécoise de droit international, Nº 15.12, 2002, p. 125.

[7] Propos du KOFFI Annan, cité par Renaud de la BROSSE, « Les trois générations de la justice pénale internationale. Tribunaux pénaux internationaux, Cours pénal international et tribunaux mixtes », in AFRI 2005, volume VI. Edition Bruyant, Bruxelles, p. 154.

[8] Mohammed BEDJAOUI, Droit international. Bilan et perspectives, Paris, Pedone, Tome 1, 1991, pp. 1-18

[9]  Selon l’article 51 de la Charte des Nations-Unies, « aucune disposition de la présente Charte ne porte atteinte au droit naturel de légitime défense, individuelle ou collective, dans le cas où un Membre des Nations Unies est l’objet d’une agression armée, jusqu’à ce que le Conseil de sécurité ait pris les mesures nécessaires pour maintenir la paix et la sécurité internationales ».

[10] Jean SALMON, Dictionnaire de droit international public, bruyant 2001, p 385.

[11] Voir Jean SALMON, Dictionnaire de droit international public, bruyant 2001, p 385 et Khaled MEJRI, Le droit international humanitaire dans la jurisprudence internationale, Paris, Harmattan, 2016 p. 24

[12]Gérard CORNU ; Vocabulaire juridique, 8e éd, Paris, PUF, 2000, p. 494.

[13] Christine LAZERGES, « De la judiciarisation à la juridictionnalisation de l’exécution des peines », in Mélanges offerts à Pierre COUVRAT, La sanction du droit, Paris, PUF 2001, pp. 489-503, cité par YONLI Diassibo Thomas, « Vers une juridictionnalisation des décisions administratives au Burkina Faso ? », in RBD,  N° 53 –  2e SEMESTRE, 2017, p. 64.

[14] Voir le juridictionnaire du Centre de traduction et de Terminologie juridique (CTTJ) de la faculté de Droit de l’Université de Moncton disponible sur  http://www.btb.terminiumplus.gc.ca

[15]Jean SALMON, op.cit. p. 391.

[16] Paul TAVERNIER, Laurence BURGORGUE-LARSEN, Un siècle de droit international humanitaire centenaire des conventions de la Haye cinquantenaire des conventions de Genève, Bruxelles, Bruyant, 2001, p. 16.

[17] voir Robert KOLB, « Le degré d’internalisation des juridictions pénaux internationalisés » in ASCENCIO Hervé, LAMBERT-ABDELGAWAD Elisabeth, SOREL Jean Marc, Les juridictions pénales internationalisées, Société de législation comparée, 2006, pp. 60-68.

[18] Jacques FERIENS, Droit humanitaire pénal, Bruxelles, Larcier, 2014, pp. 19-20.

[19]Patrick DAILLIER Mathias FORTEAU, Alain PELLET,Droit international public, Paris, L.G.D.J, 8è éd., 2009, pp. 1061-1081.

[20] Jacques FIERENS, Droit pénal humanitaire, op.cit., p. 14.

[21] Cicéron, Silent enim leges inter arma.

[22] Voir Patrick DAILLIER Mathias FORTEAU, Alain PELLET, Droit international public, Paris, L.G.D.J, 8è éd., 2009, pp. 1067.

[23] Ibid.

[24] Prot.I, art. 90.

[25]CG I, art. 49 ; CG II, art. 50 ; CG III, art. 129 ; CG IV, art. 146 ; PA I, art. 85 ; Convention de La Haye sur les biens culturels, art. 28. Ces différentes dispositions invitent les États à créer des mécanismes de compétence universelle en cas de violations des crimes graves de droit international humanitaire.

[26] Carlo SANTULLI, Droit du contentieux international, 2ème éd Paris, LGDJ, 2015, p. 71.

[27]L’article 1, § 1 de la Charte des Nations Unies, relativement à ses buts, dispose que l’Organisation doit « maintenir la paix et la sécurité internationales et à cette fin : prendre des mesures collectives efficaces en vue de prévenir et d’écarter les menaces à la paix et de réprimer tout acte d’agression ou autre rupture de la paix, et réaliser, par des moyens pacifiques, conformément aux principes de la justice et du droit international, l’ajustement ou le règlement de différends ou de situations, de caractère international, susceptibles de mener à une rupture de la paix ».

[28] Jacques FERIENS, Droit humanitaire pénal, op.cit., 2014, p.14.

[29] Henri D., BOSLY Damien VANDERMEERSCH, Crime contre l’humanité et crime de guerre face à la justice les juridictions internationaux et les tribunaux nationaux, Bruxelles, Bruyant, 2010, p. 50.

[30] Ibid.

[31] Statut du TPIY art. 1 ; Statu du TPIR art. 1.

[32]http://www.icty.org/fr/content/infographie-le-tpiy-en-chiffres  consulté le 4 avril 19.

[33]http://unictr.irmct.org/fr/tribunal consulté le 4 avril 19.

[34] Le MTPI est appelé à exercer les fonctions résiduelles des Tribunaux pénaux internationaux. À ce titre, il est chargé d’exercer un certain nombre de fonctions essentielles qu’assumaient auparavant le TPIR et le TPIY. Dans l’exercice de ses multiples fonctions, le Mécanisme préservera l’héritage de ces deux tribunaux pénaux internationaux ad hoc qui ont fait œuvre de pionniers et s’emploiera à appliquer les meilleurs pratiques dans le domaine de la justice pénale internationale. Disponible sur http://unictr.irmct.org/fr/tribunal consulté le 4 avril 19.

[35] Jean COMBACAU et Serges SUR, Droit international public, op.cit., p. 680.

[36] Alain PELLET, « Le Tribunal criminel pour l’ex Yougoslavie. Poudre aux yeux ou avancée décisive ?», in RGDIP, 1994-1, pp. 27-28.

[37]TPIY, Le Procureur c. Dusko Tadic, IT-94-1-AR72, Chambre d’appel, Arrêt, 2 octobre 1995 ; disponible sur http://www.icty.org/.], §§. 11-66.

[38] Voir Robert KOLB, « Le degré d’internalisation des juridictions pénaux internationalisés » in ASCENCIO Hervé, LAMBERT-ABDELGAWAD Elisabeth, SOREL Jean Marc, Les juridictions pénales internationalisées, Société de législation comparée, 2006, pp. 53-58.

[39]Accord entre le Gouvernement de la République du Sénégal et l’Union africaine sur la création de Chambres africaines extraordinaires au sein des juridictions sénégalaises, Dakar, 22 août 2012

[40]Reed BRODY, « L’affaire Hissène Habré Le combat des victimes pour traduire leur dictateur en justice » Brot fur die Welt, avril 2017, pp. 7-8.

[41]Raymond Ouigou SAVADOGO, « Les Chambres africaines extraordinaire au sein des tribunaux sénégalais : quoi de si extraordinaires ? », Études Internationales, Vol. XLV, N° 1, mars 2014, p. 114-115.

[42]Ibid., p. 117.

[43]Accord entre le Gouvernement de la République du Sénégal et l’Union africaine sur la création des CAE, art. 1.

[44] CAE, Assises, Ministère public c/ Hissen HABRE, 30 mai 2016, dispositif de l’arrêt.

[45] CAE, Assises d’Appel, le Procureur général c. Hissen HABRE, 27 avril 2017 , dispositif de l’arrêt.

[46] Emmanuel DECAUX, Droit international public, 5e Ed, Paris, Dalloz, 2006, p. 213.

[47]www.un.org/fr/docs/ga/quick/regular/3

[48]  L’article IV Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, adoptée par l’assemblée générale des nations unies le 9 décembre 1948 dispose que « les personnes accusées de génocide ou de l’un quelconque des autres actes énumérés à l’article III seront traduites devant les tribunaux compétents de l’État sur le territoire duquel l’acte a été commis, ou devant la Cour criminelle internationale qui sera compétente à l’égard de celles des Parties contractantes qui en auront reconnu la juridiction ».

[49] Jean SALMON, Dictionnaire de droit international, op.cit., p. 279.

[50] Statut de Rome, art. 1 et 5.

[51] Eric DAVID, « L’avenir de la cour pénal internationale » in Paul TAVERNIER et Laurence BURGORGUE-LARSEN, un siècle de droit international humanitaire, Bruxelles, Bruyant, 2001, pp. 186-189.

[52] Statut de la CPI, article 12 § 2

[53] Statut de la CPI, article 11

[54] Eric DAVID, « L’avenir de la cour pénal internationale », op. cit., pp. 194-200.

[55]Pacifique MANIRAKIZA, « L’Afrique et le système de justice pénale internationale », in African journal of legal system, n°3 (2009), p. 23.

[56] Abdoulaye SOMA, « Vers une juridiction pénale pour l’Afrique », in Revue CAMES/SJP, n°002/2015, p. 1.

[57] À propos de l’APSA, voir Vincent ZAKANE, « Médiation et règlement pacifique des conflits en Afrique : Analyse théorique », in Revue CAMES/SJP, n°001/2017, pp. 249 -251.

[58]Pacifique MANIRAKIZA, « L’Afrique et le système de justice pénale internationale », op.cit., p. 44.

[59] Brochure des Services consultatifs du Comité International de la Croix Rouge, Genève, CICR, février 2003.

[60] Nils MELZER, Droit international humanitaire, Genève, CICR, 2018, p. 20.

[61] Règlement annexé à la convention IV de la Haye de 1907, article 22.

[62]Règlement annexé à la convention IV de la Haye de 1907, art. 23; Prot.Add.I, art. 35 ; DIHC, règle 70.

[63]Prot.Add.I, art. 51 ; DIHC, règle 12 et 71.

[64]Prot.Add.I art. 35.

[65]Règlement annexé à la convention IV de la Haye de 1907, art. 23, al. a ; Statut de Rome, art. 8, par. 2 b) xvii).

[66]Protocole relatif aux éclats non localisables (Protocole I) ; Genève, 10 octobre 1980.

[67]Protocole sur l’interdiction ou la limitation de l’emploi des mines, pièges et autres dispositifs, tel qu’il a été modifié le 3 mai 1996 (Protocole II à la Convention de 1980).

[68]Protocole sur l’interdiction ou la limitation de l’emploi des armes incendiaires (Protocole III), Genève, 10 octobre 1980.

[69]Protocole relatif aux armes à laser aveuglantes (Protocole IV à la Convention de 1980), 13 Octobre 1995.

[70]Protocole relatif aux restes explosifs de guerre (Protocole V à la Convention de 1980), 28 novembre 2003.

[71]Protocole concernant la prohibition d’emploi à la guerre de gaz asphyxiants, toxiques ou similaires et de moyens bactériologiques, Genève, 17 juin 1925.

[72]Convention sur l’interdiction de la mise au point, de la fabrication et du stockage des armes bactériologiques (biologiques) ou à toxines et sur leur destruction, ouverte à la signature à Londres, Moscou et Washington le 10 avril 1972.

[73] Statut du TPIY, art.3 ; Statut de Rome, art. 8, b ; Statut des Chambres Spéciales au Timor-Leste, section 6.1.  Ces différentes dispositions des statuts de ces juridictions pénales internationales répriment l’utilisation des armes interdites au titre des crimes de guerre.

[74]TPIY, Le Procureur c. Dusko Tadic, IT-94-1-AR72, Chambre d’appel, Arrêt du 2 octobre 1995 ; disponible sur http://www.icty.org/.] §.119.

[75]    Ibid. §124.

[76]TPIY, Le Procureur c. Milan Martic, IT-95-11-T, Chambre de première instance I, 12 juin 2007 ; § 463.

[77] Nils MELZER, Droit international humanitaire, op.cit., p. 122.

[78]Déclaration à l’effet d’interdire l’usage de certains projectiles en temps de guerre, Saint-Pétersbourg, 11 décembre 1868. (Dénommée « Déclaration de Saint- Pétersbourg de 1868 »).

[79]Marco SASSOLI et autres, Un droit dans la guerre?,2 éd, Genève, CICR, vol 1, 2003,  p. 228 .

[80] Nils MELZER, Droit international humanitaire, op.cit. p. 122.

[81]Prot.Add.I. , art. 48, 51, 52, 53 et 56 ; Convention de La Haye sur les biens culturels du 14 mai 1954, art. 4.

[82]Prot.Add.I, art. 51.

[83]CG III, art. 23; CG IV, art. 28 ; Prot.Add.I. art. 51.

[84]Prot.Add.I.,  art. 51.

[85]Prot.Add.I, , art. 35 et 55.

[86]Prot.Add.I.  art. 54.

[87] Nils MELZER, Droit international humanitaire, op.cit. p. 122.

[88] Voir, à ce titre, Jean-Marie HENCKAERTS et Louise DOSWALD-BECK, Droit international humanitaire coutumier, Bruyant, Vol 1, 2006, Passim.

[89] TPIY, Le Procureur c. Tihomir Blaskic, IT-95-14, Chambre de première instance I, Jugement, 3 mars 2000 ; disponible sur http://www.icty.org ; dispositif.

[90]Nils MELZER,Guide interprétatif sur la notion de participation directe aux hostilités en droit international humanitaire, Genève, CICR, 2010, p. 22.

[91] La Convention (IV) de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre Genève, 12 août 1949.

[92]TPIY, Le Procureur c. Pavle Strugar, IT-94-1-AR72, (Décision relative à l’appel interlocutoire), 22 novembre 2002, § 10.

[93]TPIY, Le Procureur c. Tihomir Blaskic, IT-95-14-A ; Chambre d’appel, arrêt du 29 juillet 2004, §652, disponible sur http://www.icty.org.

[94] TPIY, LeProcureur c. Milan MARTIC, IT -95-11-A, Chambre d’appel, 8 octobre 2008, §.373.

[95]TPIY, Le Procureur c. Tihomir Blaskic, op.cit., § 652.

[96]TPIY, Le Procureur c. Dusko Tadic, IT-94-1-AR72, op.cit., § 141.

[97] TPIY, le procureur c/ Anto FURUNDIJA, Chambre de première instance, 10 décembre 1998, §§. 181-183.

[98] Voir, TSSL,Prosecutor v. Sesay, Kallon, Gbao, Jugement, SCSL-04-15-T, trial chamber 1, 2 March 2009, §.1906. “The Chamber recalls that the personnel of a peacekeeping mission are entitled to the protection afforded to civilians only insofar as the peacekeepers are not taking a direct part in hostilities”.

[99] Ibid.

[100] Antonio CASSESSE, Damien SCALIA, Vanessa THALMANN, Les grands arrêts du droit international pénal, Paris, Éditions Dalloz, 2010, p. 128.

[101]TPIY, Le Procureur c. Zoran KUPRESKIC et consorts, IT-95-16, Chambre de première instance II, Jugement, 14 janvier 2000 ; §520.

[102]Henri D. BOSLY, Damien VANDERMEERSCH, Crime contre l’humanité et crime de guerre face à la justice les juridictions internationaux et les tribunaux nationaux Bruyant Bruxelles, 2010, p. 26.

[103] CG I, art. 50 ; CG II, art. 51 ; CG III, art. 130 ; CG IV, art. 147 ; Prot.Add.I. art. 85 ; Convention de La Haye sur les biens culturels, art. 28.

[104]TPIY, Le Procureur c. Dusko Tadic, IT-94-1-AR72, op.cit; §70 et ss.

[105] Ibid.

[106] Ibid. § 94.

[107] Antonio CASSESSE, Damien SCALIA, Vanessa THALMANN, Les grands arrêts du droit international pénal, op.cit., p. 132.

[108] Anne-Lise TEANI.  Formation et développement du droit pénal international : recherche sur la naissance d’un ordre juridique international, op.cit., pp. 279-280.

[109] Statut du tribunal militaire de Nuremberg de 1945, art. 6 : Statut du Tribunal militaire international pour l’Extrême-Orient de 1946, art. 5 ; Statut du TPIY, art. 5.

[110]Marty DELMAS-, Isabelle FOUCHARD, Emanuela FRONZA, Kaurent NEYRE, Le crime contre l’humanité, Paris, Presses Universitaire de France, Que sais-je N°3863, 2009, p. 4.

[111] Florent BUSSY, « Le crime contre l’humanité, une étude critique », Témoigner. Entre histoire et mémoire [en ligne depuis le 01 juin 2015], consulté le 10 décembre 2018, URL : https//www.journals.openedition.org/Temoigner.528.

[112]TPIY, Le Procureur c. Dusko Tadic, op.cit., §§.140-141.

[113]TPIR, Le Procureur c. Jean-Paul Akayesu, TPIR-96-4-T, Chambre de première instance I, 2 septembre 1998 § 578.

[114] Ibidem,§ 47.

[115] Statut de Rome la Cour Pénale Internationale, 17 juillet 1998 ; art. 7.

[116]Convention des Nations Unies pour la prévention et la répression du crime de génocide, 9 décembre 1948, art. 2

[117]Thomas BENAGES. « La Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide à l’épreuve du tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie », Thèse de doctorat en Droit, Université d’Auvergne, 2005, p. 13.

[118]TPIR, Le Procureur c. Jean-Paul Akayesu, op.cit., § 495.

[119] Roland ADJOVI et Florent MAZERON, « Tribunal pénal international pour le Rwanda, l’essentiel de la jurisprudence du TPIR depuis sa création jusqu’à septembre 2002 » in actualité et droit international [en ligne] http//www.ridi.org/adi, février 2003, p. 4.

[120]TPIR, Le Procureur c. Jean-Paul Akayesu, op.cit., §498.

[121]TPIR, Le Procureur c. Ignace Bagilishema, Chambre de première instance, 7 juin 2001, § 65.

[122] Laurence BURGORGUE-LARSEN, « L’expérience du TPIR » in Paul TAVERNIER et Laurence BURGORGUE-LARSEN (dir), Un siècle de droit international humanitaire Bruxelles, Bruyant, 2001, pp. 175-176.

[123] Jean COMBACAU et Serges SUR, Droit international public, 11 éd, Paris, LGDJ, 2014, pp. 674-­675.

[124] Ibid.

[125] Claus KREß et Frédéric MEGRET, « La règlementation des conflits armés non internationaux : un privilège de belligérance peut-il être envisagé dans le droit des conflits armés non-internationaux », In RICR, Vol. 96, N° 893, Janvier 2014, pp. 36-37.

[126] Ibid., p. 45.

[127]TPIY, Le Procureur c. Dusko TADIC, IT-94-1-AR72, op.cit., § 97

[128] Ibid.

[129] Voir TSSL,Prosecutor against Moimina FOFANA, Appel Chamber, Decision on primary lack motion of jurisdiction materiae: nature of the armed conflict, SCSL-2004-14-AR72, 25 May 2004, § 31. Ce paragraphe affime que: “In the circumstances, the question whether the conflict in Sierra Leone was of an internal or international character and at which point, if any, it became internationalized, does not have any bearing on the applicability of Articles 3 and 4 of the Statute and therefore need not be considered by the Appeals Chamber”.

[130] Statut de  Rome de la CPI, art. 8.

[131] CPI, Le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, Ch. Prél. I, Décision sur la confirmation des charges 29 janvier 2007, § 204.

[132]TPIR, Le Procureur c. Jean-Paul Akayesu, 2 septembre 1998, § 627. TSSL, Prosecutor v. Kallon and Kamara, Decision on challenge to jurisdiction, 13 mars 2004, § 48.

[133] Expression de Theodor MERON, cité dans Claus KREß et Frédéric MEGRET, « La règlementation des conflits armés  non internationaux : un privilège de belligérance peut-il être envisagé dans le droit des conflits armés non-internationaux »  op.cit., p. 31.

[134] Nils MELZER, Droit international humanitaire, op.cit., p. 95.

[135] Selon règle coutumière N° 5 du DIHC « On entend par civils les personnes qui ne sont pas membres des forces armées. La population civile comprend toutes les personnes civiles » ; et selon l’art 50 du Prot I, « 1.Est considérée comme civile toute personne n’appartenant pas à l’une des catégories visées à l’article 4 A. 1), 2), 3), et 6) de la IIIe Convention et à l’article 43 du présent Protocole. En cas de doute, ladite personne sera considérée comme civile. 2. La population civile comprend toutes les personnes civiles. 3. La présence au sein de la population civile de personnes isolées ne répondant pas à la définition de personne civile ne prive pas cette population de sa qualité ».

[136]Marco SASSOLI et autres, Un droit dans la guerre ?, 2 éd, Genève, CICR, vol 1, 2003,  p. 1.

[137]TPIY, Le Procureur c. Mile Mrskić, Miroslav Radić et Veselin Sljivancanin, dite également affaire de l’hôpital de Vukovar, Examen de l’acte d’accusation dans le cadre de l’article 61 du Règlement de procédure et de preuve, Ch.P.I., 3 avril 1996.

[138]TPIY, Ch.A., Le Procureur c. Milan Martić, arrêt du 8 octobre 2008, §§ 313-314.

[139]Olivier DE FROUVILLE, Olivia MARTELLY, « La juridictionnalisation du droit des conflits armés : Les tribunaux internationaux mixtes », in CHETAIL Vincent, Permanence et mutations du droit des conflits armés, Bruyant, 2013, p. 16.

[140]TSSL,Prosecutor v. Sesay, Kallon, Gbao, Jugement, SCSL-04-15-T, trial chamber 1, 2 March 2009, § 1906.

[141] Jean COMBACAU et Serges SUR, Droit international public, op.cit. p. 54.

[142] Jean SALMON, Dictionnaire de droit international publicop.cit. pp. 283-284.

[143] Guillaume LE FLOCHE, « La coutume dans la jurisprudence de la cour internationale de justice en Droit de la Mer » in Revue Juridique de l’Ouest, 2001-4 [en ligne] https://doi.org/10.3406/juro.2001, consulté le 03 janvier 2019, p. 539.

[144] Jean COMBACAU et Serges SUR, Droit international public, op.cit. p. 54.

[145] René-Jean DUPUY, « coutume sage et coutume sauvage » in la communauté internationale. Mélanges offerts à Charles ROUSSEAU, Paris, Pedone, 1974, p. 77.

[146]TPIY, Le Procureur c. Dusko Tadic, Chambre d’appel, op.cit., § 97 – § 108.

[147]TPIY, Le Procureur c. Dusko Tadic, Chambre d’appel, op.cit., § 116 – § 117.

[148]TSSL, Prosecutor v. Sam Hinga Norman, Decision on Preliminary Motion Based on Lack of Jurisdiction, 31 mai 2004, [en ligne] https://www.sc-sl.org ; § 17. Selon ce paragraphe, la coutume exige, pour se constituer, à la fois une pratique des États et la conviction que cette pratique est requise (opinio juris).

[149]Ibid. § 20. “The widespread recognition and acceptance of the norm prohibiting child recruitment in Additional Protocol I1 and the CRC provides compelling evidence that the conventional norm entered customary international law”.

[150] Ibid.

[151] Jean D’ASPREMONT et Jérôme DE HEMPTINNE, Droit international humanitaire, Paris, A. Pedone, 2012, p. 30.

[152] Jean SALMON, Dictionnaire de droit international, op.cit., p.924.

[153]TPIY, Le Procureur c. Dusko Tadic, Chambre d’appel, op.cit., §99.

[154]TPIY, Le Procureur c. Zoran Kupreskic et autres,Chambre de première instance II, 14 janvier 2000 ; § 527.

[155] Ibid.

[156]Ibid.§ 533.

[157]CETC, Affaire Kaing Guek Eav, alias Duch, Arrêt, dossier n° 001/18-07-2007-ECCC/SC, 3 février 2012 (« Arrêt Duch »), §93.

[158] Ibid

[159] Ibid.

[160]Juan-antonio CARRILLO-SALCEDO, « Droit international et souveraineté des états cours général de droit international public » Cours général de droit international public, in RACADI, 1996, vol. 257, p. 152.

[161] Jean SALMON, Dictionnaire de droit international, op.cit, p 880.

[162] Hanna BOKOA-SZEGO, « Les principes généraux de droit » in BEDJAOUI Mohammed, Droit international. Bilan et perspectives, Paris,Tome 1 et 2, Edition A Pedone, 1991, pp. 223-230.

[163] Pierre-Marie DUPUY, Yann KERBAT, Droit international public, 13è éd., Paris, Dalloz, 2016, p. 375.

[164] TPIY, le procureur c/ Anto FURUNDIJA, Chambre de première op.cit., § 178.

[165] TPIY, le procureur c/ Anto FURUNDIJA, Chambre de première, op.cit., § 182.

[166] TPIY, le procureur c/ Erdemovic, IT-96-22, Chambre de première instance, 7 octobre 1997, §30.

[167]  Ibid., §31.

[168] Pierre-Marie DUPUY cité par Jean SALMON, Dictionnaire de droit international,op.cit., p. 880.

[169] TPIY, Le Procureur c. Anto FURUNDIJA, op.cit., § 183.

[170] TPIY, Le Procureur c. Tadic, Chambre d’appel, op.cit., §§.110-119.

[171] Pierre Marie DUPUY Yann KERBAT, Droit international public, 12ed, Paris, Dalloz, 2014, p. 611 et ss.

[172] Syméon KARAGIANNIS, « La multiplication des juridictions internationales, un système archaïque? », in SFDI, La juridictionnalisation du droit international, Colloque de Lille, Paris, Pedone, 2003, p. 59.

[173] Henri D., BOSLY Damien VANDERMEERSCH, Crime contre l’humanité et crime de guerre face à la justice les juridictions internationaux et les tribunaux nationaux,op.cit., p. 159.

[174] Jean SALMON, Dictionnaire de droit international, op.cit., p. 344.

[175] Jacques FERIENS, Droit humanitaire pénale, op.cit., p. 21.

[176]Bureau du Procurer du TPIY, Final Report to the Prosecutor by the Committee Established to Review

the NATO Bombing Campaign Against the Federal Republic of Yugoslavia, La Haye, 13 juin 2000, [ en ligne sur http://www.icty.org/] consulté le 27 janvier 2018.

[177]Julian FERNANDEZ, « L’expérience mitigée des tribunaux pénaux internationaux : les limites de la justice pénale internationale », in AFRI, Vol IX, Paris, Bruyant ; 2008, p. 232. [disponible sur www.afri-ct.org/l-expérience mitigée-des-tribunaux /.

[178]Statut du Tribunal spécial pour la Sierra Leone, 14 aout 2000, art. 1.

[179]FrancisKPATINDE, « Les ‘‘ casques blancs ’’ aussi… », in Jeune Afrique, 26 février 1999].

[180] Nicolas MICHEL, « La justice pénal internationale : un bilan », in AFRI, Vol XII, Paris, Bruyant, 201, pp. 190-196.

[181] Jacques FERIENS, Droit humanitaire pénal, op.cit., p. 188.

[182] Rapport de l’ONG Human Rights Watch les crimes internationaux graves perpétrés en Côte d’Ivoire, avril 2013, disponible sur https://www.refworld.org/cgibin/texis/vtx/rwmain/opendocpdf.pdf?reldoc=y&docid=5175228e4.

[183] Ibid.

[184] CPI, Procureur c. Jean Pierre Bemba GOMBO, affaire N° ICC-01/05-01/08 A, Chambre d’appel, 08 juin 2018, §§. 196-200.

[185]www.icc-cpi.int/cdi/gbagbo-goude?ln=fe.

[186]http://www.leparisien.fr/international/syrie-en-9-ans-la-guerre-a-fait-au-moins-370-000-morts-15-03-2019-8032218.php consulté le 07 avril 19.

[187] En vertu de l’article 13 du Statut de la CPI, « la Cour peut exercer sa compétence à l’égard d’un crime visé à l’article 5 […] b) Si une situation dans laquelle un ou plusieurs de ces crimes paraissent avoir été commis est déférée au Procureur par le Conseil de sécurité agissant en vertu du chapitre VII de la Charte des Nations Unies ».

[188]https://www.icc-cpi.int/afghanistan?ln=fr consulté le 07 avril 19.

[189] Dans un communiqué publié vendredi 5 avril 2019, le Bureau du procureur a confirmé  que les autorités américaines ont révoqué le visa d’entrée aux États-Unis de la procureure.  https://www.jeuneafrique.com/759171/politique/cpi-les-etats-unis-revoquent-le-visa-de-fatou-bensouda/ consulté le 07 avril 19.

[190]Communiqué de presse du Président de la CPI , 1 April 2019 https://www.icccpi.int/Pages/item.aspx?name=pr1444&ln=fr

[191]Tom PERRIELLO et Marieke WIERDA, « Étude de cas de tribunaux hybrides : le tribunal spécial pour la Sierra Leone sur la sellette », rapport du Centre international pour la justice traditionnelle (ICTJ), 5 mars 2006, disponible, disponible sur www.ictj.org/sites/default/files/ICTJ-sierraleone-Tribunaux.

[192] Alexandra MARCIL, « La stratégie d’achèvement des travaux du TPIR par le transfert des accusés devant les tribunaux Rwandais : Peut-on garantir le droit à un procès équitable ? » in RQDI, hors-série octobre 2010, p. 274 [disponible sur www.persee.fr/doc/rqdi_0828_9999_2010_1_1_1419] consulté le 27 janv. 19.

[193]R. H. F AUSTIN. « Le droit des conflits armés internationaux », in BEDJAOUI Mohammed, Droit international. Bilan et perspectives. Tome 1. Paris, Pedone, 1991, p. 847.

[194] TPIY, Le Procureur c/ Miroslav Deronjić, affaire n° IT-02-61-S, Jugement portant condamnation (Chambre de première instance), 30 mars 2004, §.147.

[195]Guido ACQUAVIVA « Les cours et tribunaux internationaux pénaux sont-ils des acteurs de la dissuasion générale ? Perceptions et malentendus » in Revue Internationale de la Croix-Rouge, Volume 96 Sélection française 2014 / 3 et 4 p. 83.

[196]  Par la résolution 771 (1992) du 13 août 1992 le Conseil de sécurité des Nations unies invite les parties belligérantes sur le territoire de l’ex-Yougoslavie au respect du droit international humanitaire.

[197] Cf. Résolution 827 (1993) portant création du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, 25 mai 1993.

[198]Julian FERNANDEZ, « L’expérience mitigée des tribunaux pénaux internationaux : les limites de la justice pénale internationale », op.cit., p. 232

[199] Ibid.

[200] L’art. 18, §1 du Statut du TPIY dispose que « le Procureur ouvre une information d’office ou sur la foi des renseignements obtenus de toutes sources, notamment des gouvernements, des organes de l’Organisation des Nations Unies, des organisations intergouvernementales et non gouvernementales. Il évalue les renseignements reçus ou obtenus et se prononce sur l’opportunité ou non d’engager les poursuites » ; l’art. 17, §1 du Statut du TPIR dispose que « Le Procureur ouvre une information d’office ou sur la foi des renseignements obtenus de toutes sources, notamment des gouvernements, des organes de l’Organisation des Nations Unies, et des organisations intergouvernementales et non gouvernementales. Il évalue les renseignements reçus ou obtenus et décide s’il y a lieu de poursuivre ».

[201], Anne-MarieLA ROSA, Juridictions pénales internationales : La procédure et la preuve, op.cit. p. 59-98.

[202]Pacifique MANIRAKIZA « L’Afrique et le système de justice pénale internationale » in Afr. J. Leg. Stud, N°3, 2009, p. 22. [disponible sur http://www.africalawinstitute.org/ajls].

[203] Luigi CONDORELLI, Santiago VILLALPANDO, « Les Nations unies et les juridictions pénales internationales », in COT Jean-Pierre, PELLET Alain et FORTEAU Mathias (dir.), La Charte des Nations Unies. Commentaire article par article : Economica, 2005, vol. 1, p. 219.

[204]  Anne-Laure VAURS-CHAUMETTE, « La cour Pénale Internationale et le maintien de la paix », in Julian FERNANDEZ et Xavier PACREAU, Statut de la cour Pénale Internationale : commentaire article par article, Paris, A. Pedone, p. 65.

[205] Fréderic MEGRET, « A quoi sert la justice pénale internationale ? », in AFRI, Vol XII, Paris, Bruyant, 2011, pp. 171-189.

[206] Rapport REDRESS, « Intégrer les droits des victimes dans les procédures de la Cour pénale spéciale en République centrafricaine », [disponible sur https//redress.org.uploads.2012/12] septembre 2017, pp. 3-4.

[207] Fréderic MEGRET, « A quoi sert la justice pénale internationale ? » op.cit., p. 173.

[208] Anne-Laure VAURS-CHAUMETTE, « La cour Pénale Internationale et le maintien de la paix », in FERNANDEZ Julian et PACREAU Xavier, Statut de la cour Pénale Internationale : commentaire article par article, Paris, A. Pedone, 2012, p. 66.

[209] Ibid., p. 70.

[210] Henry DUNANT, Un souvenir de Solferino, Genève, 1862, p. 126.

[211]  Carsten STAHN, « Le futur de la justice pénale internationale »,[ disponible sur www.justicelahaye.net], p.4

[212] Ibid. p. 6.

[213] Ibid. p. 5.

[214]Chris JENKS, « Une pierre de touche morale mais pas une source de dissuasion générale : le rôle de la justice pénale internationale dans la promotion du respect du droit international humanitaire, in RICR, Volume 96 Sélection française 2014 / 3 et 4 Volume 96 Sélection française 2014 / 3 et 4, p. 73.

[215]Nathalie PEETERS  « L’heure du bilan pour le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie », In Mémoire d’Auschwitz ASBL, Décembre 2017, [disponible sur https : docplayer.fr/8324164-Nathalie-peeters-mémoire’d’auschwitz-asbl-decembre-2017.html.Consulté 22 janv. 19].

[216]Luigi CONDORELLI, Santiago VILLALPANDO, « Les Nations unies et les juridictions pénales internationales » COT Jean-Pierre, PELLET Alain et FORTEAU Mathias, La Charte des Nations Unies : Commentaire article par article, Economica, 3e éd., 2005, Tomes 1, p. 245.

[217] Paul TAVERNIER et Laurence BURGORGUE-LARSEN (dir), Un siècle de droit international humanitaire centenaire des conventions de la Haye cinquantenaire des conventions de Genève, Bruxelles Bruyant, collection du CREDHO, 2001, pp. 1-17.

[218] Chester BROWN «The Proliferation of International Courts and Tribunals: Finding Your Way Trought the Maze», in Melbourne Journal of International Law, VOL 3, 2002, [disponible  sur https://unimelb.edu.au/mjil/issue-archive/32 consulté le 09/04/18]

[219]GilbertGUILLAUME « L’unité du droit international public est-elle aujourd’hui en danger ? », in Revue internationale de droit comparé. Vol. 55 N°1, Janvier-mars 2003. doi : https://doi.org/10.3406/ridc.2003.5554https://www.persee.fr/doc/ridc_0035-3337_2003_num_55_1_5554, p. 28. Fichier pdf généré le 09/04/2018.

[220] L’article 5 du statut du TPIY relativement au crime contre l’humanité dispose que : « le Tribunal international est habilité à juger les personnes présumées responsables des crimes suivants lorsqu’ils ont été commis au cours d’un conflit armé, de caractère international ou interne, et dirigés contre une population civile quelle qu’elle soit : a) assassinat ; b) extermination ; c) réduction en esclavage ; d) expulsion ; e) emprisonnement ; f) torture ; g) viol ; h) persécutions pour des raisons politiques, raciales et religieuses ; i) autres actes inhumains ».

[221] TPIR, procureur c. Akayesu, op.cit., § 511.

[222] Antonio CASSESSE, Damien SCALIA, Vanessa THALMANN, Les grands arrêts du droit international pénal, op.cit., p. 222.

[223] TPIY, Procureur c.Goran Jelisic, Chambre de première instance, 14 décembre 1999, §. 70.

[224] Veran MAURIN, « Le plaider coupable devant les juridictions pénales internationale », in chronique internationale collaborative [en ligne sur https:// chroniqueinternationalecoll.wordpress.com/2015/04.27le-plaider-coupable-devant-les-juridictions-pénales-internationales/], 2015, consulté le 23 janv. 19.

[225]TPIY, Procureur c.Biljana Plasvic, Chambre de première instance, 20 décembre 2002.

[226]TPIY, Le Procureur c. Ivica Rajić, IT-95-12-S, Chambre de première instance I, 8 mai 2006 ; disponible sur http://www.icty.org ] §.18 et §.184.

[227] TPIR, procureur c. Jean KAMBANDA, ICTR-97-23-A, Chambre d’appel, 19 octobre 2000, dispositif.

[228] Voir Denis ALLAND, Manuel de droit international public, 3e éd. Paris, PUF, 2014, p. 296.

[229] Abdoulaye SOMA, « La justification théorique du régionalisme africain en droit international pénal », in RBD, N° 53-2e SEMESTRE 2017, p. 96.

[230] Luigi CONDORELLI, Santiago VILLALPANDO, « Les Nations unies et les juridictions pénales internationales », op.cit., p. 244.

[231] Marie LUGAZ, « Les Chambres africaines extraordinaires au sein des juridictions sénégalaises : vers un nouveau modèle de justice pénale internationale ? », Mémoire de Master 2, Université Aix-Marseille, 2014, p. 14.

[232] Statut des Chambres africaines extraordinaires au sein des juridictions sénégalaises pour la poursuite des crimes internationaux commis au Tchad durant la période du 7 juin 1982 au 1er décembre 1990, août 2012, art. 5.

[233] Statut du TPIY, art. 4 ; Statut du TPIR, art. 2

[234] Statut des Chambres africaines extraordinaires au sein des juridictions sénégalaises pour la poursuite des crimes internationaux commis au Tchad durant la période du 7 juin 1982 au 1er décembre 1990, op.cit. art. 6.

[235] Ibid. art. 7.

[236]Laurence BURGORGUE-LARSEN, « Le fait régional dans la juridictionnalisation du droit international »,op.cit., p. 203.

[237]Abdoul Kader BITIE, « L’africanisation de la justice pénale internationale entre motivations politiques et juridiques »,op.cit. p. 144.

[238] Condamnation de Charles TAYLOR par le TSSL et MILOSEVIC par le TPIY.

[239]James MOUANGUE KOBILA, « L’Afrique et les juridictions internationales pénales » in Centre Thucydide – Analyse et recherche en relations internationales, Cahier Thucydide n°10 Etude – Février 2012 pp. 21-22, [Disponible sur www.afri-ct.org].

[240]Protocole portant amendements au Protocole portant Statut de la Cour africaine de justice et des droits de l’homme (Protocole de Malabo), 2014, art. 46 B.

[241] Statut de Rome la Cour Pénale Internationale, 17 juillet 1998, art. 27.

[242] Bertrand DE LAMY, « Dialogues des juges : cadre enjeux et perplexité », in la qualité de la norme Bonis, Evelyne et Malabat, Valérie (eds.) Mare et Martin. Séries ‘‘Droit et Science politique’’  [ disponible sur http://publication.ut6capitol.fr/2214/1/deLamy_2214pdf.pdf]5, p. 2.

[243] Xavier MAGNON, « L’expression de ‘‘dialogue des juges’’ peut-elle avoir un sens utile pour connaitre ce qu’elle est censée décrire ? », in Annuaire des Droits de l’Homme, Sakkoulas, 2016, p. 2. [Disponible sur https://hal.archive-ouvertes.fr/hal-01725330], consulté le 14 févr. 19.

[244] Julie ALLARD, Laura VAN DEN EYNDE, « Le dialogue des juges comme source du droit : arguments entre idéalisation et scepticisme », in HACHEZ (I) et autres (dir.), Les sources revisitées du droit, vol 3, ANTHEMIS, 2013, p. 285.

[245] Benoit FRYDMAN, « Le dialogue international des juges et la perspective idéale d’une justice universelle » in les Cahiers de l’Institut d’Étude sur la Justice, le dialogue des juges, Bruxelles, Bruyant, 2007, pp. 147-164. [Disponible sur http://hdl.handle.net/2013ULB-DIPOT:oai:dipot.ulb.ac.be.:2013/18505.

[246] TSSL, Le Procureur c. Dusko Tadić, op.cit., § 70 et ss.

[247]CPI, Le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, ICC-01/04-01/06, Chambre préliminaire I, Décision sur la confirmation des charges, 29 janvier 2007, disponible sur http://www.icc-cpi.int ; § 246.

[248]Voir la décision des CAE, Assisses d’Appel, le procureur c. Hissen Habre, 27 avril 2017.

[249]Résolution 827 du Conseil du sécurité du25 mai 1993 (TPIY) etRésolution 955 (1994) du Conseil du sécurité du8 novembre 1994 (TPIR).

[250]https://news.un.org/fr/story/2006/06/93922

[251] TPIY(1993), TPIR (1994), Chambres spéciales au Timor-Leste (2000), les juridictions internationalisées au Kossovo (2000), le TSSL (2002), les Chambres extraordinaires pour le Cambodge (2004), les Chambres extraordinaires africaine au sein des tribunaux sénégalais (2012).

[252]Philippe KIRSCH « La cour pénale internationale, de Rome à Kampala » in FERNANDEZ Julian et PACREAU Xavier, Statut de la cour Pénale Internationale : commentaire article par article, Paris, A. Pedone, 2012, p. 25.

[253] Henri D. BOSLY, Damien VANDERMEERSCH, Crime contre l’humanité et crime de guerre face à la justice les juridictions internationaux et les tribunaux nationaux, op.cit., p. 234.

[254] Ibid.

[255] Ibid. p. 164.

[256]GilbertGUILLAUME « L’unité du droit international public est-elle aujourd’hui en danger ? », op.cit., pp. 27-28.

[257] Abdoulaye SOMA, « Vers une juridiction pénale internationale », in Revue CAMES/SJP, n°002/2015, p. 1.

[258] Jean SALMON, Dictionnaire de droit international, op.cit., p. 1057.

[259] Statut de Rome, art. 1.

[260] Valérie SOMA/KABORE, « L’évolution du statut de l’individu en droit international » in Revue CAMES/SJP, vol. 1, n°001/2015 pp. 33-35.

[261]Frédéric MEGRET, « A quoi sert la justice pénale internationale ? » in AFRI, Vol XII, 2011 [disponible sur www.afri-ct.org/article-à-quoi-sert-la-justice-penale-internationale/2311 /, consulté le 29 janvier.

[262] Julien FOURET et Mario PROST, « La multiplication des juridictions internationales, de la nécessité de remettre quelques pendules à l’heure », in Revue Québécoise de Droit International,  n° 15.2, 2002, p.120.

[263]Lucius CAFLISH, « Cent ans de règlement pacifique des différends internationaux », in RCADI, Tome 288, 2001, pp. 245-467, cité par Kpatcha Lazare EWAROU, « réflexion sur la fonction consultative de la cour International de Justice (CIJ) » Mémoire de DEA, Université de Lomé, 2012 [ en ligne sur www.memoireonline.com/04/15/9016/m_réflexion-sur-la-fonction-consultative-de-la-cour-International-de-Justice-CIJo.html] consulté le 05 févr.-19.

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