Le titre III du Code pénal du Burkina Faso est relatif aux crimes et délits contre la famille et les bonnes mœurs. Le chapitre I porte sur les crimes et délits contre la famille tandis que le chapitre 2 envisage les crimes et délits contre les bonnes mœurs.
Une lecture croisée sur les dispositions du chapitre I du titre III laisse voir que même si celles-ci paraissent louables,leur utilité ne serait pas à l’ordre du jour. En tout cas telle est l’appréciation donnée par monsieur Hervé DEMBELE, doctorant en droit privé et enseignant permanent à l’Université privée de Ouagadougou.
Sur les crimes et délits contre la famille objet du chapitre 1.
Article 531-1 :
Au sens du présent code, le mariage s’entend de toute forme d’union entre un homme et une femme, célébrée par un officier d’état civil ou célébrée selon les règles coutumières ou religieuses.
Article 531-5 :
Est puni d’une peine d’emprisonnement de six mois à deux ans et d’une amende de deux cent cinquante mille (250 000) à neuf cent mille (900 000) francs CFA, quiconque étant engagé dans les liens d’un mariage monogamique contracte un autre avant la dissolution de ce mariage ».
C’est beau, c’est louable, mais loin d’être clair et utile.
C’EST BEAU et LOUABLE…
L’objectif est clair. La monogamie, le principe, a pour but de « favoriser le plein épanouissement des époux, de lutter contre les entraves socio-économiques et les conceptions féodales » Art. 232 du Code des Personnes et de la famille.
MAIS
…c’est loin d’être aussi utile qu’on tend à le croire. Ces deux dispositions ne sont d’aucun intérêt pour :
– deux mariages successifs célébrés selon les règles de l’Islam si l’on part de l’idée que la monogamie et la polygamie ne constituent pas des options en soi.
– le cas chrétien ou l’option monogamie ne veut rien dire : c’est la règle. Aucun prêtre (pour les catholiques) ne célébrera un mariage, sachant que l’un des conjoints a contracté un mariage célébré devant un officier d’état civil.
– pour deux mariages successifs célébrés selon nos coutumes africaines. L’option monogamie ne veut pas dire grand-chose.
…c’est loin d’être clair :
Quid du cas ou l’autre conjoint consent à ce second mariage monogamique ? La disposition du code pénal n’est pas très explicite puisque le « quiconque » semble manifestement celui qui contracte le second mariage. Le conjoint qui y a consenti devrait (pour être cohérent) également être pénalement poursuivi…Autrement ce serait une porte ouverte au détournement de l’option monogamie par les conjoints qui peuvent la « manipuler » selon leur bon vouloir, en fonction de leurs intérêts : les conséquences sur le reste du dispositif (régime matrimonial notamment) sont terribles ! Ou alors il faudrait indiquer que la responsabilité pénale du « quiconque» suppose absence de consentement de l’autre conjoint…Dans ce cas on tombe dans l’hypothèse du mariage frauduleux !
Finalement pour deux mariages monogamiques (civils) consécutifs, la pénalisation n’a d’intérêt que dans l’hypothèse de fraude. En dehors de ce cas de figure, les possibilités d’opposition offertes rendent illusoire l’hypothèse d’un tel mariage.
Pourtant la formulation de l’article 531-5 ne permet pas d’affirmer que seules les cas de mariages frauduleux sont visés. C’est le pantalon qui est gros…sinon Il n’y a pas grand-chose dedans !!!!!
Quid d’un second mariage célébré (hypothèse de polygamie) alors que la femme mariée a rapporté « la preuve qu’elle-même et ses enfants sont abandonnés par le mari » ? (Art. 272 du code des personnes et de la famille). Le code pénal ne dit rien alors que le mal revient au même que celui de l’hypothèse de la monogamie. On perd un peu en efficacité…
…C’est incomplet :
Quid de la responsabilité pénale de ceux (officier d’état civil, prêtre, imam, chef coutumier…) qui auraient « favorisé » (comme cela est prévu à l’Article 531-4 concernant les mariages forcés) un mariage dans de telles conditions ?