Le Comité des droits de l’homme a dans une déclaration en date du 24 avril rappelé aux Etats parties au Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966 que si l’article 4 dudit instrument leur permet de déroger à leurs obligations, il n’en reste pas moins que cela devra se faire dans l’observation des conditions prévues à cet effet.
Lisez l’intégralité de la déclaration que nous avons traduite pour vous :
1. Un certain nombre d’États parties au Pacte international relatif aux droits civils et politiques ont informé au cours des dernières semaines le Secrétaire général des Nations Unies, conformément à l’article 4 du Pacte, des mesures d’urgence qu’ils ont prises ou prévoient de prendre en vue de freiner la propagation des la pandémie du coronavirus (COVID-19), par dérogation à leurs obligations au titre du Pacte. Il a toutefois été porté à l’attention du Comité que plusieurs autres États parties ont eu recours à des mesures d’urgence en réponse à COVID-19 d’une manière qui affecte gravement la mise en œuvre de leurs obligations au titre du Pacte, sans présenter formellement une notification de dérogation au Pacte.
2. Le Comité est d’avis que, face à la pandémie de COVID-19, les États parties doivent prendre des mesures efficaces pour protéger le droit à la vie et à la santé de tous les individus sur leur territoire et de tous ceux qui relèvent de leur juridiction, et reconnaît que de telles mesures peuvent entraîner, dans certaines circonstances, des restrictions à la jouissance des droits individuels garantis par le Pacte. En outre, le Comité reconnaît que les États parties qui font face à la menace d’une contagion généralisée peuvent avoir recours, à titre temporaire, à des pouvoirs d’urgence exceptionnels et invoquer leur droit de dérogation au pacte en vertu de l’article 4, pourvu que cela soit nécessaire pour protéger la vie de la nation. Toutefois, le Comité souhaite rappeler aux États parties les exigences et conditions à l’article 4 du Pacte et expliqué dans les Observations générales du Comité, notamment dans le Commentaire général no 29 sur les États d’urgence (2001), qui fournit des orientations sur les aspects suivants des dérogations : (1) proclamation officielle de l’état d’urgence; (2) la notification officielle au Secrétaire général des Nations Unies; (3) la stricte nécessité et la proportionnalité de toute mesure dérogatoire prise; (4) la conformité des mesures prises avec d’autres obligations internationales; (5) la non-discrimination; et (6) l’interdiction de déroger à certaines droits dérogatoires. En particulier, les États parties doivent respecter les exigences et conditions suivantes lorsqu’ils exercent des pouvoirs d’urgence en rapport avec la pandémie de COVID-19 :
a) Lorsque des mesures dérogatoires aux obligations des États parties au Pacte sont prises, les dispositions dérogatoires et les motifs de la dérogation doivent être communiqués immédiatement aux autres États parties par l’intermédiaire du Secrétaire général de l’ONU. Les notifications par les États parties doivent inclure des informations complètes sur les mesures dérogatoires prises et une explication claire des raisons de leur adoption, ainsi qu’une documentation complète des lois adoptées. Des notifications supplémentaires sont requises si l’État partie prend ultérieurement des mesures supplémentaires en vertu de l’article 4, par exemple en prolongeant la durée de l’état d’urgence. L’obligation de notification immédiate s’applique également à la résiliation de la dérogation. Le Comité considère que la mise en œuvre de la notification immédiate est essentielle à l’exercice de ses fonctions, ainsi qu’au suivi de la situation par les autres États parties et autres parties prenantes.
b) Les mesures dérogatoires ne peuvent déroger aux obligations prévues par le Pacte que dans la mesure strictement requise par les exigences de la situation de santé publique. Leur objectif prédominant doit être le rétablissement d’un état de normalité, où le plein respect de l’Alliance peut à nouveau être garanti. Les dérogations doivent être limitées, dans la mesure du possible, en ce qui concerne leur durée, leur couverture géographique et leur portée matérielle, et toutes les mesures prises, y compris les sanctions imposées à leur égard, doivent être de nature proportionnelle. Dans la mesure du possible, et compte tenu de la nécessité de protéger la vie et la santé d’autrui, les États parties devraient remplacer les mesures relatives au COVID-19 qui interdisent les activités pertinentes à la jouissance des droits au titre du Pacte par des mesures moins restrictives qui permettent ces activités les États membres ont adopté des mesures visant à améliorer la qualité de vie et la qualité de la vie.
c) Les États parties ne devraient pas déroger aux droits conférés par le Pacte ou invoquer une dérogation lorsqu’ils peuvent atteindre leurs objectifs de santé publique ou d’autres politiques publiques en invoquant la possibilité de restreindre certains droits, comme l’article 12 (liberté de circulation), l’article 19. (Liberté d’expression) ou l’article 21 (le droit de se réunir pacifiquement), conformément aux dispositions de ces restrictions énoncées dans le Pacte, ou en invoquant la possibilité d’introduire des limitations raisonnables sur certains droits, comme l’article 9 (droit à la liberté personnelle) et l’article 17 (droit à la vie privée), conformément à leurs dispositions.
d) Les États parties ne peuvent recourir à des pouvoirs d’urgence ou mettre en œuvre des mesures dérogatoires d’une manière discriminatoire ou qui viole d’autres obligations qu’ils ont contractées en vertu du droit international, y compris en vertu d’autres traités internationaux sur les droits de la personne auxquels aucune dérogation n’est autorisée. Les États parties ne peuvent pas non plus déroger aux dispositions non dérogatoires du Pacte, à savoir l’article 6 (droit à la vie), l’article 7 (interdiction de la torture ou des peines cruelles, inhumaines ou dégradantes, ou de l’expérimentation médicale ou scientifique sans consentement), l’article 8, paragraphes 1 et 2. ( interdiction de l’esclavage, de la traite négrière et de la servitude), article 11 (interdiction de l’emprisonnement pour incapacité de remplir une obligation contractuelle), article 15 (principe de légalité dans le domaine du droit pénal) .
e) En outre, les États parties ne peuvent déroger à leur devoir de traiter toutes les personnes, y compris les personnes privées de liberté, avec humanité et dans le respect de leur dignité humaine, et ils doivent accorder une attention particulière à l’adéquation des conditions de santé et des services de santé dans les lieux d’incarcération, ainsi qu’aux droits des personnes en situation de détention, et à la menace aggravée de violence familiale qui se présente dans de telles situations. Les États parties ne peuvent pas non plus tolérer, même dans les situations d’urgence, le plaidoyer de haine nationale, raciale ou religieuse qui constituerait une incitation à la discrimination, à l’hostilité ou à la violence, et ils doivent prendre des mesures pour s’assurer que le discours public en lien avec le COVID19 ne constitue pas un plaidoyer et une incitation contre les personnes marginalisées