Commentaire de texte:
« Pour être lié par une coutume, il n’est pas nécessaire que l’Etat ait directement participé à sa formation ou l’ait accepté expressément. La règle coutumière, quand la preuve de l’existence de ses éléments matériel et psychologique a été apportée bénéficie en effet d’une présomption d’acceptation unanime. Tous les Etats ,à moins qu’ils aient expressément manifesté la volonté contraire ,sont donc liés par une règle coutumière générale, qu’ils aient ou non contribué à sa formation (…)Un Etat peut rejeter expressément une coutume alors qu’elle n’est qu’en phase de construction ;il n’est alors pas lié par les règles qu’elle établit .En effet, lorsqu’il constate qu’une règle qu’il n’approuve pas est en passe de revêtir les caractères d’une coutume ,un Etat a toujours la possibilité de s’y déclarer opposé. Il doit alors manifester de façon claire et constante son opposition ».
Catherine ROCHE, L’essentiel du droit international public, Paris, Gualino,2016,7e édition, Collection Les Carrés, pp. 31-32.
Commentaire proposé:
Le droit des gens, entendu comme le régime normatif applicable à la société internationale repose sur une pluralité de sources. C’est d’ailleurs sur l’une de ces sources que Catherine ROCHE a écrit un ouvrage dont le thème est : L’essentiel du droit international. C’est un ouvrage dont la 7e édition a été publiée dans les éditions Gualino à Paris, et à la Collection les Carrés en 2016. Figurant aux pages 31 et 32 du document précité, l’extrait soumis à commentaire traite de la coutume internationale, l’une des sources principales du droit international. Le texte structuré en un seul paragraphe fait ressortir deux idées majeures. Il met dès les premières lignes en exergue l’étendue du caractère obligatoire de la coutume internationale à l’égard de tous les Etats, quoiqu’il relativise par la suite sa portée en évoquant la possibilité pour un Etat de s’opposer au caractère obligatoire de la règle coutumière.
La réflexion sur cet extrait présente un intérêt certain dans la mesure où elle permet de mesurer l’impact de la coutume sur la souveraineté des Etats.
En raison de l’ossature du texte à commenter, lequel aborde la portée du caractère obligatoire de la coutume internationale, il sied de construire notre développement autour du schéma suivant : En premier lieu, il conviendra de mettre en exergue l’obligatorieté erga omnes de la coutume internationale(I) puis la possible dérogation à ce principe (II).
I .La coutume internationale, une règle d’applicabilité erga omnes
Le caractère obligatoire la coutume internationale est indépendant de son acceptation par les Etats(B). Cependant, ce caractère obligatoire est conditionné à la formation valable ou régulière de la coutume(A).
A. Effet tributaire de conditions de formation
L’article 38 du statut de la Cour Internationale de Justice(CIJ) définit la coutume internationale comme la preuve d’une pratique régulière acceptée comme étant du droit. Elle revêt en principe dès sa formation régulière un caractère obligatoire à l’égard de tous les Etats .Cependant, pour être formée, la coutume doit remplir deux principales conditions. Il s’agit du consuetudo, c’est-à-dire « l’élément matériel » ou la pratique répétée dans le temps ; et l’opinio juris sive necessitas qui n’est rien d’autre que « l’élément psychologique », c’est-à-dire le sentiment de suivre une règle obligatoire. Ces deux éléments doivent être constatés par le juge international. En effet, il revient au juge de consacrer la norme coutumière de droit international.
L’obligatoriété de la règle coutumière internationale est indépendante de l’acceptation expresse des Etats(B).
B. Effet indépendant de l’acceptation des Etats
Comme toute règle de droit la coutume internationale est créatrice d’obligations à l’égard ses principaux sujets de l’ordre international que sont les Etats. Cet effet normatif existe indépendamment de la participation ou de l’acception d’Etats tiers. En effet, la norme coutumière jouit d’une « présomption d’acception unanime » et c’est d’ailleurs ce qui la distingue des sources conventionnelles telles que le traité qui demeure tributaire de la volonté des parties et ne lie que les parties au nom du principe de la relativité des conventions.
Cependant, il y a lieu d’observer que le caractère obligatoire de la norme coutumière générale n’est pas aussi absolu. Cela parce qu’un Etat peut se défaire de l’effet de la coutume internationale. Reste à savoir comment (II) ?
II. Exceptionnelle dérogation à l’opposabilité erga omnes de la coutume internationale
Un Etat peut valablement s’opposer à l’application de la coutume à son égard à condition de le faire au cours d’une certaine période(A). Cette opposition est soumise à une certaine formalité(B).
A. Une opposition enserrée dans une certaine durée
La règle coutumière générale, dès sa consécration par le juge international est considérée comme formée et par ricochet comme liant les Etats même ceux qui n’ont pas participé à sa formation. Pour s’opposer valablement à l’application de la coutume, un Etat devra donc le faire durant la période même de formation de la coutume. Il devra « expressément » exprimer son rejet de la pratique alors même que celle-ci se trouve encore au stade embryonnaire. Autrement dit il ne faut pas attendre la formation effective de la coutume pour s’opposer à son application. Ce n’est qu’à cette condition qu’un Etat peut se déclarer non engagé par une norme coutumière internationale.
Mais quelle forme doit revêtir cette opposition de l’Etat à la formation de la règle coutumière ?
B. Une objection caractérisée
Il ne suffit pas pour échapper au caractère obligatoire d’une règle coutumière internationale, de simplement manifester son désaccord quant à sa formation. En effet, ce désaccord se doit d’être exprimé de manière à la fois « claire » et « constante ».
L’exigence de clarté implique que l’Etat, par la voix de ses organes et/ou autorités représentatives, indique son opposition de manière non équivoque. Cela peut être fait à travers une déclaration unilatérale de l’État à titre illustratif.
Quant à la constance de l’opposition, elle signifie que l’Etat doit rejeter la pratique coutumière toutes les fois qu’elle a eu l’occasion de se reproduire. C’est dans cet ordre que l’on parle d’objecteur persistant.
Bien détaillé !!!