Du Franc CFA à l’ECO : « Le diable est dans les détails », Professeur KAMTO


Pour le Professeur, les accords de coopération monétaires, notamment entre la France et les Pays membres de la zone franc maintiennent et solidifient les liens de dépendances post-colonial.
Mais pourquoi ?
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Il y a aussi dans le domaine monétaire, notamment en ce qui des accords qui ont effectivement maintenu les pays africains dans ces relations de dépendances en leur enlevant le levier qui permet à tout État souverain de maintenir sa propre politique monétaire. Ce n’est pas seulement fantaisiste, ce n’est même pas idéologique comme j’entends beaucoup le dire, c’est vraiment technique et économique. Bien-sur la décision est éminemment politique .La souveraineté monétaire est quelque chose de politique .Mais au final c’est qu’on vous enlève un des leviers qui vous permet d’organiser votre propre développement. On vous dit vous avez la stabilité monétaire .Mais qu’est-ce que vous faite avec la stabilité monétaire grâce à une parité fixe ?Les experts nous disent cette stabilité vous permettait seulement d’assurer aux entreprises de la puissance dominatrice de venir s’installer en sachant que l’argent qu’il investit chez vous il ne perdra pas un centime dessus puisqu’il a eu une parité fixe. Alors que par le jeu de la politique monétaire, par le jeu de la dévaluation vous pouvez justement avoir une marge qui vous permet de pouvoir modifier les rapports. Donc c’est stable, c’est fixe, il investit dix franc et il sait que je retirerai 15 francs et il est sûr qu’il retirera les 15 francs parce que la parité fixe de la monnaie vis-à-vis de la devise métropolitaine hier, vis-à-vis de la devise européenne aujourd’hui lui garantit cela.
Nous connaissons tous les autres aspects, le fait que les fonds ont été déposés aux trésors français et non pas à la banque de France. Parce que si c’est la banque de France, la banque de France est une banque donc elle doit rémunérer l’argent déposé, mais quand c’est le trésor français, c’est une administration, l’État. Cela devient même des recettes budgétaires et donc votre propre argent peut vous être prêtés parce que bon c’est un argent que vous avez déposé .A l’origine avant la révision de 1972 c’était 63% des dépôts qu’il fallait faire et après les accords, après la modification de 1972-1973 c’est devenu 50%.Mais c’est toujours beaucoup. Sans compter que lorsque ce panier commun de réserve puisque tous les pays de la zone franc mettent dans le même panier ,la garantie que vous donne le pays ,vous ne l’appelez pas tout le temps parce que les pays qui ont davantage des réserves soutiennent ceux qui n’ont pas assez de réserves. Sans qu’il ait à y intervenir. Donc si la Guinée équatoriale et le Cameroun ont davantage de réserve parce qu’il a vendu plus de pétrole et que la Centrafrique n’a pas assez de réserve il va y a avoir un jeu de compensation .On appellera pas la France en garantie puisque vous pouvez faire cela entre vous et si votre compte d’opération aux trésors français devient déficitaire, normalement c’est là que le garant doit jouer parce qu’il doit approvisionner le compte .Mais il ne le fait pas, en ce moment il vous impose la dévaluation.
Nous sommes là face à ces accords et nous avons suivi là, nous avons vu que les lignes commencer à bouger sur ce terrain là ,c’est bon, c’est déjà bien, ça va dans la bonne direction. Mais je dis il faut voir ce que ça va donner parce que le diable est dans les détails. Donc on est sorti de l’appellation déjà symboliquement on est allé à l’éco .Ce n’est plus le franc CFA ce sera l’éco, où seront déposées les réserves ? Y’aura-il des réserves apparemment non tant mieux, mais il y a quelqu’un de généreux qui se propose de continuer à être garant et tout le problème est là . Bon si vous garantissez,parce que dans l’accord de 1972 l’article 7 disait que : « La BEAC est une institution multinationale africaine à la gestion et au contrôle duquel participe la France en contrepartie de la garantie de sa monnaie».Ce sont les termes exacts de l’accord .Donc en vertu de la garantie de sa monnaie qu’elle devait participer à la gestion et au contrôle, mais non elle vous dit c’est bien l’Eco, vous ne déposez même plus chez moi mais je suis garant. Donc la clause en vertu de laquelle elle participait à la gestion et au contrôle de la monnaie demeure. C’est pour cela que j’ai dit le diable est dans les détails. Donc on nous a annoncé un accord entre le ministère des finances et les institutions financières de la zone franc en Afrique : BEAC et BECEAO en Afrique occidentale. Il faudra que nous attendions de voir ce qui sera dans cet accord pour savoir vraiment si on est sorti du franc CFA ou bien si on a seulement changé d’appellation.

Professeur Maurice KAMTO dans sa communication sur « Le droit international et décolonisation inachevée » à l’UQUA.
Vous pouvez lire l’intégralité de la communication sur :revuejuris.net

La rédaction

Revue Juridique du Faso

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