Comprendre la situation de l’Archipel de Chagos et de Mayotte avec le Professeur KAMTO

La situation de l’Archipel de Chagos et celle de Mayotte sont des exemples d’une décolonisation à reculons selon le Professeur.
Mais que veut dire décolonisation à reculons ? Qu’est-ce qu’il faut comprendre dans la situation de l’Archipel de Chagos et celle de Mayotte ?
Les réponses avec le Professeur KAMTO
Lisez :
La décolonisation à reculons veut dire que la puissance coloniale décolonise mais sans vouloir partir ou alors en gardant quelque chose, et dans le cas des grands empires coloniaux comme ceux de la Grande-Bretagne et de la France on va essayer de garder quelques confettis de l’empire. Le cas le plus illustratif, toujours en Afrique, notamment dans l’océan indien. Dans l’océan indien vous avez première situation, celle de l’archipel de Chagos . La Grande-Bretagne achète le Chagos à l’île Maurice en 1976 et l’île Maurice n’est pas indépendant en ce moment là .Donc c’est à un territoire encore colonisé, sous administration britannique . La grande Bretagne achète et installe une base militaire ,concède ensuite l’île, notamment l’île principale Diego gracia aux États-Unis pour construire une base militaire. Cet accord devait durer jusqu’en 2016 et en 2016 la Grande Bretagne a renouvelé le traité jusqu’en 2036 et c’est là que l’Ile Maurice dit non ,nous sommes devenus un territoire ,un État indépendant vous ne pouvez donc pas concéder quelque chose qui ne vous appartient pas. Donc là aussi l’AG des Nations-Unies a demandé un avis consultatif sur le statut de Chagos et l’avis consultatif a été très clair ,c’est tombé le 25 février 2019.Il a été très clair en disant que la Grande-Bretagne doit plier bagages, donc doit quitter l’archipel de Chagos le plus rapidement possible parce que c’est sur le territoire de l’île Maurice.
Deuxième exemple dans l’océan indien : c’est Mayotte .L’île de Mayotte fait partie des Comores , l’archipel de Comores .En 1974 ,la France organise le referendum d’auto-détermination dans les Comores. C’est un archipel composé de quarte île :la grande Comores, Mohéli, Anjouan et Mayotte .Les populations des Comores votent, dans les trois îles (Grande Comores, Mohéli et Mayotte) elles votent à 99% pour l’indépendance .Sur l’île de Mayotte les populations votent à 63% pour le maintien de la République française . Mais je dis bien il s’agit bien d’un archipel ,d’un seul État donc normalement on devait additionner les voix des quatre îles pour déterminer si les populations des Comores ont décidé d’être indépendantes ou de rester avec la République française. Mais là pour le coup on a fait du saucissonnage ,on a dit, on reconnaît l’indépendance de trois îles qui ont votés à 99% pour cent pour l’indépendance mais la quatrième île qui a voté à 63% on l’enlève et elle devient partie du territoire français comme vous le savez on a départementalisé Mayotte ,donc Mayotte est devenu le 101e département de la France et 5e département d’Outre-mer. Mais je dois dire que dés 1974, de façon plus précise en 1975 l’AG de l’ONU par une résolution 33/85 de 1975 a dit clairement que la puissance coloniale devait respecter l’unité et l’intégrité territoriale des Comores et donc avait décidé de ne pas reconnaître le détachement de Mayotte par rapport aux Comores.
L’Organisation de l’Unité africaine a voté dans le même sens une résolution et en 2011 d’ailleurs lorsque la départementalisation a eu lieu il y a eu une nouvelle résolution de l’AG et surtout de prises de position de l’Union Africaine qui ont condamné très clairement justement la souveraineté française sur Mayotte et la départementalisation. Vous voyez donc que par ce comportement les puissances quelle soit britannique hier jusqu’à l’avis consultatif ou dans le cas de Mayotte nous sommes dans une situation où le principe de l’auto-détermination ,le principe du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes est battu en brèche ,donc il y a une rébellion de la puissance contre les règles du droit international quand cela les arrange .Je rappelle que ce principe d’auto-détermination ,le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes qui avait été formulé et surtout expérimenté pour la première fois dans les années 1900, notamment avec la création de la Turquie et avec les Etats de la région a été adopté sous forme d’une résolution de l’Assemblée générale des Nations-Unies en 1960.La plupart des internationalistes disent que c’est un principe qui fait partie du droit international coutumier . Qui dit droit international coutumier dit règle opposable à tous les États, d’ailleurs qu’il soit partie à un traité ou pas ,et donc on voit bien que dans le cas d’espèce il n’y a pas de respect d’une règle de droit international dès lors qu’une puissance estime que ses intérêts vont à l’encontre. Et donc du coup pour faire un rapprochement avec l’actualité vous voyez combien peut être inextricable la situation de la Crimée .Si vous dites vous condamnez un État parce qu’il a envahit la Crimée ,il a étendu sa souveraineté là-dessus , alors que vous-même vous devez être mal à l’aise parce que vous avez également par le biais du passé, dans le cas de la Crimée le pays qui a envahit la Crimée organisé un referendum formellement ,il va vous opposer que les populations de là ont décidé qu’elles veulent bien être rattachées à la Russie, je ne vois au nom de quoi vous devez vous en offusquer et du coup comme chacun a un cadavre dans le placard on va dire bon vaut mieux se taire .Il faut bien voir comment effectivement la puissance peut être à la fois une source de protection et de défense du droit international mais aussi une source de désordre juridique international.
Le Professeur Maurice KAMTO dans sa communication à L’UQUA sur « Le droit international et décolonisation inachevée »

Lire l’intégralité de la communication sur:revuejuris.net

Retranscrit intégralement par ZOROME Noufou
La rédaction
Revue Juridique du Faso

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *