Hommage au Pr. Philippe MALAURIE (7 mars 1925- 1er avril 2020)


Le jeudi, 1er avril dernier a été assurément une journée triste pour le monde scientifique .En effet, ce jour, le monde scientifique apprenait la disparition d’un grand homme : Le Professeur P. Malaurie. Touché par la maladie à virus corona, le Pr n’a pu malheureusement affronter plus longtemps ce virus spécialement géronticide. Ainsi, le Covid-19 nous arracha ce jour le Pr Malaurie pour toujours. Ce fut une grande triste nouvelle pour le monde Universitaire , en particulier pour nous étudiant en droit qui aimons dans notre habitude le cité avec fierté : « Dans son ouvrage Introduction au droit, le Pr Malaurie expliqua que… » Aucun juriste ne peut y être indifférent.
« En Afrique, un vieillard qui meurt est une bibliothèque qui brûle ». Ce vieux dicton africain qui a été vulgarisé par le célèbre Amadou Hampaté Bà dans son discours prononcé en 1960 à l’UNESCO convient parfaitement au sort du monde scientifique en général et plus particulièrement à la communauté des juristes de tradition civiliste ou non d’ailleurs.
Cela dit, si l’homme est sujet à mort, le grand homme, le grand juriste qu’il a été restera immortel. En effet, la contribution de ce grand nom dans l’humanité analphabète juridiquement parlant n’est plus à démontrer. Il fut aussi bien un juriste affirmé et modeste qu’un historien caché et passionné.

Avant tout brillant civiliste, l’homme est auteur d’une thèse intitulée L’ordre public et le contrat. Étude de droit civil comparé : France, Angleterre, URSS, (dans laquelle il explique avec maestria les articulations de la notion théorique d’ordre public avec le contrat) publiée en 1953 chez Matot-Braine. Il sera par la suite reçu très jeune à l’agrégation de droit privé en 1951 et à partir de là débute sa brillante carrière professionnelle.
Il aura un champ d’enseignement et d’études très vaste, couvrant pratiquement l’intégralité du droit civil français, notamment le droit de la famille, le droit notarial (successions, libéralités, droit des sûretés…). Il rédigea des manuels de droit des personnes, droit des biens, droit des contrats… Il est d’ailleurs le responsable de la plupart des œuvres de droit civil de la maison Dalloz, du Répertoire Defrenois après avoir assuré celles des éditions Cujas. D’ailleurs, chez Cujas, il a pu faire étalage de sa passion pour l’histoire en y publiant en 1995 son ouvrage intitulé Anthologie de la pensée juridique. Dans cet ouvrage il déclara par exemple ceci : « des hommes de bonne volonté à la recherche de la vérité ou d’aveugles faiseurs de systèmes, un feu d’artifice qui ne cesse de briller – le droit et la justice – ou des étoiles filantes qui passent, repassent, disparaissent et reviennent dans la mémoire des hommes – leurs espérances et leurs illusions -, des aurores lumineuses ou une nuit obscure, un bouquet disparate ou un dialogue au-dessus du temps. Cette anthologie est à l’image de l’histoire de la pensée humaine : elle résume à la fois la puissance invincible de l’esprit et sa faiblesse misérable ».
Nous lui sommes spécialement reconnaissant pour son manuel « Introduction au droit » et « Droit civil » co-écrit avec Laurent Aynès qui m’ont beaucoup servi et me servent sans doute encore.
Un ami l’ayant connu parle de lui avec passion en ces termes : « il était un alliage sans pareil de fantaisie , de curiosité et de rigueur. Redoutable rhétoricien faisant d’une langue vive et d’une rare faculté de raisonnement les armes de la démonstration qui laissaient coi, étourdi et enfin conquis ».
Très humble, il disait lui-même lors d’une interview réalisée par le ministère de la justice et des libertés français que « l’humilité est la seule voie qui mène à la vérité et que le droit repose sur la vérité ». Cette humilité s’est aussi ressentie dans ‘’Dictionnaire d’un droit humaniste’’ où ce grand juriste lance que :« L’humanisme du droit c’est aussi refuser son omniprésence, l’illusion que le droit peut tout diriger et tout organiser, car il existe d’autres valeurs qui régissent les hommes. (…) En étant humaniste le droit échappe à sa sécheresse naturelle, maîtrise ses inhumanités et combat ses impostures : il est un droit vivant qui donne aux hommes un sens à leur vie. »
Cependant, au grand regret des droits de l’homme, Philippe Malaurie n’a jamais été un grand supporteur de la cause homosexuelle car il était très sensible aux contradictions de son temps. Ainsi, en 1998, il expliquait, lors d’une audition au sénat son opposition à l’homosexualité arguant de « la réalité profonde de notre condition humaine : la distinction entre l’homme et la femme. C’est le repère fondamental, premier de l’individu et de la société ».
L’homme a aussi fait savoir son hostilité au Pacs à la même époque, soutenant que : « L’amour ou un projet commun de vie ne peut fonder un lien juridique que s’il est conforme à la loi et à nos valeurs morales élémentaires. Pas de contrat d’union civile incestueux, homosexuel, pédophile ou polygame » ou encore que : « Les individus ne veulent plus s’engager de manière durable ,la loi du 15 novembre 1999 les y autorise avec le pacte civil de solidarité et le concubinage ;si le régime est encore trop contraignant, je leur propose d’adopter un caniche pour tromper leur solitude ». Dans ‘’droit civil, La famille’’,6e éditions.
Un homme s’en est allé certes, mais un grand homme nous restera à jamais.
Ces quelques mots ont été pensés pour rendre un hommage mérité au Professeur Philippe MALAURIE, une manière pour nous de manifester notre gratitude pour ses écrits qui nous servent aujourd’hui et nous serviront sans aucun doute demain. Au regard de son rang dans la communauté scientifique et de son immense contribution dans la science, il n’y a aucun doute que dans les jours à venir de grandes réflexions lui seront dédiées à travers des mélanges.

Par KOALA W. Fabien, étudiant en Master 2 Droit pénal international et européen à l’Université de Limoges et Ambassadeur de la Revue Juridique du Faso en France.

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