De la protection du droit à l’image au Burkina Faso


Le réseau social Facebook est devenu au fil du temps au Burkina Faso un espace virtuel de non-droit où par exemple des images relatives à des violations flagrantes des droits des personnes sont devenues virales. Des bastonnades policières aux images érotiques, le constat est triste. L’internet laisse apparemment le champ libre à des milliers d’internautes malgré les risques de condamnation. Sur le plan juridique, de quels moyens de droit dispose la personne objet de ces images et vidéos érotiques prises et publiées sur les réseaux sociaux sans son consentement ?

Implication au plan civil?Oui

Violation du droit à l’image
La victime peut trouver protection en invoquant la violation de son droit à l’image. Le droit à l’image peut être compris comme le droit pour toute personne de s’opposer à la réalisation et/ou à l’utilisation de son image sans son consentement. Selon la jurisprudence (Cass. fr. civ. 1re, 27 février 2007, n°06-10393), « toute personne dispose sur son image, partie intégrante de sa personnalité, d’un droit exclusif qui lui permet de s’opposer à sa production » et/ou à son utilisation. Ce droit à l’image concerne toute personne, physique ou morale et quel que soit son rang social. Ce droit qui englobe aussi bien les images en photos ou vidéos est protégé peu importe le lieu, public ou privé.
Ainsi, toute personne qui prend l’image d’une autre personne et/ou l’utilise viole son droit à l’image toutes les fois qu’elle n’y ait pas été autorisée expressément et spécialement par cette dernière. La réalisation et/ou l’utilisation de l’image d’une personne n’est licite qu’avec son autorisation spéciale et expresse. Toute image d’une personne réalisée et/ou utilisée sans l’autorisation de la personne qui en fait l’objet viole son droit à l’image.
Pour certaines personnes qui ont une vie publique telles les hommes politiques, les stars du show biz, le droit présume leur consentement lorsqu’elles sont dans l’exercice de leur vie publique : la vedette en pleine prestation ou l’homme politique en pleine campagne. Mais dans la sphère de sa vie privée, une autorisation expresse de sa part est nécessaire pour la réalisation de son image.
Le droit à l’image protège également contre l’utilisation détournée d’une image prise avec le consentement de la personne concernée. C’est le cas lorsque qu’une personne donne son consentement à la réalisation de son image pour un but déterminé, mais que la personne qui a réalisé l’image l’utilise à d’autres fins que celle pour laquelle l’autorisation a été donnée.

Violation du droit à l’intimité de la vie privée

Le droit au respect de la vie privée ou le droit au respect de l’intimité de la vie privée n’est pas défini par la loi et ce, pour laisser une liberté d’appréciation au juge au regard du contenu non exhaustif de la notion de vie privée. Néanmoins, on peut retenir que le droit au respect de la vie privée est le droit pour toute personne de mener sa vie à l’abri de toute immixtion et des regards d’autrui. La notion de vie privée englobe tout ce qui concerne une personne en rapport avec sa vie familiale ou amicale, conjugale ou sentimentale, les informations sur son état de santé notamment.
Ainsi, toute immixtion dans la vie privée d’une personne, pour être licite, doit faire l’objet d’une autorisation expresse de la part de la personne concernée. Sans cette autorisation expresse, il y a violation de son droit au respect à la vie privée.
Peut invoquer une violation de son droit à la vie privée une personne photographiée ou filmée puis publiée en pleine intimité avec son partenaire sans son consentement. La violation concerne non seulement le fait de fixer l’image (photographie, vidéo…) mais aussi le fait de la publier par quelque moyen que ce soit.

Sanctions possibles en cas de violation du droit à l’image et du droit à la vie privée

• La victime de la réalisation et/ou de l’utilisation illicite (sans son autorisation) de son image (photo ou vidéo) peut saisir le Président du tribunal de grande instance par voie de référé (procédure d’urgence et accélérée) pour empêcher la publication de l’image si elle ne l’est pas encore.
• Le juge peut aussi décider d’un certain nombre de mesures visant à tarir la source de l’atteinte tel le retrait de l’image ou sa lacération afin de rendre la victime méconnaissable.
• Elle peut obtenir une réparation en argent sous forme d’allocation en dommages et intérêts qui peuvent être conséquents ou simplement symboliques.
• Le juge peut également ordonner à l’auteur de la violation la publication de la décision le condamnant, ce qui constitue une réparation en nature.

Implication au plan pénal?Oui

Délit d’atteinte à l’intimité de la vie privée
Le nouveau code pénal sanctionne les auteurs d’atteinte à l’intimité de la vie privée des personnes. Selon l’article 524-9 alinéa 1er dudit code, « est puni d’une peine d’emprisonnement de deux mois à un an et d’une peine d’amende de deux cent cinquante mille (250 000) à trois cent mille (300 000) de francs CFA, quiconque aura volontairement porté atteinte à l’intimité de la vie privée d’autrui :
– en captant, écoutant, enregistrant ou transmettant les paroles prononcées dans un lieu privé par une personne sans le consentement de celle-ci ;
– en fixant, enregistrant ou transmettant sans le consentement de celle-ci, l’image d’une personne se trouvant dans un lieu privé ».

Réserve
Cependant, l’alinéa 2 du même article prévoit une exception à la répression du délit d’atteinte à l’intimité de la vie. En effet, cet alinéa prévient « lorsque les actes énoncés ci-dessus ont été accomplis au vu et au su des intéressés sans qu’ils s’y soient opposés, alors qu’ils étaient en mesure de le faire, le consentement de ceux-ci est présumé ». C’est donc dire par exemple que lorsque l’image d’une personne se trouvant dans un lieu privé fixée, enregistrée ou transmise au vu et au su de celle-ci sans son opposition alors qu’elle en avait la possibilité, l’infraction ne peut être constituée.
En d’autres termes, le fait pour un partenaire de filmer les ébats sexuels sans le consentement de l’autre, à son insu notamment, constitue une infraction. Il en est de même lorsque le consentement a été donné pour la réalisation de la vidéo mais non sa publication. Dans ce dernier cas, seule la publication de la vidéo est passible de sanction pénale. Il faut enfin noter que le consentement donné n’est jamais définitif en ce sens où la personne ayant donnée son consentement pour la réalisation et la publication de la vidéo peut se rétracter avant la diffusion.
Pour les tiers, le simple fait d’enregistrer ou de transmettre, par exemple par messenger, whattsapp ou tout autre moyen la vidéo d’une personne sans consentement, constitue une infraction au sens de l’article 524-9 du code pénal.
Enfin, le fait de traiter sur les réseaux sociaux de manière mensongère une personne de prostituée pourrait tomber sous le coup de la diffamation entendue au sens de l’article 524-1 comme « Toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération des personnes ou du corps auquel le fait est imputé, est une diffamation ». Cette dernière est punie « d’une peine d’emprisonnement de un an à cinq ans et d’une amende de cinq cent mille (500 000) à deux millions (2 000 000) de franc CFA, si la diffamation est commise par le biais d’un moyen de communication électronique », article 524-4 du code pénal.

Une analyse de Monsieur Kodjo Massongo OULANDO , doctorant en droit privé ,expert en médiation civile et commerciale et porte-parole adjoint du Cercle des Juristes pour la Vulgarisation du Droit(CJVD)

Un commentaire sur “De la protection du droit à l’image au Burkina Faso”

  1. Harouna Isaac MARE dit :

    Bonne analyse.merci bien

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *