Article 1382 du code civil (ancien)-nouvel article 1240 : « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer »
La responsabilité civile recouvre deux grands domaines de responsabilité que sont la responsabilité contractuelle et la responsabilité délictuelle. La responsabilité contractuelle est un régime de responsabilisation spécifique en cas de mauvaise exécution ou d’inexécution totale ou partielle des obligations nées d’un contrat. En revanche, la responsabilité délictuelle ou responsabilité acquilienne (de la lex Aquila romaine) s’attache à l’étude et à la détermination des conséquences des faits illicites ou fautes qui causent un dommage à autrui.
Aujourd’hui il est plus exact de parler de responsabilité civile extracontractuelle dans la mesure où, comme il a été dit plus haut, la responsabilité civile peut avoir une autre source que la faute
La responsabilité fondée sur la faute a été consacrée par les articles 1382 et 1383 anciens en raison de la tradition canoniste qui considérait que la responsabilité civile ne pouvait être fondée que sur la faute. En France, suite à l’ordonnance portant réforme du droit des obligations du 10 février 2016, ces articles se sont vus modifiés dans leur numérotation uniquement. La lettre du texte n’ayant pas changé en plus de deux siècles démontre qu’il s’agit là d’une loi qui répond au principe de clarté de la loi à valeur constitutionnelle. Il convient cependant d’avoir à l’esprit que l’article 1382 du code civil n’est pas le seul texte à régir la responsabilité civile délictuelle quoi que plus ancien, d’autres règles régissant la responsabilité civile délictuelle ont été créées postérieurement au code civil. En effet l’article 1240 du code civil français –article 1382 jusqu’ à la réforme du droit des obligations entrées en vigueur au 1er octobre 2016 pose le principe de la responsabilité du fait personnel. En d’autres termes, lorsque la faute d’une personne cause un préjudice à un tiers, le responsable doit indemniser la victime.
Ce texte vise la responsabilité du dommage subi par une personne en engageant la responsabilité d’une autre personne. Cette responsabilité dite « subjective » se divise en responsabilité délictuelle pour faute à l’article 1382cc et quasi-délictuelle à l’article 1383 du même code.
Il existe encore des responsabilités plus spécifiques qui naissent du fait d’une autre personne ou d’une chose dont on a la garde. Ainsi on pourrait dire aisément que l’article 1382cc vise la responsabilité pour faute personnelle intentionnelle.
Dans quelle mesure la responsabilité dite subjective de l’article 1382 se distingue-t-elle des autres responsabilités délictuelle?
La responsabilité consacrée par cet article est tout d’abord une responsabilité du fait personnel ; c’est-à-dire qu’on est responsable du dommage qu’on cause par son fait. Ensuite il n’est pas à douter que le code civil a voulu lier la responsabilité du fait personnel à l’existence d’une faute. C’est cette notion de faute qui distingue particulièrement cette responsabilité. Le fait est ici entendu comme une faute intentionnelle à la différence de la faute par imprudence et par négligence. En outre certains auteurs parlent de responsabilité simple fondée sur les articles 1382 et 1383 où il n’existe pas de présomptions, ni de pluralité de responsable ; comme l’écrit Carbonnier, c’est le droit commun de la responsabilité. Il faut noter que le conseil constitutionnel français a reconnu une valeur constitutionnelle au principe énoncé dans l’article 1382 selon lequel toute faute dommageable imputable à une personne physique ou morale de droit privé entraîne pour celle-ci une obligation de réparer( Cf. Décision du 22 octobre 1982 déclarant non conforme à la constitution la disposition d’une loi qui interdisait l’exercice d’une action en réparation lorsque le dommage avait été causé par des salariés à l’occasion d’un conflit collectif du travail).
La mise en œuvre de l’article 1382 suppose la réunion de trois conditions cumulatives : L’existence d’un dommage, la caractérisation d’un fait générateur et l’établissement d’un lien de causalité entre le dommage et le fait générateur.
A partir de quand une personne engage sa responsabilité par son propre fait ? comment qualifier un fait de faute ?
Pour mieux cerner la notion de faute, il faut commencer par définir la faute avant de d’examiner les éléments constitutifs de celle-ci.
Le code civil ne définit pas la faute, c’est la doctrine et la jurisprudence qui ont tenter de donner une définition. Ainsi plusieurs définitions ont été proposées.
La définition la plus célèbre est donnée par M.Planiol (Traité élémentaire de droit civil, T. II,3è éd.,n°947) pour qui la faute consiste en « un manquement à une obligation préexistante ». Cette définition est limitée si l’obligation n’est pas déterminée.
Une autre définition classique considère comme faute tout fait illicite imputable à son auteur, c’est-à-dire que celui qui agit conformément à la loi ne commet pas une faute, mais la définition ne dit pas quand est-ce il y a faute.
Pour les frères Mazeaud (leçons de droit civil, p.378) ; la faute est une erreur ou une défaillance de conduite telle qu’elle n’aurait pas été commise par une personne avisé, placée dans les mêmes circonstances « externes » que le défendeur. Cette définition paraît embrasser les différentes catégories de faute. En France l’avant-projet catala de réforme du code civil reprend en substance cette définition lorsqu’il retient que : « constitue une faute la violation d’une règle de conduite imposée par la loi ou un règlement ou le manquement au devoir général de prudence et de diligence » (article 1242)
Tout comme la faute pénale, des auteurs ont soutenu que la faute civile (délit et quasi-délit) nécessitait la réunion de trois éléments : un élément légal, un élément matériel et un élément moral.
Pour ce qui est de l’élément légal, il a été considéré que pour qu’un fait soit fautif il faut qu’il soit illicite.Il peut s’agir de la violation d’une norme telle que le code de la route, le code de l’urbanisme, le code pénal , un usage, une réglementation privée et plus généralement en l’absence d’un texte spécial, d’une règle d’origine morale : l’obligation d’agir de bonne foi, de ne pas nuire à autrui, de se comporter de manière prudente et avisée ou mème consister en l’exercice abusif d’un droit. C’est dire que l’article 1382 et 1383 suffisent comme fondement de la responsabilité. Le terme « tout fait quelconque de l’homme » implique qu’il n’y a pas de délimitation légales sur les comportements fautifs et ceux qui ne le sont pas, ici c’est le juge qui appréciera. Il n’est pas nécessaire qu’il y ait un texte précisant de faits définis comme en droit pénal ou le principe est « nullum crimem, nulla poena sine lege »
Quant à l’élément matériel, c’est l’acte, le fait ou l’abstention qui a provoqué le dommage.Le comportement fautif peut consister en un acte positif c’est-à-dire que le défendeur a fait ce qu’il n’aurait pas dû faire ou en un acte négatif renvoyant au fait pour le défendeur de n’avoir pas fait ce qu’il aurait dû faire.C’est la position de la jurisprudence française qui a avancé que « la faute prévue par les articles 1382 et 1383 peut consister aussi bien dans une abstention que dans un acte positif »(Cass. Civ.,27 févr. 1951)
Enfin l’élément moral, il est difficile de parler de l’élément moral en droit civil pour les fautes par imprudence ou à négligence où aucune intention n’existe.si en principe la faute suppose la faculté de discernement, le droit positif l’écarte parfois dans le souci de facilité l’indemnisation de la victime. La faute civile n’est donc pas nécessairement intentionnelle encore que la gravité de cette faute importe peu.
Si ces trois éléments caractérisent la faute, il faut noter qu’il existe divers types de fautes et cette diversité de faute civile peut être appréhendée à travers un certain nombre de classifications. On a, de ce fait, la faute intentionnelle et la faute non intentionnelle ;la faute par commission et la faute par omission; la faute très légères, la faute légère,la faute lourde ,la faute inexcusable ;la faute civile et la faute pénale ;la faute ordinaire et la faute professionnelle et la faute dans l’exercice de ses droits(abus de droit) . Mais ce qui nous intéresse ici c’est la faute dite intentionnelle puisque c’est elle qui est mise en exergue par l’article 1382cc.
La faute intentionnelle ou délictuelle se caractérise non seulement par la volonté de commettre l’acte dommageable, mais aussi par la volonté de causer le dommage, autrement dit la faute intentionnelle est celle par laquelle le responsable a prévu et accepté les conséquences de son acte(art.1382) :il a voulu briser les reins de son voisin et il y est parvenu. Une pareille faute suppose la conscience de causer le dommage. Par conséquent elle ne peut être causée par individu privée de raison qu’il s’agisse d’un petit enfant ou d’une personne atteinte d’un trouble mental.
L’existence d’une faute intentionnelle ne s’apprécie que par une analyse subjective du comportement de l’individu compte tenu de sa particularité : force physique, âge, caractère, profession….Il s’agit là d’une appréciation in concreto par rapport à la personne elle-même et dans les faits, la jurisprudence tient compte de la faute intentionnelle pour en général ne plus rechercher l’existence d’un lien de causalité ou pour accorder une réparation plus importante à la victime sans l’affirmer. Ce sont les dommage-intérêts punitifs aux États-Unis. Ces distinctions présentent un intérêt grandissant car les régimes spéciaux de la responsabilité établissent le plus souvent des hiérarchies entre les fautes dans le but de moduler la réparation :
• D’abord, en droit des assurances, on ne peut se garantir contre les conséquences de ses fautes intentionnelles (suicide en assurance-vie)
• Ensuite la législation des accidents du travail tient compte de la faute inexcusable de l’employeur pour aggraver sa responsabilité ; la faute intentionnelle du salarié pour supprimer ou diminuer la réparation.
• En plus, en droit aérien et/ou maritime, la preuve de la faute inexcusable du transporteur permet à la victime de bénéficier d’une pleine indemnité.
• Enfin, surtout la loi, en matière d’accident de la circulation qui prive d’indemnité les victimes qui ont volontairement recherché le dommage.
Quand a la preuve le code civil a consacré une responsabilité civile fondée sur l’idée de faute. Ainsi l’art 1382 cc une responsabilité reposant sur une faute prouvée.la preuve de la faute, comme celle du lien de causalité, peut être apportée par tous moyens car il s’agit de faits juridiques et non d’actes juridiques.
L’autre élément nécessaire et constant de toute responsabilité demeure le dommage qu’il convient d’élucider.
Le dommage peut être défini comme l‘atteinte à l’intérêt patrimonial ou extra-patrimonial d’une personne résultant de la lésion d’un droit ou d’un intérêt, c’est- à –dire la victime avait droit a ce que sa situation ne soit pas détériorée ou empirée . Cet intérêt doit être légitime et juridiquement protégé. Le dommage est la première condition de la responsabilité civile. Si un automobiliste réussi à circuler à gauche sans provoquer d’accident, il n’encourt point de sanctions dites réparatrices : il a certes commis une faute mais n’a pas causé de dommage. Cela dit, sa responsabilité pénale peut être engagée. L’approfondissement de la problématique du dommage passe par une distinction classique entre les caractères du dommage réparable et les différentes sortes de dommages.
Il convient de noter qu’on ne tient pas compte de l’importance du dommage. Cependant ; un préjudice trop insignifiant pourrait se voir opposer la maxime procédurale : pas d’intérêt pas d’action, où l’intérêt doit être bien entendu un intérêt sérieux. Pour être effectivement réparable, le dommage doit être certain, personnel et direct. En plus il y a une exigence d’ordre juridique : le dommage doit résulter de la lésion d’un intérêt légitime.
Le dommage doit être certain ; cela veut dire que le dommage doit exister, être réel, vrai, non contestable même si la détermination de son montant peut soulever des difficultés plus ou moins sérieuses.
Il convient d’opérer une distinction entre le préjudice futur qui est réparable et le préjudice simplement éventuel qui n’est pas réparable ?
le préjudice futur donne lieu à réparation parce qu’il est assimilé à un préjudice certain. C’est le cas notamment où l’évolution future du dommage actuel est prévisible. Si ce n’est pas le cas, on a alors affaire à un préjudice simplement éventuel qui n’est pas réparable parce que incertain. Ceci dit, on peut indemniser parfois des dommages non encore réalisés, que l’on appelle des dommages futurs, si l’on est d’ores et déjà certain de survenance future.
Le dommage doit être personnel, bien que les auteurs n’insistent pas sur cette condition, il est certain que les tribunaux en tiennent compte, tout comme le font la procédure civile. Selon le code de procédure pénale l’action appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage causé directement par l’infraction. « Chacun pour soi ». Un particulier ne peut saisir un tribunal que dans la mesure où le trouble qu’il dénonce l’atteint dans ses intérêts propres. Cette condition exclut qu’une personne quelconque puisse poursuivre le responsable en cas d’abstention ou d’inaction de la victime.
Le dommage doit être direct, tant en matière délictuelle qu’en matière contractuelle le dommage doit être la suite directe de l’accident ou de la faute.
Mais dans le cas de la responsabilité se pose le problème du préjudice par ricochet. Ainsi on admet que les proches parents (ascendant, descendant ou conjoints) puissent agir en responsabilité . La jurisprudence a très tôt admis la réparation du préjudice par ricochet (Cass. Civ. 27 juill. 1937) s’il remplit les même conditions que celui du dommage subi par la victime(certain ;personnel..)
Enfin l’intérêt lésé doit être légitime ;le dommage doit résulter de la violation d’un intérêt légitime juridiquement protégé. L’exigence d’un intérêt légitime rappelle en tout premier lieu la règle de procédure selon laquelle l’action en justice est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention. D’autre part, elle est un écho de la maxime nemo auditur propriam turpitudinem allegans(nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude). Ainsi, selon l’art 1965 du code civil, la loi n’accorde aucune action pour une dette de jeu ou pour le payement d’un pari.
Il faut noter qu’un intérêt semble suffire pour constituer le dommage réparable. L’exigence qu’il soit légitime et juridiquement protégé exprimerait seulement l’idée d’un refus d’action dans certaines situations qui sont contraires au droit ou à la morale. Ainsi le propriétaire d’une maison de jeux clandestins ou d’une maison de tolérance ou de ‘’chambres de passe’’ n’obtiendra pas réparation si, par le fait d’autrui, son local est détruit et que tarissent les sources de substantiels bénéfices.
Il existe plusieurs catégories de dommage . Il peut s’agir du dommage subi par la victime directe ou de celle ayant souffert par répercussion du premier dommage, en l’occurrence le préjudice par ricochet. Par ailleurs, le préjudice peut être collectif ou être de nature écologique
D’abord concernant le dommage des victimes directes, il peut être rangé dans deux grands groupes : dommages patrimoniaux et extrapatrimoniaux
Les dommages patrimoniaux sont ceux qui sont directement susceptibles d’évaluation pécuniaire ,il peut s’agir d’une perte réprouvée telle que l’appauvrissement pécuniaire de la victime qui provient de l’atteinte matérielle à un bien(destruction ou détérioration ),de perte d’exploitation ou des dépenses ou frais exposés par la victime. Il peut s’agir également d’une atteinte à l’intégrité physique, comme les frais de soin ou les pertes de revenus consécutif à la diminution de la capacité physique ou l’invalidité. Les dommages patrimoniaux peuvent consister, ensuite, en un gain manqué qui est une privation de l’enrichissement auquel pouvait s’attendre la victime.
Les dommages extrapatrimoniaux ou d’ordre moral, sont ceux qui porte atteinte à intérêt moral et ne sont pas immédiatement susceptibles d’évaluation pécuniaire. Les dommages extrapatrimoniaux peuvent être classés en deux catégories principales. La première concerne les atteintes à un droit extrapatrimonial (droit à l’honneur par la diffamation ou l’injure, droit à la vie privée par la révélation non autorisée, droit à l’image par la diffusion non autorisée ). La seconde catégorie de dommages extrapatrimoniaux a trait aux atteintes à l’intégrité corporelle de la personne. Il en est ainsi du préjudice né des souffrances physiques consécutives aux blessures ou à une intervention chirurgicale ;du préjudice esthétique en cas mutilation ou de cicatrices et du préjudice d’agrément consistant en la privation des plaisirs spécifiques liés au handicap physique.
Ensuite, on a les préjudices par ricochet, nommés également dommages réfléchis sont des préjudices subis par des personnes du fait des dommages causés à la victime directe.
Enfin, on a le dommage collectif qui est le préjudice subi par un groupe de personne. A côté on peut noter le dommage écologique qui résulte de l’atteinte portée à l’environnement et des nuances diverses.
La dernière condition de la responsabilité délictuelle de l’article 1382 est le lien de causalité.
Le lien de causalité ou relation causale ou rapport de cause à effet, existe si en l’absence du fait incriminé, le dommage ne serait pas produit. Il ne suffit pas qu’il y ait un dommage et un fait générateur de responsabilité : il faut qu’un lien de cause à effet les unisse. Autrement dit, il faut que le fait générateur soit la cause du dommage, sa cause efficiente. Il doit y avoir une relation matérielle entre le responsable et le dommage.
Il faut souligner que l’article 1382 du code civil objet de la présente analyse qui dispose « tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui…. » exige bien un lien de causalité. La jurisprudence exige que le lien de causalité soit certain et directe
Concernant la preuve du lien de causalité il faut dire que c’est celui qui prétend –demandeur ou victime – qu’un fait générateur de responsabilité lui a causé un dommage d’apporter la preuve du lien de causalité. En cas de faute intentionnelle prouvée comme celle de l’article 1382, la preuve de l’existence du dommage suffit. Mais un tel lien n’est pas toujours facile à déterminer, de sorte qu’on a eu à recourir à deux théories pour aider à cette détermination.
Il s’agit, tout d’abord de la théorie de l’équivalence des conditions ou des causes développées par l’auteur allemand Von Buri en 1885. Elle s’applique quand le dommage est la conséquence de plusieurs faits. Pour cette théorie tous les événements qui ont conditionné le dommage sont équivalents. Par exemple, en voulant se poser sur un siège mal réalisé par un menuisier, un instituteur tombe dans une salle de classe et se fracture la jambe. Il est immédiatement pris en charge par les pompiers qui décident de l’emmener à l’hôpital le plus proche. En chemin, l’ambulance a un accident causant au patient qu’elle transportait un traumatisme crânien. Par chance, l’hôpital n’étant plus très loin, la victime a été rapidement conduite au bloc opératoire. L’opération se déroule au mieux. Cependant, à la suite de l’intervention chirurgicale, elle contracte une infection dont elle décédera quelques temps plus tard. Qui est le responsable du décès de la victime ?
On voit qu’il y a une pluralité de causes du décès de la victime. Tous ces évènements en sont la cause à titre égal. Tout fait sans lequel le dommage ne serait pas produit peut en être dit la cause, et l’auteur du fait peut dès lors être obligé à réparer l’entier dommage. Cette théorie présente un grand intérêt pour les héritiers de la victime qui ont ainsi de fortes chances d’être indemnisés. Elle est tout de même excessive puisqu’elle aboutit à une conception trop extensive de la responsabilité. Dans la pratique, certains événements ou causes pourraient de fait être privilégiés, ce qui tendrait à rapprocher la théorie de l’équivalence de celle de la causalité.
Il s’agit ensuite de la théorie de la causalité la plus adéquate. Elle est inspirée par l’allemand Von Kries à la fin du 19e siècle. C’est une théorie qui s’oppose à la précédente puisqu’elle est plus sélective. Elle ne retiendra dans les évènements ayant concouru à la réalisation du dommage que celui ou ceux qui, suivant le cours normal des choses, ou la suite naturelle des évènements entraînent des dommages de l’espèce considérée. Il y a cependant des sérieuses difficultés pour sa mise en œuvre.
Il faut signaler l’existence de théories qui n’ont plus de défenseurs, dites théories abandonnées. A ce niveau on peut relever la théorie de la causa Proxima ou de la proximité de la cause, qui retient comme cause l’événement qui est le plus proche dans le temps parmi ceux qui ont conditionné le dommage ; on peut noter également la théorie de la causa remonta qui retient le premier élément de la chaîne.
Une fois ces trois conditions réunies, le juge pourra retenir la responsabilité délictuelle contre celui qui est à l’origine du dommage et l’obliger à le réparer, c’est d’ailleurs l’objectif que le législateur du code civil a voulu assigner à l’article 1382cc. Cependant, le tout n’est pas de remplir les conditions de la responsabilité civile : dommage, fait générateur ou faute et un lien de causalité. En effet, en restant à ce stade, il n’est pas certain qu’on obtiendra une réparation quelconque. Il convient de rechercher par quelles voies (judiciaire ou non) la réparation pourra être obtenue.
Le droit de réparation de la victime peut être mis en œuvre de deux manières :
Soit elle conclut avec l’auteur du dommage ou, plus fréquemment , avec son assureur, un contrat qui détermine la responsabilité et fixe le montant de la réparation :c’est une transaction, et c’est l’article 2044 du code civil qui la définit comme un contrat par lequel les parties terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître . Elle doit faire l’objet d’un écrit et ne peut se passer qu’une fois le dommage réalisé, ne peut exonérer par avance de sa responsabilité en la matière ni renoncer d’avance à son droit car les règles de mise en œuvre de la responsabilité civile sont en général considérées comme étant d’ordre public, d’où l’invalidité ou la nullité des clauses exonératoires de responsabilité. Ce principe a été rappelé par la cour de cassation française qui a jugé que « les articles 1382 et 1383,devenus 1240 et 1241 du code civil, sont d’ordre public et leur application ne peut être neutralisée contractuellement par anticipation, de sorte que les sont nulles les clauses d’exonérations ou d’atténuations de responsabilité en matière délictuelle ».(1ère civ. 5 juill. 2017, n°16-13407).
Soit, à défaut d’accord sur la responsabilité ou sur le montant de la réparation, elle doit engager une action en justice. Dans tous les cas l’objectif de la victime est d’obtenir la réparation du dommage. La réparation peut se faire par compensation (ou réparation par équivalent), en nature (rétablir la situation antérieur), ou intégrale (ni plus, ni moins que le dommage).
Le droit de réparation peut souvent se heurter à certains obstacles. Ce sont les causes d’exonération qui interviennent pour faire disparaitre la responsabilité ou en tout cas le droit à réparation quand apparemment un lien existe entre le dommage et le fait générateur. Elles sont constituées par les causes de non-imputabilité, la force majeure et les faits justificatifs.
Pour ce qui est des causes de non-imputabilité, il se pose la question de savoir si les personnes privées de raison ainsi que les personnes morales peuvent être tenues pour responsables. Les personnes privées de raison, l’infans (enfant de bas-âge), le dément, n’engagent pas leur responsabilité personnelle lorsqu’il cause un dommage, seule la responsabilité des personnes ayant leur garde peuvent être retenues sauf à démontrer leur faute. La responsabilité civile des personnes morales (sociétés, associations…) est admise.
En ce qui concerne la force majeure, elle est la cause d’exonération la plus généralement admise. Selon la cour d’appel de Ouagadougou « …pour être retenue, la force majeure…, doit être une cause étrangère, imprévisible et irrésistible » (C. A,21 fevrier.1992, R.B.D., n°27.janvier.1995, P.98-101.)
Enfin il y a les faits justificatifs que sont la légitime défense ; l’ordre de la loi ou de l’autorité légitime , l’état de nécessité, la provocation, et la prédisposition.
Sources :
-Code civil de 1804
– Ordonnance portant réforme du droit des obligations du 10 février 2016 en France ;
-Cours de 1ere année TGO de Jean Claude TAHITA ;
-Cours de première année TGO du Professeur Dominique KABRE ;
-Cours de responsabilité civile ,3eme année du Dr Jean Claude TAHITA .
Par : Daouda ZAN
Avec l’appui de Fabien KOUALA
La rédaction
Article digne d’intérêt. Cependant, avec le développement ahurissant des assurances où la reparation n’est plus assurée par l’auteur responsable des dommages, ne sommes nous pas en train de migrer vers un autre régime spécifique de responsabilité ? Cela ne remet t’il pas en cause La bonne vieille tradition civiliste qui voulait que l’auteur responsable des dommages soit condamné ad personam de sorte à l’en dissuader. Reconnaissons que le droit commun de la responsabilité civile est menacé dans son fondement et celà risque de faire couler beaucoup d’encres. Affaire à suivre,